Archives

Lutte contre les fausses informations : le rapport Bronner recommande de "sensibiliser les autorités scolaires"

La commission nommée "Les Lumières à l’ère numérique", présidée par Gérald Bronner, a remis le 11 janvier 2022 à Emmanuel Macron son rapport destiné à lutter contre les fausses informations et la manipulation de l’information. Elle suggère notamment de sensibiliser l'ensemble de la communauté éducative ainsi que élus locaux, responsables de ressources humaines des collectivités locales et responsables de bibliothèques autour de ces enjeux.

Désinformation, mésinformation, infox, fake news, théories du complot... "les vocables se multiplient pour désigner les fausses nouvelles qui circulent en ligne et sont susceptibles d’influencer nos attitudes, nos comportements, mais aussi notre représentation du monde environnant, au risque de faire émerger des réalités parallèles incommensurables et faire disparaître […] la vie démocratique". C'est pour répondre à cet enjeu majeur qu'Emmanuel Macron a confié en septembre 2021 une mission à la commission présidée par le sociologue Gérald Bronner. Celle-ci lui a rendu son rapport le 11 janvier 2022. Elle a cherché à "établir de manière synthétique l’état des connaissances sur les désordres informationnels à l’ère numérique et sur les perturbations de la vie démocratique qu’ils engendrent". Puis elle a "proposé des recommandations pour y faire face", tout en ayant conscience que "chercher à agir contre la désinformation comporte le risque de porter atteinte à des valeurs essentielles de notre démocratie, telles que les libertés d’expression, d’opinion ou d’information". Après avoir pointé un "durcissement du contexte géopolitique mondial" comme étant l'une des causes de la désinformation, le rapport Bronner liste une série de recommandations dont certaines intéresseront les collectivités locales.

Sensibiliser les élus locaux, responsables RH des collectivités locales et des bibliothèques 

Pour rappel, l’éducation aux médias et à l’information (EMI), qui s’est imposée dans les établissements scolaires depuis 2015, vise à développer les connaissances des individus pour leur permettre d’utiliser avec discernement les médias de manière critique. À la manière de l’enseignement de l’esprit critique, elle "ne doit pas être pensée qu’à la seule destination des élèves", estime la commission. "Le problème [...] concerne tous les citoyens", rappelle le rapport, soulignant la diversité et le nombre des acteurs intervenant dans le champ de l’EMI. Il cite notamment les "institutions, collectivités territoriales, animateurs, éducateurs, médiateurs, bibliothécaires, professionnels de l’information, médias, acteurs du numérique…".  Ces derniers "proposent des activités dans de nombreuses structures en contact avec le grand public", poursuit le rapport. Sont recensées les associations, les centres sociaux, les centres aérés, les bibliothèques et médiathèques... Il regrette d'ailleurs qu'il n’existe pas "de recensement des dispositifs EMI mis en place sur le territoire" - en dehors de l’Éducation nationale - ni "d’évaluation de ces dispositifs hétérogènes". Dans ce contexte, la commission souligne la nécessité de "sensibiliser les chefs d’établissements scolaires, les inspecteurs de l’Éducation nationale, les recteurs aux enjeux de l’EMI et de la formation à la pensée critique". Elle préconise également de mener des actions similaires auprès des "élus locaux, responsables de ressources humaines des collectivités locales et responsables de bibliothèques" au titre, la formation professionnelle continue. Celle-ci constitue une obligation légale, au titre de l'article L.6311-1 du code du travail et "pourrait être un moment idéal pour promouvoir la formation à l’esprit critique et à l’EMI", estime la commission.

"Des initiatives sont prises, mais de manière un peu anarchique et non coordonnée"

Une autre des recommandations du rapport Bronner consiste à proposer de "créer un continuum entre le temps scolaire, l’université, le monde culturel et le monde du travail" et considérer que la formation à l’esprit critique et à l’EMI concerne "tous les citoyens en identifiant tous les moments sociaux propices à proposer ce type de formations". L’EMI est, rappelle-t-il "un sujet transministériel" qui concerne les ministères de l'Éducation nationale, de la Culture, de l’Enseignement supérieur, de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. "De nombreuses initiatives sont prises, mais de manière un peu anarchique et non coordonnée", pointe le rapport.
"Un autre réseau à solliciter dans le domaine de l’EMI est celui des bibliothèques et médiathèques", suggère encore le rapport. Et d'argumenter que 63% des Français identifient la médiathèque comme le premier lieu de ressources numériques. "Les 12.429 bibliothèques et 480 bibliothèques universitaires constituent des relais privilégiés pour toucher tous les publics, enfants comme adultes", en conclut-il.
Notons enfin que la commission Bronner propose de faire du "développement de l’esprit critique et de l’EMI une grande cause nationale". Cela permettrait d’augmenter "leur visibilité par la diffusion de messages d’intérêts généraux dans les médias".
En revanche, dans ce rapport, pas un mot sur la concentration des médias en France qui fait pourtant l'objet de dizaine d'auditions depuis novembre 2021 par la commission d'enquête ad hoc au Sénat. Fait étonnant compte tenu de son impact potentiel sur la liberté d’expression et sur les principes constitutionnels de liberté, d’indépendance et de pluralisme des médias.