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Habitat - Logement des personnes défavorisées : de nouveaux agréments pour réorganiser le secteur ?

Le décret 2009-1684 du 30 décembre 2009 met en place un nouveau système d’agrément pour les organismes exerçant des activités en faveur du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées hors secteur HLM traditionnel. Cette mesure prise en application de la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion (Molle) du 25 mars 2009, n’est pas seulement une mesure administrative. Les conditions posées pour l’obtention de ces nouveaux agréments devraient conduire à d’importantes restructurations de ce secteur. Des transformations qui ne manqueront pas d’avoir un impact sur les politiques locales de l’habitat.

Une myriade de structures essentielles aux politiques locales de l’habitat 

Associations, unions d’économie sociale, sociétés coopératives… les structures qui oeuvrent en faveur du logement et de l’hébergement des personnes défavorisées hors secteur HLM traditionnel ont des statuts juridiques extrêmement variés. Quel que soit le statut, les collectivités les connaissent très bien car ils interviennent sur tout le territoire : dans les opérations programmées d’améliorations de l’habitat (Opah), les opérations de logement social en milieu rural, les copropriétés dégradées, etc. Elles se chargent aussi souvent de la location ou de la sous-location de logements à destination des plus pauvres : ainsi, plusieurs villes s’appuient sur elles pour développer l’intermédiation locative (voir notre article ci-contre). Enfin, elles aident et conseillent les personnes qui souhaitent faire reconnaître leur droit au logement opposable, ou plus largement accéder ou se maintenir dans un logement dans le cadre des PDALPD (plan départemental d'action pour l'accueil, l'hébergement, l'insertion et le logement des personnes défavorisées).
Ces structures interviennent donc sur trois domaines : la maîtrise d’ouvrage (construction, réhabilitation de logements) ; l’ingénierie sociale, financière et technique (conseil, accompagnement social et assistance pour l’accès et le maintien dans le logement des personnes défavorisées) et l’intermédiation locative et la gestion locative sociale (gestion, location, sous-location de logements publics ou privés pour y loger des personnes défavorisées). L’article 2 de la loi Molle, qui a établi ce classement, a exclu l’ensemble de ces activités des règles de la concurrence fixées par la directive européenne sur les services (2006/123/CE, art 2-2-j). Le décret du 30 décembre 2009 décrit précisément les activités qui entrent dans ce cadre… mais surtout pose les conditions d’agrément des organismes qui les exercent.

Agrément "maîtrise d’ouvrage", un frein à la création de nouvelles structures ?

Ce nouveau système d'agrément a le mérite d'être clair : il remplace une trentaine d'agréments disséminés dans le Code de la construction et de l'habitation (CCH) - qui existaient parfois plus dans les textes que dans les faits - par trois agréments suivant la nature des activités exercées par l'organisme.

Le premier, l’agrément "maîtrise d’ouvrage", sera délivré par arrêté du ministre en charge du logement, "à tout organisme à gestion désintéressée, hors organismes d’habitations à loyer modéré et sociétés d’économie mixte" qui exercent des activités de maîtrise d’ouvrage. Pour être agréée, la structure devra d'abord fournir ses statuts et obtenir un avis du comité régional pour l'habitat (CRH) dont elle dépend. Elle devra ensuite faire la preuve de sa "compétence en matière de gestion financière et comptable de ses dirigeants et de son personnel, salarié ou bénévole", "de sa capacité à mobiliser des ressources financières", et  "de sa capacité technique et financière à assurer le montage des opérations et l’entretien de son parc". Capacité, compétence… des termes dont on attend la probable traduction par le ministère en ratios financiers.
Pour les grosses structures dont l’activité principale est la maîtrise d’ouvrage, a priori pas de souci, elles devraient convaincre sans trop de difficulté de leur solidité financière… Pour les petites structures au contraire, il ne sera probablement pas facile de rentrer dans la grille de lecture du ministère. Pour toutes celles-ci, un impératif : adhérer à une fédération (du type Pact Arim ou Fapil) qui leur fournira un "appui". Cependant, appui ou pas, tout dépendra de l’interprétation du décret. A la Fondation Abbé-Pierre, on craint que l’évaluation des petites associations - celles par exemple qui construisent deux logements par an - ne se fasse avec des outils comptables inadaptés, calqués sur ceux utilisés pour mesurer la solidité financière des organismes HLM. Plus largement, la Fondation s’inquiète du frein à la création de nouvelles structures que pourrait représenter ce nouveau système d’agrément.
Une fois cet agrément - valable sans limitation de durée – obtenu, l’organisme sera tenu d’envoyer chaque année au ministère un compte-rendu de son activité et ses comptes financiers. Et lui permettre ainsi de vérifier qu’il n’y a pas eu "d’irrégularités ou fautes graves de gestion" ou de "carences du conseil d’administration" qui justifieraient un retrait de l’agrément (CCH, L.365-6).

Et le village de la Creuse ? 

Les deux autres agréments - "ingénierie sociale, financière et technique" et "intermédiation et gestion locative" - seront délivrés par le préfet de département, pour une durée de 5 ans. La structure devra apporter la preuve "de la compétence sociale, financière, technique et juridique de ses dirigeants et de son personnel salarié ou bénévole". Pour en savoir plus, on attend une circulaire aux préfets dans les semaines qui viennent. L’affiliation à une union ou à une fédération sera un passage également obligé. Précision importante : les organismes comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil dans les situations d’urgence ou participant au dispositif de veille sociale n’ont pas à demander un agrément. Ils restent agréés par les services sanitaires et sociaux. La plupart des structures qui participent à l'accueil des sans-abris sont concernées : à chacun de vérifier s'il peut être dispensé de la procédure à ce titre (CCH, R365-1-1). De plus, dans une note du 13 janvier 2010, le ministère a précisé que les associations qui se consacrent uniquement à la "défense des personnes en situation d’exclusion" dans le cadre du Dalo pourront conserver leur ancien agrément prévu par la loi du 5 mars 2007. Pour les autres, l'agrément est obligatoire.

Toutes les structures actuellement en place souhaitant poursuivre leur activité doivent obtenir un nouvel agrément avant le 31 décembre 2010 : un délai court, notamment pour celles qui font de la maîtrise d’ouvrage et devront obtenir un avis de leur CRH avant d’envoyer leur dossier au ministère. Quant aux deux agréments délivrés au niveau départemental, pas sûr qu’avec la réorganisation en cours des services déconcentrés, les DDT (ex-DDE), et les Ddass (ou les nouvelles DDCS) soient sur le pied de guerre pour conseiller les porteurs de projets dans le montage de leur dossier…
Reste une évidence : le gouvernement a affiché en novembre lors de la présentation de ses 20 propositions "Pour l’hébergement et l’accès au logement" sa volonté de soutenir la maîtrise d’ouvrage d’insertion (proposition 12) et de développer l’intermédiation locative (proposition 15). Très clairement, il souhaite – comme d’ailleurs dans le secteur HLM –  réorganiser le secteur afin d'avoir face à lui de grosses structures, représentées par des fédérations puissantes. Pas certain que tout cela soit très favorable au village de la Creuse qui envisageait de transformer une ancienne école en deux logements sociaux…

 

Hélène Lemesle

 

Référence : Décret n° 2009-1684 du 30 décembre 2009 relatif aux agréments des organismes exerçant des activités en faveur du logement et de l'hébergement des personnes défavorisées; Flash DGALN n°02-2010 du 13 janvier 2010.

 

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