Les organisations patronales réclament de la stabilité politique et réglementaire
La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale présidée par Aurélie Trouvé (LFI) auditionnait mercredi 29 janvier les représentants du Medef, de la CGPME et de l’U2P à l’occasion d’une table-ronde sur l’activité économique, la production et l’emploi en France. Des dirigeants qui se disent inquiets de la conjoncture tant économique que politique.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Michel Picon, Amir Reza-Tofighi, Patrick Martin et Aurélie Trouvé
Après avoir auditionné les organisations syndicales le 14 janvier dernier, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a reçu mercredi 29 janvier trois organisations patronales, le Medef, la CPME et l’U2P (Union des entreprises de proximité), afin de sonder leur état d’esprit et d’entendre leurs propositions pour juguler un contexte qui inquiète beaucoup de dirigeants. Une inquiétude que partage le président du Medef, Patrick Martin, qui a voulu souligner avec solennité "la gravité" de la situation économique du pays sur fond de défaillances d’entreprises et de remontée du chômage ainsi que "le décalage important entre le débat politique et la réalité économique et sociale que nous vivons". Sur le terrain, le dirigeant du Medef observe un nombre croissant de procédures collectives qui touchent des entreprises dont la taille moyenne augmente, avec pour couronner le tout un périmètre de secteurs touchés qui s’élargit, notamment dans l’industrie. Conséquence : le chômage repart à la hausse. Une situation sur laquelle "nous avions déjà alerté fin août", rappelle avec une certaine amertume Patrick Martin. Car au-delà des difficultés économiques conjoncturelles, "l’aléa et l’incertitude" créés par la dissolution et la censure du gouvernement Barnier pèsent lourd dans la balance. En clair, "la France se met à contresens de ce qui se passe dans le reste du monde", et même plus près de nous chez nos partenaires européens tels que la Pologne, l’Espagne ou encore le Portugal qui aujourd’hui "se portent bien" et ont fait le choix de baisser leur taux d’imposition sur les sociétés afin de renforcer la compétitivité de leurs entreprises.
"Il faut arrêter de remplir la baignoire avant de la vider"
Amir Reza-Tofighi, fraîchement élu à la présidence de la CPME le 21 janvier dernier, a rappelé les chiffres : sur les quelque 68.000 défaillances d’entreprises enregistrées en 2024, 18.000 l’ont été sur le seul quatrième trimestre. Une situation qui va bien au-delà "du rattrapage du Covid", analyse le dirigeant. Sur le segment des entreprises de plus de 50 salariés, l’augmentation sur un an dépasse les 30%. Pas étonnant dans ces conditions que le taux de chômage suive une même trajectoire : "entre le troisième et le quatrième trimestre 2024, nous avons perdu 110.000 emplois, soit la population d’une ville comme Besançon", s’alarme le dirigeant. Chez les jeunes, le taux de chômage a grimpé de +8%, "conséquence des décisions ou non décisions sur l’apprentissage" qui ont eu un impact immédiat sur des employeurs qui depuis quelques mois ne savaient plus sur quel pied danser. Amir Reza-Tofighi plaide donc pour une vaste simplification des normes et prône, pour la décision politique, une méthode éprouvée dans les entreprises : "le test PME", soit l’évaluation de toute mesure avant sa mise en œuvre généralisée. Et le président de la CPME d’imaginer que les règles d’exception appliquées pour la reconstruction de Notre-Dame, celle de Mayotte ou encore les JOP de Paris 2024, puissent s’inscrire durablement dans le corpus des règles qui s’imposent aux entreprises. Ce que Patrick Martin résume à sa manière d’une formule : "Il faut arrêter de remplir la baignoire avant de la vider !"
Représentant des TPE lors de cette table-ronde, Michel Picon (U2P) s’alarme quant à lui de la chute de l’activité palpable en fin d’année : -5% dans la construction ou encore -2,5% dans la fabrication et les services. "Nos capacités d’emploi sont aujourd’hui menacées" et ce sont près de 1.500 salariés qui sont concernés chaque semaine par le régime de garantie des salaires (AGS). "Des disparitions d’emplois à bas bruit", regrette Michel Picon, moins médiatiques que des fermetures de sites industriels. "Personne ne licencie par plaisir", a fortiori dans les petites entreprises qui connaissent en parallèle des difficultés de recrutement persistantes. La seule solution pour retrouver des marges de manœuvre en termes de salaires et redevenir ainsi attractifs passerait, estime le président de l’U2P, "par un transfert d’une partie du financement de la protection sociale sur d’autres paramètres que le travail". Au député Matthias Tavel (LFI) qui met en cause le versement de dividendes aux actionnaires qui entraverait les entreprises plus que le coût du travail lui-même, le président de la CPME répond : "Nous sommes dans un marché ouvert, mondial, et nous sommes en train de tuer la production française !"