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Accès aux soins - Lutte contre les déserts médicaux : les "coercitifs" n'entendent pas désarmer

En présentant, il y a quelques jours, le plan de lutte contre les déserts médicaux baptisé "Renforcer l'accès territorial aux soins" (voir notre article ci-dessous du 13 octobre 2017), Edouard Philippe et Agnès Buzyn ont clairement rallié le camp des "incitatifs", par opposition à celui des "coercitifs". Autrement dit, les mesures programmées reposent toutes sur des mécanismes d'incitation ou de contractualisation. Le plan ne remet aucunement en cause la liberté d'installation des professionnels de santé et ne prévoit aucune nouvelle mesure pour freiner l'installation dans les zones surdotées, comme il en existe déjà dans les conventions de certaines professions paramédicales avec l'assurance maladie.

"Les mesures annoncées ne régleront rien"

Le Premier ministre et la ministre des Solidarités et de la Santé s'inscrivent ainsi dans la même ligne que Marisol Touraine. Mais les partisans d'une approche nettement plus directive, pour ne pas dire coercitive, ne désarment pas pour autant.
Dès l'annonce du plan, Hervé Maurey, sénateur (UC) de l'Eure et président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a publié, le jour même, un communiqué du Sénat intitulé "Déserts médicaux : les mesures annoncées ne régleront rien". Tout en reconnaissant "quelques avancées" comme les mesures sur la télémédecine ou l'augmentation du nombre de maisons de santé pluridisciplinaires, il estime que "le plan annoncé ce matin par le Premier ministre et la ministre de la Santé pour renforcer l'accès territorial aux soins n'est clairement pas à la hauteur des enjeux". Le communiqué précise que "la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable redit sa conviction que seules des mesures de régulation permettront d'enrayer l'aggravation des déserts médicaux. Il faut en particulier désormais freiner l'installation de médecins dans les zones sur-dotées et avoir une vision qui fasse prévaloir l'intérêt des populations et des territoires sur tous les autres intérêts, notamment corporatistes".

Proposition de loi à l'Assemblée : le retour ?

Du côté de l'Assemblée nationale, une proposition de loi "visant à lutter contre les déserts médicaux" est toujours en instance d'inscription à l'ordre du jour. Déposée en février 2015 par Philippe Folliot, député (LREM, ex-UDI) du Tarn, et une quarantaine de députés des groupes UDI et Les Républicains, elle s'inscrit très clairement dans une approche dirigiste.
La proposition de loi part du constat que "si l'Etat, les collectivités territoriales, l'assurance maladie, ont déjà œuvré pour inciter les jeunes médecins à s'implanter dans des zones sous-médicalisées, en instaurant des aides financières et matérielles, des bourses, des exonérations fiscales, les résultats ne sont que trop peu visibles".
Dans ces conditions - et comme l'affirme sans ambages son exposé des motifs -, "cette proposition de loi promeut des mesures coercitives afin de réguler les flux de jeunes médecins s'installant après leurs études". Pour cela, elle instaure en particulier un numerus clausus à l'installation, "à l'instar du dispositif en vigueur pour les officines de pharmacie, afin de réduire les écarts de densité que l'on constate aujourd'hui sur le territoire".
Son auteur ayant rejoint le groupe LREM depuis les dernières législatives, il est très peu probable qu'il cherche à réactiver cette proposition de loi. Mais la tentation pourrait exister parmi les autres cosignataires restés dans l'opposition. En tout état de cause, cette proposition - et d'autres du même type au Sénat - montrent que l'approche coercitive gagne du terrain parmi les parlementaires, y compris ceux qui soutiennent pourtant globalement une politique libérale.

Les petites villes "de plus en plus favorables à la régulation"

Enfin, une lecture attentive du communiqué de l'APVF (Association des petites villes de France) du 13 octobre 2017, juste après la présentation du plan, montre que les petites villes ne sont pas non plus insensibles à une approche plus dirigiste. Certes l'APVF, par la voix de son président Olivier Dussopt - également député (Nouvelle Gauche) de l'Ardèche -, "se félicite d'un certain nombre de mesures présentées par le gouvernement", comme le doublement du nombre de maisons de santé, ou la création de 300 postes de médecine partagée. Dans une formulation curieuse, l'APVF "porte un regard bienveillant sur les mesures d'incitation financière à l'installation des médecins annoncées par le gouvernement". Mais le communiqué prend néanmoins bien soin de préciser que "l'association regrette que le Premier ministre ait fermé la porte à toute tentative de régulation. Les maires des petites villes sont en effet de plus en plus favorables à des mesures de régulation, soit par le conventionnement, sur le modèle des infirmiers libéraux, soit par la loi, sur le modèle de la répartition démo-géographique des pharmaciens".

 

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