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Aménagement du territoire - Maires ruraux : dix priorités, à commencer par le très haut débit

C'est désormais "un exercice convenu", reconnaît Vanik Berberian, le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), en présentant, à l'approche de l'élection présidentielle, "le point de vue" et "les dix priorités" des maires des communes rurales de moins de 3.500 habitants dont il entend être le porte-parole. Une façon, a minima, de rappeler si besoin était que ces maires ne sont pas là que pour apporter leurs parrainages aux futurs candidats... Un sujet que Vanik Berberian nomme au passage "le marronnier des 500 signatures" : "Si 'Maigrir pour séduire sur les plages' précède l’été et 'Le palmarès des hôpitaux' ou 'Le prix du m² à Paris' annoncent la rentrée, les articles dans les médias sur le recueil des 500 parrainages de maires augurent de la proximité de l'élection présidentielle", relève-t-il dans l'éditorial du mensuel de l'association. Tout en constatant aujourd'hui que les maires sont effectivement "très sollicités" pour ces parrainages, Vanik Berberian estime en revanche que ce que l'on a pu entendre sur les soi-disant "sanctions" pesant sur les maires qui ne feraient pas le choix de la "bonne" signature est en réalité un non-sujet : "Que les maires auraient peur de perdre des subventions ? Qu'il y aurait du chantage de la part des conseils généraux ou des intercommunalités ? Non, honnêtement, ce n'est pas vrai. C'est un mythe", balaye-t-il.
Les vrais sujets de préoccupation des élus ruraux sont visiblement ailleurs. Et pas toujours exactement où on pourrait le penser. La "priorité des priorités" pour ces maires ? Non, ce n'est pas la carte intercommunale, ce n'est pas non plus l'école ou la Poste, même si ces sujets sont évidemment importants dans l'actualité des communes rurales. Mais lorsqu'il s'agit de lister les "dix priorités pour la ruralité", c'est le très haut débit qui arrive en haut du panier des doléances : "Le développement de l'accès au très haut débit sur l'ensemble du territoire avant la fin du mandat vient en tête de ce que nous demandons aux candidats, car cela conditionne tout le reste, cela innerve tous les domaines d'activité, y compris l'agriculture par exemple", expliquait le 8 février Vanik Berberian lors d'une rencontre avec la presse, évoquant les résultats d'une enquête menée l'été dernier auprès des maires dans le cadre de l'université d'été RuraliTIC (voir nos éditions du 20 juillet et du 14 septembre). "L'échéance de 2025 qui nous est donnée est beaucoup trop lointaine, ça n'est pas acceptable", tranche le maire de Gargilesse-Dampierre. "C'est essentiel, non seulement pour attirer de l'activité, mais aussi pour la maintenir. Faute de quoi tout l'activité partira vers les pôles urbains", prévient-il, admettant que très haut débit ne signifiera pas "la fibre optique partout, tout de suite" et misant donc aussi sur des "solutions intermédiaires alternatives". Les députés Jérôme Bignon et Germinal Peiro ne disent guère autre chose dans leur rapport d'évaluation de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural présenté début février. Non plus que le sénateur Hervé Maurey dans sa proposition de loi en cours d'examen parlementaire.

Services publics : la charte "n'a qu'une valeur décorative"

Vanik Berberian a de même commenté le 8 février les neuf autres points de sa liste. En commençant pas les services publics et la nécessité de "donner un caractère contraignant à la Charte des services publics en milieu rural du 23 juin 2006" qui, pourtant "signée par les ministères et les opérateurs", n'est "pas appliquée" : "Aujourd'hui, cette charte n'a qu'une valeur décorative." Et l'élu d'évoquer le cas flagrant de l'école (voir aussi notre encadré ci-dessous) : en vertu de la charte, théoriquement, toute fermeture devrait donner lieu à une étude d'impact et à une information des élus deux ans avant. Or, selon Vanik Berberian, les études d'impact ne sont pas faites et les services de l'Education nationale ont tendance à se couvrir en adressant tous les ans des courriers aux maires. "La ligne générale des académies, c'est la concentration, les regroupements de regroupements… Leur rêve, c'est une grosse école dans le chef-lieu de canton", résume-t-il, évoquant de même le chapitre transports ferrovaire et le "désastre" du cadencement qui se serait fait "sans aucune concertation, dans la précipitation". La demande de l'AMRF : que la Charte des services publics soit opposable.
Autre revendication : "Mettre en place une politique de l'habitat en milieu rural." Sur ce point, il s'agit surtout d'un constat, celui des "coeurs de villages qui se vident" alors que les lotissements en périphérie prospèrent, et donc celui d'une nécessaire politique de réhabilitation du bâti existant qui prenne en compte toutes les dimensions, dont "la politique des déplacements".
L'AMRF demande par ailleurs la mise en place d'un "plan de développement de la vie associative", Vanik Berberian évoquant la baisse des financements de l'Etat et, parfois, de ceux des départements et des régions. Résultat : les associations, "qui occupent une place tout à fait essentielle en milieu rural, comme c'est par exemple le cas pour Familles rurales ou la Fédération des oeuvres laïques, se retournent plus que jamais vers la commune".

