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Convention de l'ADCF - Les présidents d'intercommunalité esquissent leur feuille de route

À 18 mois des prochaines élections municipales, les présidents d'intercommunalité avaient déjà un peu, le 5 octobre, l'esprit tourné vers les prochains mandats. Au menu de la séance plénière de conclusion de la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), à Deauville : les priorités de l'action locale dans les années à venir. En tête des préoccupations : les défis climatiques, les mobilités, le logement, les transitions énergétique et numériques…

Selon un sondage Ifop pour l'Assemblée des communautés de France (ADCF), 86% des Français pensent que l'intercommunalité est "une bonne chose". Le résultat n'est pas passé inaperçu aux yeux des 1.800 participants de la 29e convention nationale que l'association a organisée ces 4 et 5 octobre à Deauville. "C'est la meilleure des nouvelles" et "un considérable encouragement pour aller de l'avant", a estimé son président, Jean-Luc Rigaut. C'est donc avec confiance que les présidents d'intercommunalité et leurs partenaires ont esquissé, lors de la séance plénière finale, la "feuille de route" des "territoires" pour les dix prochaines années.
Un programme centré sur l'action et non sur l'organisation comme cela a pu être le cas il y a quelques années. Après le "big bang" consécutif à la réforme territoriale - réduction de 39% du nombre des communautés et transfert de nouvelles compétences - l'heure est à la "stabilisation" et à un retour aux fondamentaux. Le projet de territoire que l'intercommunalité établit avec les citoyens et les communes en fait partie. "Il faut qu'on ait une vision porteuse d'une identité - au bon sens du terme", a plaidé Marc Fesneau, président du groupe Modem à l'Assemblée nationale et ancien président de la commission institutions de l'ADCF. Le projet de territoire traduit cette exigence. L'intercommunalité est aussi confrontée à la demande de proximité exprimée par les citoyens, a-t-il estimé. En sachant que dans les communautés "XXL", la question se pose avec encore plus d'acuité qu'ailleurs.

Solidarités territoriales

Dans ce domaine, Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados, a mis en avant l'expérience du réseau des "Points info 14", qui se situent à un quart d'heure maximum de tous les habitants, ruraux comme urbains. Leur vocation : "accompagner" la population, par exemple dans ses démarches administratives.
La proximité est justement la première des "valeurs" de la nouvelle Banque des Territoires qui, depuis fin mai, réunit tous les moyens de la Caisse des Dépôts au service du développement des territoires, a déclaré pour sa part Olivier Sichel, son directeur général, qui participait à la plénière de clôture. Plus que jamais, les directeurs régionaux du groupe ont la capacité d'engager des financements "au plus près du terrain", a-t-il expliqué.
Les solidarités territoriales sont à consolider, ont souligné plusieurs participants de la table-ronde. En ce domaine, les métropoles n'ont pas encore fait leurs preuves, a estimé Valérie Létard, sénatrice du Nord et conseillère régionale des Hauts-de-France. "On a besoin de locomotives", mais leur croissance doit contribuer au développement des territoires périphériques, a-t-elle insisté, appelant à une évaluation des "métropoles qui fonctionnent". "Il faut qu'on fasse vivre la solidarité territoriale financière", a abondé François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire. Un "fossé" risque de se creuser entre les territoires qui sont dotés de moyens en ingénierie de projets et d'autres qui n'en ont pas, a pointé pour sa part Marc Fesneau. Qui a conclu à l'importance d'organiser "la solidarité de l'ingénierie".

S'organiser face aux événements climatiques

Afin de favoriser un développement équilibré de l'habitat - notamment pour corriger les effets de la métropolisation -, il est indispensable que les communes et leurs intercommunalités puissent mener des politiques dans ce domaine, a estimé Valérie Létard. Il faudrait définir "des stratégies inter-territoires" et davantage "différenciées" selon le dynamisme démographique, a plaidé la sénatrice du Nord. Sauf que la loi Elan que le Parlement doit adopter très prochainement ne va pas dans cette direction, a regretté l'ADCF. La réforme envisage "une restructuration complète du tissu des organismes de logement social sans impliquer nos intercommunalités", a dénoncé l'association.
Autres compétences stratégiques dont il a été question lors du débat : la prévention et la lutte contre les inondations et plus généralement les dérèglements climatiques. Selon Marc Fesneau, ces enjeux nécessitent une "transition d'état d'esprit" et une anticipation. Si les intercommunalités ne posent pas "le débat sur la table auprès des citoyens", elles se verront "mal comprises", a alerté le député du Loir-et-Cher. Le financement de la compétence en matière de gestion des eaux, des milieux aquatiques et de prévention des inondations n'est pas adaptée sous sa forme actuelle, s'est alarmé de son côté Charles-Éric Lemaignen.

