Les villes apaisées en campagne

Cinq associations parmi lesquelles le Club des villes et territoires cyclables et marchables (CVTCM) et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), viennent de lancer la campagne "Ville apaisée, quartiers à vivre". Objectif : "inciter et soutenir les collectivités à maintenir et à améliorer la qualité de vie en ville et l’attractivité de ses quartiers, dans un contexte marqué par l’accélération du changement climatique et la raréfaction des ressources". Une trentaine de villes de toutes tailles ont déjà adhéré à la démarche.

Le Club des villes et territoires cyclables et marchables (CVTCM), Rue de l’Avenir, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), France Nature Environnement (FNE),
et la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) ont lancé ce 18 septembre la campagne "Ville apaisée, quartiers à vivre"
qui revêt la forme d'un manifeste. L'objectif de la campagne, qui cible tout à la fois le grand public, l'État et les collectivités est d'inciter ces dernières "à maintenir et à améliorer la qualité de vie en ville et l’attractivité de ses quartiers, dans un contexte marqué par l’accélération du changement climatique et la raréfaction des ressources". "Les évènements récents nous ont fait prendre conscience que le processus de transition vers la 'ville bas carbone' doit s’intensifier et que, malgré un changement de contexte inédit, nous avons à nous mobiliser pour que la ville reste attractive et désirable, qu’elle préserve la santé de ses habitants et leur offre les services et aménités qu’ils attendent", justifient les associations, qui mettent en avant leur "vision coordonnée" et leur "approche systémique de la ville apaisée". "Face à l’augmentation générale des températures et des évènements climatiques violents, aux tensions liées à la crise énergétique, à la diminution de la ressource en eau et à bien d’autres menaces notamment vis à vis de la biodiversité, nous devons imaginer et mettre en oeuvre une ville accueillante pour les jeunes, les aînés et les générations futures", soulignent-elles.

Agir à l'échelle du quartier

Le manifeste développe un argumentaire en cinq points et dix mesures pour aller vers la "ville apaisée". Tout d'abord, "l’échelle du quartier est pertinente pour susciter une dynamique d’apaisement car elle permet à ses habitants une appréhension concrète et quotidienne des difficultés rencontrées et des changements auxquels ils aspirent", énonce-t-il. Et de proposer un "changement culturel" en mettant la pratique de la marche et du vélo "au centre de l’organisation de l’espace public, prioritaires par rapport à la place donnée à la circulation automobile qui devra se limiter à la voiture utile, c’est-à-dire celle qu’on ne peut pas remplacer par des alternatives non polluantes". L'espace public doit être érigé en "bien commun pour une nouvelle civilité urbaine" – il préconise en ce sens d'"agir pour une participation des habitants à la conception des espaces publics et au choix du mobilier urbain" et d'actualiser le "Code de la rue "pour que les règles régissant les droits et les obligations de chacun dans l’espace public soient connues de tous et de toutes". Au sein du quartier, le manifeste propose d'encourager les micro-réalisations (plantations de jardins de rue), de "multiplier les créations de lieux de vie, de parcs publics et de jardins partagés", d'instaurer le principe de budgets participatifs. Les voiries pourraient être reconfigurées "en adéquation avec un usage partagé et équilibré entre tous les modes, en particulier dans les quartiers du périurbain afin de lutter contre la dégradation des relations humaines et assurer une sécurité des déplacements". À l’échelle de l’agglomération, les associations proposent de "connecter les quartiers par des axes structurants, où la priorité est donnée aux transports collectifs, aux vélos et aux continuités piétonnes".

Des rues pour tous

Pour le bien-être des habitants dans leur quartier, les promoteurs du manifeste prônent "des rues pour accueillir tous les âges et les personnes en situation de handicap, avec des trottoirs dégagés des obstacles, un éclairage efficace et moins consommateur d’énergie, la prise en compte du genre - confort et sécurité de la mobilité des femmes, notamment un éclairage adapté avec détecteurs de présence)", "où on peut laisser les enfants aller seuls à l’école à pied ou à vélo, où on met en place des actions spécifiques pour leur appropriation de l’espace public et augmenter leur activité physique (rue scolaire, rue aux enfants, rue libre, jeux, terrains de sports, etc.)". La conception des espaces publics doit aussi favoriser la "cohabitation entre les différents modes" et "évite[r] les conflits grâce à la participation des différents usagers, piétons et cyclistes, à leur définition". "En particulier, l’attention doit être portée aux carrefours et aux stations de transport collectif où chacun doit bénéficier du même confort et de la même sécurité", insiste le manifeste qui veut que le stationnement automobile soit "rééquilibré en faveur du vélo". Pour anticiper les effets du changement climatique, les associations militent aussi pour "des espaces publics plantés chaque fois que c’est possible". Elles insistent aussi sur le nécessité de porter "une attention particulière" à la création de l’ombrage par des objets architecturaux (arcades, auvents, ombrières), à rendre les sols perméables pour alimenter les nappes phréatiques, à faire place à la nature (continuités écologiques, nichoirs, hôtels à insectes…).

