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Conjoncture - Les travaux publics pessimistes pour 2012

Le secteur des travaux publics prévoit dans le meilleur des cas une quasi-stabilité de son activité en 2012. Mais il redoute les conséquences des difficultés d'accès au crédit des collectivités qui risquent de retarder fortement le lancement des chantiers et d'entraîner un net recul du chiffre d'affaires des entreprises.

2012, année de tous les dangers ? Pour Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), cela ne fait pas de doute tant que les difficultés d'accès au crédit des collectivités, qui représentent 50% de l'activité du secteur, ne sont pas résolues. "Nos prévisions qui anticipent une baisse limitée de 1,5% de la demande des collectivités aux travaux publics, sont pour le moment optimistes par rapport aux informations qui me remontent du monde financier", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse ce 6 décembre. "L'hypothèse d'un recul de l'activité de 1,5% tient compte des incertitudes qui pèsent sur l'évolution des recettes futures des collectivités suite à la réforme fiscale et au gel des dotations de l'Etat", a-t-il poursuivi. Dans ce contexte et compte tenu des travaux à engager, les communes et leurs groupements devraient maintenir leurs investissements tandis que les départements, vu leur situation financière et le poids de leurs dépenses sociales, devraient baisser de 6% leurs commandes aux entreprises de travaux publics.

Des craintes liées à l'asphyxie des crédits

Mais ces estimations supposent que les collectivités puissent satisfaire leurs besoins de financement bancaire. Or, les difficultés qu'elles connaissent déjà pour accéder au crédit risquent de s'amplifier dans les mois à venir, craint-on à la FNTP. Pour Patrick Bernasconi, la situation du marché interbancaire est en effet encore pire que lors du blocage survenu en 2008. "A l'époque, les banques avaient amorti une partie du choc en jouant sur leurs fonds propres. Cela n'est plus possible désormais avec la mise en place du dispositif Bâle 3. Comme elles doivent disposer de plus de fonds propres pour prêter, elles ont réduit leur offre de crédit. En outre, le prix de cette ressource se renchérit du fait à la fois du relèvement des marges des banques et de conditions de refinancement plus coûteuses. Enfin, les créances des collectivités n'étant plus considérées comme facilement cessibles, les banques ne sont plus incitées à entrer sur ce marché ou à s'y développer. Et les difficultés de Dexia ont encore amplifié le phénomène."
Malgré une première ligne de crédit de 3 milliards d'euros débloquée par la Caisse des Dépôts, suivie d'une deuxième ligne de 2 milliards d'euros, la situation reste très délicate. "On estime à 7 milliards d'euros les besoins de financement non satisfaits des collectivités locales, ce chiffre correspondant à un maintien de l'emprunt au niveau de 2010 qui est inférieur de 17% à celui de 2009", a noté le président de la FNTP. "Sur ces 7 milliards d'euros, 2 milliards correspondent à la somme nécessaire pour faire la soudure au premier semestre, jusqu'à ce que le futur pôle public reprenant les activités de Dexia soit opérationnel, et 5 milliards ce qu'il faudrait pour compenser le retrait des autres banques", a-t-il détaillé. Si ces 7 milliards d'euros de besoins de financement ne sont pas satisfaits, cela pourrait impacter les travaux publics à hauteur de 10% de leur activité et entraîner la disparition d'entreprises et d'emplois, a-t-il mis en garde.

Orienter une partie de l'épargne vers les infrastructures

"Je demande que pour 2012, le fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts soit mis à contribution. Cela aura le mérite de détendre le marché et de permettre aux collectivités d'emprunter le volume dont elles ont besoin, à un coût raisonnable", estime Patrick Bernasconi. Mais, avance-t-il, au-delà de l'urgence, il faut aussi se préparer à une insuffisance structurelle de l'offre de crédit aux collectivités que la future Agence de financement des collectivités locales, qui sera soumise comme toutes les banques à une gestion très prudente de ses engagements, ne pourra que partiellement compenser. La FNTP réitère donc sa proposition de création d'un dispositif de type Livret A qui permettrait d'orienter une partie de l'épargne des ménages vers le financement des investissements en infrastructures des collectivités locales.
"Il ne s'agit pas d'engager des travaux pour faire plaisir aux entreprises de travaux publics et trouver de l'activité à leurs salariés, se défend le président de la FNTP. Mais nous avons un patrimoine en infrastructures et réseaux, réalisé à 80% dans la période d'après-guerre, qui a besoin d'être renouvelé pour rester performant. Qu'il s'agisse des voies ferrées, du réseau routier, des réseaux d'eau potable ou d'électricité, le manque de moyens consacrés à l'entretien et à la rénovation est manifeste depuis plusieurs années et conduit à une détérioration." Patrick Bernasconi vient de proposer à la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, la mise en place d'un observatoire de la qualité de service des infrastructures. Des indicateurs de qualité de service ou d'usage des infrastructures existantes seraient mis en place au niveau régional avec les cellules économiques régionales de la construction puis consolidés au niveau national. Ces indicateurs pourraient être bâtis à partir des ressources existantes provenant de différents observatoires (Observatoire des territoires de la Datar, Observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement, Commission de régulation de l'énergie, Institut de la gestion déléguée, Observatoires régionaux des transports, etc. "Cela permettrait d'avoir un bilan complet de l'état des infrastructures et de fixer les priorités pour engager les travaux", a conclu le président de la FNTP.

Anne Lenormand

2011 : le bloc communal a maintenu son effort d'investissement
Dans le domaine des travaux publics (TP), l'investissement du bloc communal a nettement mieux résisté en 2011 que celui des départements. En cumul sur les 11 premiers mois de 2011, le nombre de lots de TP émanant des communes et de leurs groupements a augmenté respectivement de 6% et 3% tandis que ceux issus des départements ont connu une forte baisse (-14%). La FNTP note aussi un clivage de plus en plus marqué entre territoires urbains et ruraux, les investissements se concentrant dans les grandes agglomérations. C'est notamment le cas dans les transports collectifs : sur les 16 intercommunalités de plus de 300.000 habitants (hors Ile-de-France), plus de 80% prévoient de développer au moins un projet de transport collectif en site propre (TCSP). Les agglomérations moins importantes développent aussi des projets : plus de 40% des intercommunalités de 100.000 à 300.000 habitants prévoient de mettre en service un TCSP. En revanche, ce taux chute de 6% pour les intercommunalités de 50.000 à 100.000 habitants. Du côté des départements, la FNTP note de fortes disparités en matière d'investissements liés à la voirie. Les départements ruraux doivent en effet gérer un linéaire routier quasi identique à celui des départements urbains avec un budget moins important. "Les 24 départements les plus peuplés dépensent 2,5 fois plus dans ce domaine que les 24 départements les moins peuplés. Cela représente 150 euros par habitant dans les budgets des départements ruraux contre seulement 60 euros par habitant dans les départements urbains", souligne la FNTP. Reste à savoir si les montants redistribués grâce au fonds de péréquation mis en place en 2011 pour corriger en partie ces écarts de richesse seront à la hauteur des enjeux.  A.L.