L'OPECST invite à la "sobriété lumineuse", au niveau local

Dans une note scientifique adoptée ce 26 janvier, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) alerte sur les effets nocifs de la pollution lumineuse, notamment sur la biodiversité et la santé humaine. Elle préconise de passer d'un éclairage nocturne "systématique" à une "adaptation fine de celui-ci selon le contexte" et invite à une "sobriété lumineuse, distincte de la sobriété énergétique".

"La rénovation énergétique par les LED ne permettra de lutter efficacement contre la pollution lumineuse que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants", a souligné la sénatrice Annick Jacquemet (Union Centriste-Doubs) en présentant une note scientifique sur la pollution lumineuse, adoptée ce 26 janvier par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Conséquence de l'urbanisation

La pollution lumineuse est d'abord liée au développement de l'éclairage artificiel nocturne, à commencer par l'éclairage urbain - aujourd'hui, l'éclairage public représente environ 70% de l'éclairage. Si cette pollution multiforme reste compliquée à mesurer, elle est de plus en plus massive, constate l'OPECST. "La croissance continue de la population mondiale, associée à une urbanisation toujours plus forte, au développement des infrastructures humaines, à la baisse des coûts d'éclairage et à l'apparition de nouvelles technologies, a entraîné une explosion des émissions lumineuses anthropiques, en particulier dans les grandes villes et les pays industrialisés". A partir des années 2000, la forte diffusion des LED a encore accru ces émissions du fait de l’augmentation du nombre de points lumineux et de la quantité de lumière émise. "En France, le nombre de points lumineux liés à l’éclairage public est passé de 7,2 millions en 1990 à 9,5 millions en 2015, pour s’établir à 11 millions aujourd’hui, soit une augmentation de +53 % depuis 1990, constate l'OPECST. En revanche, la durée d’éclairement de l’éclairage public en France a diminué de 12% depuis 1990 en raison de l’extinction pratiquée au cœur de la nuit par près de 12.000 communes." La brillance du ciel mondial liée à la lumière artificielle nocturne a, elle, augmenté d’environ 10% par an depuis 2010.

Réglementation à mieux faire respecter... et à compléter

Longtemps sous-estimée, la pollution lumineuse a de nombreux effets néfastes, souligne la note : elle perturbe les cycles naturels de lumière et d’obscurité qui structurent le monde vivant, fragmente les habitats et participe au déclin de la biodiversité ; elle compromet l’observation des étoiles, contribue au gaspillage énergétique et aux émissions de gaz à effet de serre ; en exposant à des sources lumineuses bleues et en créant un risque phototoxique pour la rétine lié à certains éclairages LED non réglementés (lampes torches, phares), elle soulève de réelles préoccupations en matière de santé publique. Si dès 2009, la France a adopté une réglementation nationale ambitieuse pour limiter les nuisances lumineuses, son efficacité est limitée car peu appliquée, faute de contrôle, constate encore l'OPECST. Cette réglementation reste aussi incomplète, estime-t-il. "L’éclairage public et privé de la voirie n’est pas soumis à des contraintes d’abaissement des contrastes et sa temporalité est laissée à la discrétion des autorités locales compétentes, relève-t-il. Par ailleurs, les événements extérieurs et les équipements sportifs font partie du champ d’application de l’arrêté du 27 décembre 2018 mais ils ne font l’objet d’aucune prescription de temporalité ni de prescription technique. De même, les exigences en matière de lumière émise vers le ciel ne concernent actuellement que l’éclairage de voirie et les parcs de stationnement. Les prescriptions techniques sont étendues à d’autres catégories d’éclairage uniquement dans le périmètre des sites d’observation astronomique et dans les réserves naturelles".

S'adapter au contexte

L'OPECST appelle à "changer de paradigme en passant d’un éclairage systématique à une adaptation fine selon le contexte". Il faut ainsi selon lui "concevoir l’éclairage à partir des besoins réels des usagers, adapter l’éclairage aux usages puis poser la question du matériel nécessaire". Au niveau local, il invite à "une recherche croissante de sobriété lumineuse, au-delà de la sobriété énergétique". Et de citer "la construction de réservoirs d'obscurité par le biais des trames noires" afin de recréer une "continuité nocturne" pour préserver la faune et la flore qui ont besoin de la nuit", les labels, chartes et actions de sensibilisation encourageant la transition vers une plus grande sobriété, notamment lumineuse. La rénovation des éclairages publics doit quant à elle se faire au service de "l'éclairer juste", estime l'Office. "La rénovation énergétique ne permet de lutter efficacement contre la pollution lumineuse que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable sur la finalité des éclairages et sur leur réelle utilité au regard des besoins avérés des habitants", soutient-il. "La décision d’extinction de l’éclairage des voiries au cœur de la nuit, qui concerne actuellement plus de 12.000 communes, peut d’ailleurs être prise indépendamment de toute rénovation énergétique, ajoute-t-il. En revanche, les LED facilitent la mise en place d’un éclairage juste à travers une optimisation de l’éclairage dans la durée et en quantité (gradation de l’intensité lumineuse, utilisation de détecteurs de présence ou d’un éclairage à la demande) et une optimisation des surfaces éclairées, qui limite la diffusion de la lumière dans les milieux naturels adjacents."