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L'exonération de TVA d'un complexe aquatique dépend de l'importance de ses activités sportives

Une décision récente du Conseil d'État éclaire sur les possibilités d'exonération de TVA pour les collectivités exploitant un complexe aquatique. Le caractère sportif des aménagements proposés doit dominer sur les aspects ludiques.

Dans un arrêt du 9 décembre 2021, commenté sur le blog du cabinet Landot, le Conseil d'État précise qu'il faut prendre en compte la nature des différentes activités proposées et leur importance respective dans l'ensemble des aménagements de l'équipement pour décider de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des recettes d'un complexe aquatique exploité par une personne publique.

La subtilité du cas est contenue dans la notion de complexe aquatique, laquelle suggère une offre d'activités diversifiées qui va au-delà de la seule offre sportive telle qu'elle existe dans une simple piscine publique. Sur ce dernier point, le Conseil d'État avait déjà jugé en mai 2021 que l'exploitation par une commune d'une piscine principalement équipée de bassins destinés à la natation revêtait la nature d'une prestation de service à caractère sportif et, partant, emportait le non-assujettissement à la TVA.

Dans l'espèce qui nous intéresse, la commune de Nyons demandait au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution des droits de TVA qu'elle avait acquittés pour les années 2013 et 2014 au titre de l'activité du complexe aquatique qu'elle exploite en régie. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble avait fait droit à sa demande. Cette décision avait été annulée par un arrêt du 14 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon. La commune de Nyons avait alors formé un pourvoi devant le Conseil d'État.

Directive européenne

Dans sa décision, le Conseil d'État s'appuie principalement sur la directive européenne 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. Celle-ci dispose que les États, régions, départements, communes et autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions. En revanche, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces mêmes activités dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence "d'une certaine importance".

La directive du 28 novembre 2006 ajoute que "les États membres exonèrent certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif […]".

Pas d'obligation légale…

En l'espèce, même si le complexe aquatique litigieux était exploité en régie, même si la commune y affectait des agents municipaux et même si elle y pratiquait des tarifs modérés et modulés en fonction du public, de telle sorte que son exploitation était déficitaire, cela n'était "pas de nature à faire regarder l'activité en cause, en l'absence, notamment, d'obligation légale de l'accomplir, comme exercée dans le cadre du régime juridique propre aux organismes de droit public", relève le Conseil d'État.

Toutefois, note la Haute Juridiction, la France, par le biais de l'article 256 B du code général des impôts, a fait usage de la possibilité de regarder comme des activités effectuées en tant qu'autorité publique les services à caractère sportif rendus par les personnes morales de droit public. C'est donc la nature de l'activité pratiquée qui va déterminer l'assujettissement, et ce, quels que soient le statut juridique, la situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de l'intervention de la personne publique.

… mais un élément sportif prédominant

Le Conseil d'État rappelle que, selon un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2013 (Mesto Zamberk), la directive du 28 novembre 2006 doit être interprétée dans le sens où l'accès à un parc aquatique proposant des installations permettant l'exercice d'activités sportives, mais également des activités de détente ou de repos, peut constituer une prestation de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport. Mais ceci à une condition : que la possibilité d'exercer des activités sportives soit précisément l'élément prédominant.

Comment évaluer cette prédominance ? Pour la Haute Juridiction, il faut tenir compte des "caractéristiques objectives" du parc aquatique : les types d'infrastructures, leur aménagement, leur nombre et leur importance par rapport à la globalité du parc. S'agissant en particulier des espaces aquatiques, "il y a lieu de prendre notamment en considération le fait de savoir si ceux-ci se prêtent à une pratique de la natation de nature sportive". Parmi les indices, on retrouve, par exemple, le fait que les espaces sont divisés en lignes d'eau, qu'ils sont équipés de plots et qu'ils sont d'une profondeur et d'une dimension adéquates. À l'inverse, on évaluera si ces espaces "se prêtent essentiellement à un usage ludique".

Dès lors, pour conclure que l'activité d'exploitation de son complexe aquatique n'entrait pas dans le champ des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts en se basant sur le seul fait que la commune de Nyons n'exerçait pas cette activité dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public, la cour d'appel a commis une erreur de droit, estime le Conseil d'État. Elle aurait dû évaluer la part des installations permettant d'exercer effectivement des activités sportives.