Révolution digitale

Le vice-président de l'ADCF a mis l'accent sur "la révolution digitale", qui "va transformer profondément toute nos politiques". Pour offrir aux collectivités des outils permettant de répondre à cet enjeu, la Banque des Territoires travaille à une plateforme digitale qui sera dévoilée lors du prochain congrès des maires de France, a annoncé son directeur général.
L'enjeu des mobilités a été abordé en présence de la ministre, Élisabeth Borne. Pour mettre en œuvre des solutions de mobilité adaptées aux besoins des territoires, "je vous fais confiance", a-t-elle lancé. "Il y aura bien une ressource (…) ce ne sera pas comme avec la loi Gemapi", a-t-elle aussi précisé pour répondre à l'inquiétude de certains élus. Elle a indiqué à ce sujet que ses services recherchent "une petite ressource" répondant au besoin de financement des intercommunalités qui prendraient en charge "une compétence simplifiée" en matière de mobilités. Pour "éviter de créer une usine à gaz", ne peut-on pas "trouver une autre assiette" que le versement transport - appelé à devenir le versement mobilité - s'est interrogée la ministre.
De son côté, le ministre en charge de la transition écologique et solidaire a appelé à réorienter la production de l'énergie vers un "modèle beaucoup plus décentralisé" et "mieux réparti sur le territoire". Il a dit vouloir en particulier développer les réseaux de chaleur.

Pour des aménagements institutionnels

Au chapitre des réformes institutionnelles, l'ADCF ne souhaite pas une pause totale. Elle a souhaité une "simplification des mécanismes de décision" au sein des conseils communautaires, affirmant par exemple que la règle de l'unanimité requise sur certains dossiers devait disparaître. Autre voeu : pouvoir fixer plus librement la composition des conseils communautaires. La proposition de loi Sueur-Richard de mars 2015 entendait redonner aux communautés des marges de manœuvre qui ont été rétrécies par la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 (QPC "Commune de Salbris"). Mais les présidents d'intercommunalité estiment qu'ils n'ont pas retrouvé la possibilité d'établir de véritables accords locaux. Ils semblent avoir été entendus sur le sujet. Marc Fesneau a laissé entendre que la poursuite de l'examen, en janvier prochain, du projet de loi de révision constitutionnelle, serait l'occasion de leur donner satisfaction. "Il y a un problème constitutionnel", a abondé la ministre déléguée au ministre de l'Intérieur, Jacqueline Gourault, venue jeudi matin. Pour elle, "il faudra regarder comment évoluer".
L'ADCF a par ailleurs souhaité que les institutions communautaires fassent plus de place aux femmes. Rappelant que seulement 7% des présidents d'intercommunalité sont des femmes, Jean-Luc Rigaut a appelé à "franchir un cap important en 2020".
"Le vrai sujet des EPCI c'est leur mode d'élection", a estimé pour sa part Frédéric Sanchez, président de la métropole de Rouen Normandie, qui s'est exprimé lors du forum consacré jeudi après-midi à la "gouvernance" de l'intercommunalité. A la tête d'une métropole d'un demi-million d'habitants, il a été élu par seulement 6.000 électeurs de Petit-Quevilly, la commune dont il est le maire, a-t-il fait remarquer. Faut-il dans ces conditions que les Français élisent directement l'exécutif de l'intercommunalité ? Sur 243 présidents d'intercommunalité interrogés par l'ADCF, 57% ne le souhaitent pas, préférant le maintien du "scrutin fléché" qui doit être utilisé en 2020. De ce sujet, jadis très polémique, il a été généralement peu question lors de cette convention.