L'impératif de maîtrise des consommations d'eau dope les compteurs communicants

La lutte contre le gaspillage de l'eau potable et la raréfaction de la ressource en eau amènent de plus en plus de territoires à opter pour la télérelève des compteurs d'eau. Dans un livre blanc publié à  l'automne 2023, la société Tactis décortique les enjeux de la télérelève et les arbitrages techniques nécessaires pour les territoires envisageant cette démarche.

Avec 5 millions de compteurs communicants installés, la France totalise un tiers des compteurs d'eau communicants installés en Europe. Un chiffre qui devrait doubler d'ici 2030 pour atteindre 10 millions d'unités selon le cabinet Tactis, à l'origine d'un livre blanc sur cette thématique. De nombreux syndicats d'eau et collectivités sont à l'origine de ces projets, le Sedif seul déployant 596.000 compteurs pour l'Ile-de-France. La télérelève intéresse cependant aussi de nombreux territoires ruraux et est au cœur de beaucoup de projets de territoires connectés.

Piloter et anticiper

Le déploiement des compteurs communicants dans le domaine de l'eau, comparable à Linky pour l'électricité et Gazpar pour le gaz, vise principalement à une maîtrise des usages et une meilleure information des consommateurs. Les récents épisodes de sécheresse et la baisse du niveau de certaines nappes phréatiques ont souligné l'urgence à mieux maîtriser les usages de l'eau. Or, selon l'étude "la relève régulière permet aux collectivités et aux opérateurs du réseau de distribution de mieux connaître les usages et la consommation, avec une fiabilité et une régularité de mesure permettant un suivi analytique à granularité fine dans la durée, ce qui permet une meilleure anticipation des besoins ou encore la vérification de l’adéquation du réseau de distribution avec les usages réels".

Détection des fuites

Concrètement avec la télérelève, collectivités et opérateurs peuvent mesurer le rendement de leur réseau en comparant le volume d'eau injecté à ce qui a été effectivement consommé. En 2021, selon des chiffres du Sedif, celui-ci était par exemple de 84% à Bordeaux et Nantes, atteignant 90% en Ile-de-France et 94% à Rennes. Le solde est constitué des fuites – environ 20% du volume total d’eau potable consommée en France selon Eau de France – et de prélèvements illégaux. Or "la collecte de données quotidiennes voire horaires permet d’identifier beaucoup plus rapidement les fuites, qu’elles soient sur le réseau ou après compteur" souligne l'étude. Celle-ci peut aussi être mobilisée pour repérer des prélèvements non autorisés et suivre l'application d'arrêtés sécheresse. Avec le temps et la constitution d'historiques, les territoires disposent enfin de données utiles à la création de modèles prédictifs pour planifier les investissements.

Des résultats liés au taux de couverture

Le plein bénéfice des compteurs connectés dépend cependant de plusieurs facteurs, analysés en détail par le livre blanc. La fiabilité du suivi des consommations dépend ainsi d'abord du taux de raccordement effectif des compteurs au réseau de collecte de données. Le choix de la fréquence de remontée des données et leur fraîcheur induisent par ailleurs différentes typologies d'usages et un pilotage du réseau plus ou moins fin. Il y a enfin la question de complétude des données et leur niveau de qualité. En matière de recherche de fuites, il peut ainsi être nécessaire de mobiliser des données complémentaires telles que la pression dans les canalisations sur différents segments de réseau.

Les réseaux radio Lora plébiscités

Parmi les éléments à prendre en compte avant de se lancer, figure également le choix de l'infrastructure de collecte des données. La télérelève des compteurs d'eau nécessite en effet la mise en place d'un réseau radio comprenant des antennes et des passerelles (gateway). Ces passerelles collectent les données d'un ensemble de compteurs (jusqu'à 10.000) avant de les remonter dans le système d'information de l'opérateur de réseau. Les compteurs d'eau communicants utilisent des technologies radio du type LP Wan pour réseau longue distance à faible consommation. Trois technologies sont comparées par les experts sur différents critères (pénétration dans les bâtiments, débits, capacité, coût…). Il s'agit du NB-IoT, qui repose sur les antennes mobiles existantes, de la technologie Wize promue par GrDF et Suez, et de LoRa WAN, porté par un vaste consortium d'acteurs à l'échelle internationale. Wize, utilisé pour la télérelève à Bordeaux, Mulhouse ou Le Mans et surtout LoRa dominent cependant. Pour LoRa, le rapport dénombre 9.300 antennes louées par des opérateurs et évalue à 10.000 le nombre d'antennes de réseaux privés, gérés notamment par des territoires.

LoRa, technologie du smart territoire

Il faut dire que les réseaux LoRa cumulent beaucoup d'atouts pour les collectivités : longue portée (10 à 40 km en rural et 0,5 à 5 km en urbain, donc peu d'antennes), sobriété énergétique avec des batteries de capteurs qui peuvent durer plusieurs années et absence de coût d'entrée. Car les fréquences utilisées par LoRa sont ouvertes, exemptes de licence. Mais la préférence des collectivités pour LoRa s'explique aussi par la possibilité de greffer de nombreux usages liés au smart territoire, avec un riche catalogue de capteurs compatibles. L'exemple du réseau déployé autour d'Aubagne par la SPL Eau des Collines est cité en exemple. Au-delà des compteurs d'eau, le réseau LoRa va permettre de déployer des capteurs et actionneurs pour piloter l'éclairage public, détecter les places de stationnement disponibles, suivre les consommations énergétiques des bâtiments ou mesurer la qualité de l'air… Des usages également au cœur du réseau LoRa du Finistère (le Sdef) et que l'on retrouve dans beaucoup de projets lauréats de l'appel à projets "territoires durables et connectés" (notre article du 27 novembre 2023).

Linky et Gazpar

Les deux autres compteurs communicants sont Linky et Gazpar. Linky est déployé par Enedis. Plus de 34 millions de foyers étaient équipés fin 2021, la totalité devant l'être d'ici fin 2024 selon la CRE. Linky transmet les données de consommation électrique via un courant porteur en ligne (CPL) et est également capable de recevoir des instructions à distance. Gazpar, déployé par GrdF utilise la technologie radio Wize, sur la fréquence 169 MHz pour transmettre les données vers un concentrateur proche. Le déploiement de Gazpar a été finalisé en 2023, il repose sur quelque 9;000 antennes Wize. Gazpar est présent sur 95% du territoire, les 165 entreprises locales de distribution installant leur propre solution sur les 5% qui restent.

 

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