Lutte contre le réchauffement : le Haut Conseil pour le climat appelle la France à renforcer ses actions

Le Haut Conseil pour le climat a remis ce 25 juin son premier rapport à Édouard Philippe, en plein cœur de la canicule. Il y juge que les actions engagées par la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre restent insuffisantes au regard des objectifs qu'elle s'est fixée et appelle à renforcer l'ensemble des politiques climatiques.

"Objectifs ambitieux" mais "actions insuffisantes", "dispositifs trop faibles" pour respecter les engagements inscrits dans l'accord de Paris sur le climat : remis ce 25 juin à Edouard Philippe, en plein coeur de la canicule, le premier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC), installé par Emmanuel Macron en novembre dernier au début de la crise des gilets jaunes, invite la France à revoir "en profondeur" l'ensemble de ses politiques climatiques.

Réduction des émissions : transports et bâtiment toujours à la traîne

Dans ce diagnostic d'une soixantaine de pages, intitulé "Agir en cohérence avec les ambitions", le HCC, qui est composé de onze experts reconnus, constate d'abord que le premier objectif ciblé, le "budget carbone 2015-2018", n'a pas été respecté. La baisse annuelle des émissions sur la période (1,1%) est deux fois moindre que l'objectif fixé. Pour les experts, les décalages proviennent en particulier des émissions liées aux transports (31% du total des émissions), qui n'ont pas diminué depuis 10 ans, et de celles liées aux bâtiments (19% du total), qui ont diminué trois fois moins vite que ce qui avait été anticipé. Si l'année 2018 a connu une baisse des émissions de 4,2% par rapport à 2017, cette embellie est davantage due aux conditions météorologiques – un hiver doux qui a réduit la demande de chauffage – qu'aux actions en matière de climat, observent-ils.

Le HCC salue la décision du pays d'inscrire dans le projet de loi énergie-climat en cours d'examen à l'Assemblée un objectif de "neutralité carbone" en 2050,  impliquant que la France n'émette pas plus de gaz à effet de serre que ses "puits" - sols, forêts... - ne peuvent en absorber.  Mais "au rythme actuel, les engagements de la France ont peu de chance d'être tenus", explique sa présidente, la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré. "Tant que l'action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n'aura aucune chance d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela il faut que les mesures pour réduire les émissions deviennent une priorité nationale, au coeur des décisions des acteurs publics et privés", souligne la scientifique, co-auteur de trois rapports du Giec.

"Réformes de fond" à engager

Pour le Haut Conseil, des "réformes de fond" s'imposent. Ainsi, il faudrait inscrire dans la loi les objectifs à court terme de réductions d'émissions, pour les graver et envoyer un signal à tous les acteurs. Que chaque grand projet soit compatible avec l'objectif neutralité carbone, que l'impact des lois soient évaluées : "Qui peut nous dire l'impact sur les émissions de la loi sur les mobilités (LOM), ou de la loi Egalim ?", a souligné Corinne Le Quéré.

Le rapport revient aussi sur la nécessité de reprendre et faire évoluer la taxe carbone, étincelle de la colère des "gilets jaunes", vers plus de transparence, d'équité. Et "comme en attendant son gel crée un vide, le gouvernement devrait renforcer d'autres instruments", note la climatologue, notamment les normes ou supprimer les subventions aux énergies fossiles, qui ont doublé en 10 ans. "C'est bien d'avoir l'objectif de neutralité carbone, ce qui manque fondamentalement c'est comment on y va", résume Laurence Tubiana, autre membre du HCC.

Le rapport insiste aussi sur la nécessité d'articuler la stratégie nationale bas carbone "à toutes les échelles". Les planifications climat-air-énergie à l'échelle régionale et infrarégionale sont considérés comme des "éléments clés d'organisation de la contribution des politiques territoriales aux objectifs climatiques de la France". Elles permettent ainsi "une appropriation des enjeux par les acteurs locaux". Dès lors, juge le HCC, "les moyens (humains, techniques, organisationnels, financiers) des collectivités pour élaborer ces plans devraient être identifiés et soutenus, et les données et les méthodes de travail à promouvoir mieux harmonisées (élaboration des plans climat, indicateurs, suivi, cohérence avec la stratégie nationale bas carbone et les budgets carbone".

Premières réponses attendues début juillet

Le HCC sera entendu par le Conseil de défense écologique début juillet puis le gouvernement aura six mois pour répondre au rapport, devant le Parlement et le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Tout en répétant que la lutte contre le changement climatique est "une priorité du gouvernement", le Premier ministre, Édouard Philippe, a reconnu dans un communiqué mardi soir que l'action doit "être amplifiée au regard de l'urgence". Rappelant que Corinne Le Quéré sera auditionnée début juillet lors du prochain Conseil de défense écologique, il assure que le gouvernement "présentera à cette occasion les premières réponses et les suites qu'il compte donner aux recommandations du Haut Conseil, dont certaines seront prises en compte dès l'examen parlementaire du projet de loi relatif à l'énergie et au climat".