Pacifier l'usage de la voiture

Pour réduire "l'excès automobile", le manifeste mise sur la réduction de l’offre de stationnement, vue comme "un outil efficace pour éviter les courts trajets". "Elle doit s’accompagner de contrôles efficaces contre le stationnement illicite et par des actions concernant la tarification du stationnement, la signalétique piétonne et cyclable, la communication sur les VAE et la valorisation des parkings relais, des campagnes d’information via la presse locale, etc.", préconise-t-il. Le soutien à l’autopartage ou au covoiturage, possibilités encore peu exploitées, peuvent aussi aider aux changements de comportements". "Ces trois modes, utilisés seuls ou combinés, favorisés par la réduction du nombre et de la vitesse des véhicules motorisés et soutenus par une communication efficace, pourront faire l’objet de reports depuis les modes motorisés si leur sécurité et leur confort sont améliorés : qualité des sols des trottoirs, continuité et sécurité des aménagements cyclables, localisation et confort des abris de voyageurs aux arrêts de bus, détaille-t-il. Il est également nécessaire d’offrir des services aux modes actifs : stationnement vélo sécurisé, ombrières pour la marche, toilettes, fontaines, bancs." Autre piste : l'adoption d’un cadre législatif et règlementaire pour généraliser les zones à trafic limité (ZTL), déjà expérimentées avec succès à Nantes, Grenoble et Rennes. Le dispositif, qui vient d'Italie, consiste à réserver l’accès d’un secteur aux riverains et aux usages prioritaires (santé, travaux, livraisons), de façon à limiter la circulation au profit de la marche, du vélo et des transports collectifs.

Extension du 30 km/h

Le manifeste promeut en outre des "villes et des villages à 30 km/h", le 50 km/h n'étant réservé qu'à quelques artères majeures ainsi qu’à des voies où circulent des lignes de bus importantes. Pour cela, " "l’outil essentiel est la règlementation qui devra s’attacher à la cohérence du dispositif sur le plan du statut des voies, de la signalétique aux portes de la zone, de rappel par des marquages au sol, développe-t-il. Des mesures d’aménagement peuvent aussi être mises en oeuvre : seuils, chicanes, écluses, priorité à droite, rétablissement du double sens de circulation, etc. Ces aménagements doivent être facilement franchissables par les bus et les vélos. Par ailleurs, une politique de communication et de contrôles suivis de sanctions sont aussi des éléments importants pour la réussite de la 'ville 30'".

Développer la marche, le vélo et les transports en commun

Enfin, les promoteurs du manifeste appellent à développer les alternatives à l'usage de l'automobile – marche, vélo, transports en commun. Tout en mettant en garde : "dans la ville apaisée l’usage de ces alternatives doit résulter d’un libre choix, de l’exercice légitime de leur liberté par l’ensemble des citoyens et visiteurs de la ville et donc d’une bonne offre". Pour les usagers les plus vulnérables (piétons et cyclistes), "l’élément fondamental est l’assurance de la sécurité par la réduction forte, voire la suppression, du risque. C’est la réduction de la vitesse des véhicules motorisés qui le permet", soulignent-ils. "Les périphéries urbaines et les petites villes, difficiles à desservir par les transports collectifs, sont les secteurs où une nécessaire offre alternative doit faire appel à l’innovation, au développement du covoiturage et à l’auto partage", ajoutent-ils. Quant aux trottinettes électriques, "ludiques et utiles pour le dernier kilomètre dans les secteurs où le transport collectif est moins dense, [elles] sont souvent en conflit avec la marche et le vélo et ne sont pas les bienvenues dans les secteurs à priorité piétonne."

Une trentaine de collectivités de toutes tailles ont déjà signé le manifeste, parmi lesquelles Paris, Montpellier, Strasbourg, Rennes, Nantes Métropole, Clermont-Ferrand, Joigny, Lyon, Dijon, Chambéry, Tours, Vitré, Lorient, Saint-Brieuc, Roubaix, Poitiers, Maubeuge. Des associations locales ou nationales se sont aussi jointes au mouvement (Forum vies mobiles, 60 millions de piétons, Conseil français des urbanistes, etc.). "Cette campagne, ce n'est pas que des vœux pieux et de belles paroles, affirme Anne Faure, présidente de Rue de l'avenir. Ce qu'on espère, c'est que les communes signataires se saisissent de ces propositions, de façon à ce que petit à petit elles aillent plus loin que ce qu'elles font actuellement."

 

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