L'Essonne met à l'honneur ses nouveaux naturalisés

Ils viennent d'Algérie, du Togo, de l'île Maurice et habitent l'Essonne. Récemment ils sont devenus Français. Une fois par an, le conseil général de l'Essonne organise pour eux une cérémonie officielle pour fêter un événement marquant de leur vie, qui sans cela passerait inaperçu.

Avec un peu plus de 100.000 étrangers titulaires d'une carte de séjour, l'Essonne est un département cosmopolite. 1.500 étrangers en moyenne y obtiennent chaque année la nationalité française. Certains sans difficultés, mais pour d'autres l'attente dure plusieurs années. Ceux-là se souviennent toute leur vie du jour où ils ont décroché leur décret de naturalisation en préfecture ! C'est pour mettre à l'honneur ces nouveaux Français que le conseil général de l'Essonne organise depuis sept ans une réception annuelle.
Ce 22 avril, comme de coutume, l'institution départementale ouvre ses portes à 300 nouveaux naturalisés. A partir de 19 heures, ils affluent, par l'entrée du restaurant administratif de l'hôtel du département à Evry. Deux jours plus tôt, le restaurant a été préféré à la salle de réception du 6e étage, trop exiguë pour l'occasion. Ils sont venus en couple, accompagnés parfois de leurs enfants. A 20 heures, le silence se fait pour écouter le vice-président en charge des solidarités, Jérôme Guedj. "Il était important de vous montrer votre maison commune", déclare solennellement l'élu départemental, qui poursuit : "Le décret que vous avez reçu est bien plus qu'un simple papier administratif, mais le résultat d'un choix, par lequel vous êtes devenus des fils et des filles de la République française." Une fois l'allocution terminée, la Marseillaise retentit.

Droit de vote

Les 800 personnes présentes se lèvent d'un même élan, toujours en silence. Dans l'assistance, Sylvain ne cache pas son émotion : "Avant, quand on entendait l'hymne national, c'était toujours pour les autres. Cette fois, on l'a écouté pour nous. J'en ai la chair de poule."
La Marseillaise est désormais leur hymne à eux aussi. Par ailleurs, ils peuvent exercer le droit de vote. S'ils se sont inscrits sur les listes électorales à leur mairie, les Essonniens naturalisés en début d'année auront pu participer le 29 mai au référendum sur le traité constitutionnel européen. Jules, lui, s'est certainement rendu à son bureau de vote. "Voter, c'est un acte très important. C'est décider de l'avenir de son pays. Ne pas posséder ce droit, cela revient presque à être désocialisé", estime ce jeune homme d'une trentaine d'années originaire du Togo.
Jules vivait en France depuis cinq ans lorsqu'en avril 2004 il a obtenu la nationalité française. Selon lui, la nationalité donne aussi "l'espoir de pouvoir évoluer plus facilement dans la vie professionnelle". Jules est actuellement contractuel à La Poste.

Un guide du nouveau citoyen

Françoise abonde dans le même sens. Pour cette femme arrivée en 1990 en provenance de l'île Maurice avec son mari et ses deux enfants, nationalité française rime avec stabilité professionnelle. Peu de temps après sa naturalisation en février 2004, l'hôpital où elle travaillait en tant que contractuelle a ouvert une procédure de titularisation, dont elle a pu bénéficier grâce à la nationalité.
Pour exercer pleinement les droits liés à la nationalité, encore faut-il être un citoyen averti. C'est pourquoi le conseil général a réalisé un "guide du nouveau citoyen", qui, en 35 pages, rappelle aux personnes naturalisées leurs principaux droits et devoirs. Cet ouvrage est aussi l'occasion de présenter les différentes missions du conseil général et de la préfecture. Il est remis à chacun avec un diplôme honorifique signé par le président du conseil général. Pour aller plus loin, les nouveaux naturalisés peuvent contacter le chargé de mission pour le développement de la citoyenneté, Hamed Kribi. Son rôle consiste précisément à aider les personnes issues de l'immigration dans leurs démarches administratives, notamment les demandes de naturalisation, et les informer sur toutes questions relatives à leurs droits.

Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis

Ils ont demandé la nationalité française...

Ils étaient, le 22 avril, les invités du conseil général de l'Essonne. Ces Français récemment naturalisés témoignent des motivations qui les ont conduits à demander la nationalité française.

Nacera, auxiliaire de puériculture

Nacera est née en Algérie, mais elle vit en France depuis trente ans. Aujourd'hui, elle est parfaitement intégrée. Devenir française ? Nacera y songeait depuis des années. Mais rien ne la poussait vraiment à faire la demande. Le fait de ne pas détenir la nationalité ne l'a pas gênée outre mesure. "Le seul souci, c'est qu'il faut renouveler la carte de séjour tous les dix ans". Nacera a finalement fait le pas et sa démarche a abouti dès la première tentative. Le 22 avril à 10 heures, elle a reçu à la préfecture d'Evry le décret par lequel elle est devenue française. Elle se dit "fière" de "faire partie intégrante du pays".

Jules, contractuel à La Poste

Jules vivait en France depuis cinq ans, lorsqu'en avril 2004, il a obtenu la nationalité française. Originaire du Togo, il considère que la naturalisation "ouvre beaucoup de portes". Elle permet notamment de "participer à la vie républicaine" au travers du vote. Jules est heureux d'être français, mais il ne reniera pas ses origines. De culture africaine, il regrette "l'individualisme" de nombreux Français.

