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Emploi - Les services à la personne avancent en ordre dispersé

Avec 145.000 emplois créés, les services à la personne ont enregistré une progression de 8,6% en 2006. L'offre demeure cependant très éclatée avec de profondes différences d'une région à l'autre.

Presque deux ans après le lancement du plan Borloo, le secteur des services à la personne est en pleine expansion. En 2006, il employait 1,8 million de salariés et a créé 145.000 emplois, une hausse de 8,6% par rapport à 2005, selon un bilan présenté à l'occasion des premières Rencontres parlementaires sur les services à la personne, organisées le 8 mars à la maison de la Chimie, à Paris. Pour 2007, le ministère de l'Emploi prévoit 220.000 à 250.000 créations d'emplois supplémentaires. Le développement du secteur a été facilité par le lancement du chèque emploi service universel (Cesu), un moyen de paiement émis depuis le 1er janvier 2006 qui peut être cofinancé par les employeurs privés, les caisses de retraite, les associations mais aussi par les collectivités territoriales. Les départements peuvent ainsi verser à leurs administrés tout ou partie de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) sous forme de Cesu préfinancés à valeur prédéfinie. En 2006, plus de 12 millions d'euros de Cesu ont ainsi été émis par les banques et plus de 84 millions préfinancés par des entreprises ou des collectivités publiques.

 

De fortes disparités régionales

Pour atteindre son objectif de 500.000 emplois en trois ans, le gouvernement a décidé d'accélérer le mouvement avec de nouveaux outils. Un crédit d'impôt facilitera l'accès des services à la personne aux ménages modestes. Cette mesure instituée le 22 février, dans le cadre du projet de loi instituant le droit au logement opposable, entrera en vigueur en 2008. Un nouveau numéro de téléphone unique d'accès aux services à la personne, le 3211, a par ailleurs été lancé le 7 mars. Enfin, la liste des vingt métiers pouvant bénéficier d'aides fiscales a été étendue à l'assistance à distance des personnes âgées, à l'accompagnement des enfants hors du temps scolaire ou aux ateliers d'art pour des personnes gravement malades.
Ce coup de pouce ne sera pas de trop car derrière les bons chiffres de 2006, des obstacles demeurent. Malgré la création d'"enseignes nationales" récemment regroupées en association pour harmoniser et améliorer l'offre de services au niveau national, le secteur reste extrêmement atomisé. Il compte des millions de clients pour une grande variété de structures allant de grandes sociétés aux très petites entreprises, voire des salariés indépendants. En 2006, 11.000 structures agréées ont été recensées contre 5.500 en 2005, mais de nombreux acteurs, comme les coopératives, les structures de quartier et le monde de l'artisanat sont encore exclus des processus de reconnaissance. D'après Bruno Arbouet, directeur général de l'Agence nationale des services à la personne (ANSP), il est nécessaire d'accroître de façon massive l'offre de services à travers la mise en place de réseaux et en facilitant l'accès à de nouveaux entrants. "En banlieue par exemple, des accords ont été signés avec des régies de quartier, a-t-il expliqué lors du colloque du 8 mars, et en matière d'artisanat, des coopératives se mettent en place."

 

"Développer un service public local"

Les coopératives sont en effet l'un des moyens mis en avant pour structurer le secteur. Elles permettent aux personnes d'exercer leur métier et de développer leurs compétences dans le cadre d'une entreprise collectivement partagée entre les salariés, les clients, les bénévoles, les partenaires privés et les collectivités locales. Autre frein au développement des services à la personne : les fortes disparités régionales avec un clivage est-ouest, l'ouest étant plus consommateur, et des différences en matière d'offre, les régions les plus peuplées étant celles qui comptent le plus de structures agréées (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Bretagne, Paca).
Au niveau des départements, le constat est le même : ceux qui comptent le plus de structures agréées se situent en grande partie en Ile-de-France, dans l'Ouest, le Nord, sur la façade atlantique et en Rhône-Alpes. Les moins bien lotis sont situés dans l'est du pays, le centre et la Corse. "Dans mon département, l'offre de services à la personne n'est pas à la hauteur des besoins exprimés par les ménages, a ainsi témoigné Philippe Juvin, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine. Les raisons sont multiples : les difficultés à embaucher et à trouver des candidats géographiquement proches, et des conditions qui ne sont pas satisfaisantes pour les candidats." Françoise Nordmann, administratrice de l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) estime de son côté qu'il "faut développer un service public local" et dans cette démarche, les élus, qui connaissent parfaitement leur territoire et leurs spécificités, sont considérés comme des interlocuteurs clés. Laurent Hénart, président de l'ANSP, compte prochainement aller à leur rencontre pour repérer les bonnes pratiques et mieux comprendre les problèmes qui empêchent aujourd'hui le développement local des services à la personne.

 

Emilie Zapalski