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Société - Loi sur l'égalité hommes-femmes : une nouvelle politique pour les collectivités

La "loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes" a été publiée au Journal officiel du 5 août. Tenues de faire de ce thème une politique intégrée, les collectivités sont directement concernées par des dispositions relatives à la parité, la commande publique ou encore la lutte contre la précarité.

La "loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes" a été publiée au Journal officiel du 5 août, après avoir été adoptée définitivement par le Parlement le 23 juillet (voir notre article du 24 juillet). Suite à la décision du Conseil constitutionnel du 31 juillet, la version définitive du texte est amputée de deux articles relatifs au droit du travail, déclarés contraires à la Constitution pour des motifs de procédure. A l'inverse, l'article 24 est conservé, alors même qu'il constituait l'objet de la saisine d'une soixantaine de sénateurs UMP ; ces derniers dénonçaient la suppression de la notion de "situation de détresse" associée aux femmes demandant une interruption volontaire de grossesse.
Réagissant à cette décision du Conseil constitutionnel, Najat Vallaud-Belkacem, encore ministre des Droits des femmes le 31 juillet, s'est félicitée de la validation de "toutes [les] dispositions essentielles de la première loi cadre pour les droits des femmes". La ministre s'est engagée à permettre la publication des textes d'application de la loi d'ici la fin de l'année ; un suivi qui revient désormais à Pascale Boistard, nommée le 26 août secrétaire d'Etat aux Droits des femmes dans le nouveau gouvernement.

Une politique intégrée à planifier et évaluer  

Positionnée comme un texte global visant à mettre en œuvre, selon son article 1, "une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée", cette loi rassemble des dispositions dans des domaines variés : vie professionnelle, lutte contre la précarité et les violences, parité dans l'accès aux mandats électifs ou encore état civil.
Les collectivités, désignées au même titre que l'Etat et les établissements publics comme responsables de la mise en œuvre et de l'évaluation de cette politique, sont ainsi tenues de présenter chaque année "un rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes" ainsi que sur "les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation". Les communes de plus de 20.000 habitants, les départements et les régions sont concernés par cette obligation détaillée à l'article 61, un décret de précision étant prévu.

Famille et vie professionnelle

Avec la création d'une "prestation partagée d'éducation de l'enfant" qui remplace le complément de libre choix d'activité (CLCA), la loi entend inciter les pères à prendre un congé parental. L'objectif du gouvernement est de parvenir à un chiffre de 100.000 hommes en congé parental en 2017. Actuellement, 18.000 hommes perçoivent le CLCA, soit 4% du total des parents bénéficiaires. D'autres mesures sont destinées à favoriser la transition entre le congé parental et la reprise d'une activité professionnelle, telles que des programmes de soutien à l'entrepreneuriat féminin confiés à la Banque publique d'investissement.

Commande publique

Alors que l'article 4 précise les modalités selon lesquelles les entreprises organisent une "négociation sur les objectifs d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes", l'article 16 tire les conséquences de cette disposition en interdisant l'accès à la commande publique des entreprises qui ne se seraient pas engagées dans une telle démarche de négociation. La mesure s'appliquera pour les contrats conclus à partir du 1er décembre 2014.

Parité dans les fonctions électives

A partir du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale, l'aide publique attribuée aux partis politiques sera réduite deux fois plus qu'actuellement lorsque ceux-ci ne respecteront pas la parité pour les candidatures aux élections législatives (article 60). A ce jour, seuls 26% de femmes sont députées.
L'article 62 met un terme à des difficultés posées par l'application de la loi du 17 mai 2013 sur les élections locales, concernant la désignation du suppléant d'un conseiller communautaire démissionnaire, lorsque la commune concernée ne dispose que d'un représentant au sein de l'assemblée communautaire. Ces modifications sont entrées en vigueur dès ce 5 août.
Les articles 70, 71, 72 et 73 doivent conduire à une féminisation accrue des chambres d'agriculture et des chambres de métiers et de l'artisanat, des conseils d'administration des établissements publics de coopération culturelle, ainsi que des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Parité dans la fonction publique

L'article 68 avance au 1er janvier 2017 l'objectif de nomination d'au moins 40% de femmes aux emplois supérieurs de l'Etat, des hôpitaux, des régions, des départements et des villes et intercommunalités de plus de 80.000 habitants. La loi sur la fonction publique du 12 mars 2012 avait fixé cet objectif au 1er janvier 2018. Le seuil de 30 % de nominations s'appliquera en 2015 et 2016.

Etat civil

Dans le titre IV dédié à l'égalité femmes-hommes "dans leurs relations avec l'administration", un seul article prévoit que l'utilisation du nom de famille devienne la règle générale ; le nom d'usage n'est utilisé qu'en cas de demande expresse de la personne concernée.

Lutte contre la précarité

Pour soutenir les parents seuls, et en particulier les mères, en situation de fragilité économique, l'article 27 inaugure l'expérimentation d'un dispositif de garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. Alors que 40% des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière, une vingtaine de CAF et de MSA sont d'ores et déjà mobilisées dans l'expérimentation du mécanisme de garantie. Ce dernier devrait logiquement être généralisé en 2016 (voir notre article du 24 juillet).
Une autre expérimentation est prévue à l'article 31 pour faciliter le recours des familles modestes aux assistants maternels à travers le versement direct à l'assistant maternel agréé du complément de libre choix du mode de garde, en principe versé au parent employeur. En dispensant les familles concernées de l'avance du complément, ce dispositif vise à permettre "un accès facilité à tous les modes de garde". L'article précise que cette expérimentation devra être menée en cohérence avec les autres actions d'insertion sociale mises en place par les collectivités.

Lutte contre les violences

Un chapitre important - 21 articles - tend à renforcer la protection des personnes victimes de violences. Ainsi l'ordonnance de protection en raison de "violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants" prononcée par le juge passe de quatre à six mois. La loi prévoit en outre de généraliser les téléphones "grand danger", pose le principe du maintien de la victime de violences dans le logement du couple et crée un nouveau délit général de harcèlement.
L'article 38 permet aux professionnels des centres d'hébergement et de réinsertion sociale de déroger à l'obligation de secret professionnel pour échanger entre eux les informations "strictement nécessaires à la prise de décision".
En ce qui concerne les politiques d'autonomie, le Code de l'action sociale et des familles impose désormais à l'Etat, aux collectivités et aux organismes de protection sociale de mener "des actions de sensibilisation et de prévention concernant les violences faites aux femmes handicapées".
En outre, la formation initiale et continue des médecins, des travailleurs sociaux et de nombreux autres professionnels potentiellement concernés par le sujet doit désormais intégrer "une formation sur les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes ainsi que sur les mécanismes d'emprise psychologique".