Sylvain, chauffeur de taxi

Sylvain habite sur le sol français depuis vingt et un ans. Pendant dix ans, il a vécu dans la clandestinité. Sans posséder la carte de séjour, il était coursier. Finalement, son employeur l'a aidé à faire les démarches en vue de sa régularisation. Il a obtenu la nationalité française en septembre 2004, après deux ans et demi d'attente. Il vit avec sa femme et ses deux enfants. "J'ai fait une demande de regroupement familial, car j'ai d'autres enfants en Afrique. Ceux-là ne sont jamais venus en France", explique Sylvain.

Françoise, agent hospitalier

Originaire de l'île Maurice, Françoise est arrivée en France en 1990 avec son mari et ses deux fils. La famille a d'abord vécu dans la clandestinité avant d'obtenir la carte de séjour. "Nous respections scrupuleusement les règles, afin de ne pas nous faire arrêter. Nous achetions la carte Orange, nous payions les impôts, comme tout le monde. Mais quand nous rencontrions un policier, nous avions peur, car nous aurions pu être reconduits aux frontières", témoigne Françoise. Après l'obtention de la carte de séjour, la famille a demandé la nationalité. Françoise et son mari ont obtenu le précieux sésame en février 2004 après quatre ans d'attente. "Nous avons fait la démarche davantage pour les enfants que pour nous, déclarent les époux. Comme ils ne sont pas nés en France, ils n'avaient qu'une carte de circulation. Quand on leur demandait des papiers d'identité, ils ne se sentaient pas comme leurs copains. Il y en a même qui se moquaient d'eux." L'acquisition de la nationalité a aussi permis à Françoise d'être embauchée peu de temps après par l'hôpital où elle travaille. Sans sa naturalisation, elle serait encore contractuelle. Des perspectives s'ouvrent pour la famille. Françoise envisage de passer le concours d'aide-soignante et la famille sera peut-être bientôt propriétaire d'une maison. "Les banques ne prêtent pas facilement aux personnes qui n'ont pas la nationalité", constate Françoise.

Accueil dans la citoyenneté : une faculté reconnue depuis peu aux maires

L'organisation d'une cérémonie dans le but de solenniser l'entrée dans la nationalité des nouveaux naturalisés est une faculté reconnue au maire par la loi du 13 août 2004 sur les responsabilités locales.Le conseil général de l'Essonne organise depuis 1999 une réception en l'honneur des nouveaux naturalisés. Il est l'un des seuls départements, sinon le seul, à être à l'initiative d'une telle manifestation. Les préfectures avaient l'habitude d'organiser des cérémonies de ce type dans le cadre de leurs compétences dans le domaine de la nationalité. Ce sont en effet les préfectures qui établissent et délivrent les décrets de naturalisation. L'article 146 de la loi relative aux responsabilités locales du 13 août 2004 a décentralisé cette compétence en donnant au maire la faculté de mettre en place une cérémonie d'accueil pour les nouveaux naturalisés (lire l'alerte juridique ci-contre). Certains maires n'ont pas attendu la loi pour le faire. Comme le maire du 17e arrondissement de Paris, Françoise de Panafieu, ou Etienne Mourrut, député-maire du Grau-du-Roi. Plus récemment, le maire d'Evry, Manuel Valls a reçu en mairie les 289 personnes de sa commune naturalisées en 2004 (lire ci-contre : "Evry (91) fête ses nouveaux naturalisés").

Carte de séjour, naturalisation : quelques repères

En 1999, l'Insee a recensé 3.263.186 étrangers établis sur le sol français.
Près de 85% des étrangers légalement établis sur le territoire national sont aujourd'hui en possession d'un titre de séjour valable dix ans (carte de résident).En 2002, 128.092 étrangers ont obtenu la nationalité française.

Une carte de séjour temporaire valable un an est délivrée aux étrangers venus en France en qualité de visiteurs, étudiants, scientifiques, artistes, ou pour y exercer une activité professionnelle. Elle est aussi attribuée pour des raisons de rapprochement familial. 104.850 cartes de ce type ont été délivrées en 2003, dont 41.201 pour des étudiants et des stagiaires et 41.258 pour des motifs familiaux.

Les conditions de l'acquisition de la nationalité par naturalisation

Les étrangers en situation irrégulière sont exclus des procédures de naturalisation.
Selon le Code civil, les étrangers demandant à être naturalisés doivent justifier de leur assimilation à la communauté française. Ce qui signifie qu'ils doivent connaître le français et les droits et devoirs conférés par la nationalité. Ils doivent également être de bonnes vie et moeurs. Tout ressortissant étranger peut demander à être naturalisé français s'il est majeur. A condition de ne pas se trouver en situation irrégulière ou de ne pas avoir fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'interdiction du territoire. Enfin, le demandeur doit justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq ans précédant le dépôt de sa demande.

A côté de la naturalisation, le mariage est une autre voie pour acquérir la nationalité. Un étranger marié, dont le conjoint est français, peut devenir lui-même français après deux ans de mariage. Les enfants dont au moins l'un des parents est français héritent automatiquement de la nationalité française à leur naissance.

Aller plus loin sur le web

Rapport du gouvernement au Parlement sur la politique française de l'immigration en 2004
http://www.interieur.gouv.fr/ 

Dossier de La Documentation  française sur la politique d'immigration de la France
 
Toutes les conditions nécessaires à l'obtention de la nationalité française
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/N111.xhtml
 
Une étude du Sénat qui compare les conditions de l'acquisition de la nationalité par le mariage dans sept Etats de l'Union européenne
http://www.senat.fr/lc/lc108/lc108.html

Découvrez nos newsletters

  • Localtis :
    Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques.

  • Territoires Conseils :
    Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.

S'abonner aux newsletters