"Ras le bol d'être considérées comme des demi-portions"

D'éducation, il est encore question avec le plan Ecole numérique rurale, dont les maires ruraux demandent la généralisation. Si ce plan a permis de doter "environ 7.000 écoles", pour un montant d'environ 10.000 euros par établissement, l'AMRF estime que pour toutes les autres, "la partition voulant que la pédagogie relève de l'Etat tandis que l'investissement doit être assuré par les collectivités locales est aujourd'hui quelque peu dépassée". Autrement dit, le numérique ferait désormais partie du matériau pédagogique et devrait, en ce sens, être pris en charge par l'Etat.
Les cinq dernières priorités des maires ruraux concernent les volets finances et institutions. Il s'agit d'abord de "rééquilibrer la DGF, vers un montant de DGF équivalent quelle que soit la taille de la commune" - une revendication ancienne de ces communes qui "en ont ras le bol d'être considérées comme des demi-portions". "L'argument des charges de centralité dont se prévalent les villes peut être remis en cause, sachant que la distinction entre urbain et rural, en termes d'attentes des habitants et donc de charges, a de moins en moins lieu d'être", explique Vanik Berberian.
Côté institutions, l'AMRF affirme sans surprise qu'il faut "réaffirmer et défendre l'autonomie des 36.000 communes". Autrement dit, qu'il ne faut pas que "la commune s'évapore dans l'intercommunalité". Un exemple : l'urbanisme. Selon l'association, d'accord pour que "la réflexion en termes d'aménagement de l'espace" ait lieu dans un périmètre large grâce, notamment, aux PLU intercommunaux. En revanche, pas question, apparemment, que le maire soit dessaisi des autorisations d'urbanisme.
Les maires ruraux plaident par ailleurs pour "une loi de modernisation sur l'exercice du mandat d'élu" traduisant le fait que le profil de l'élu ainsi que l'exercice même du mandat ont profondément évolué. Une question qui, note Vanik Berberian, passe entre autres par celles du niveau des indemnités. Ils demandent également que l'élection par scrutin de liste soit mise en place "dès le premier habitant" même si ce point ne fait pas l'unanimité au sein de l'association.
Enfin, la dernière priorité fait assez bien office de conclusion : "Créer une mission interministérielle à l'aménagement du territoire." Pour Vanik Berberian, "aujourd'hui, sur l'aménagement du territoire, il n'y a pas de volonté politique, pas d'intention". Il poursuit : "Cela a toujours été l'appendice d'un ministère, souvent celui de l'Agriculture. Nous avons eu Michel Mercier… Puis son ministère a disparu des radars. C'est quand même un problème…"

Claire Mallet

L'AMRF dénonce les méthodes et objectifs de l'Education nationale
Dans un communiqué du 9 février, l’AMRF réaffirme qu'elle "s’oppose fermement aux contours de la carte scolaire et de ses conséquences sur les écoles communales ou intercommunales et les collèges des territoires ruraux". Elle renouvelle son appel aux maires à suspendre leur participation aux travaux des commissions départementales de l’Education nationale (CDEN), "dans l’attente d’une rénovation du dialogue local en matière d’éducation" (lire notre article du 3 novembre). Elle considère toujours cette mesure comme purement comptable et rappelle que le président de la République a annoncé, lors de son déplacement en Lozère en juin 2011, un moratoire sur les fermetures de classes pour la rentrée 2012. L'association dénonce aussi bien les méthodes que les objectifs du ministère de l'Education nationale. Non-respect des élus dans "l'élaboration d'une carte scolaire déjà arrêtée avant même toute forme de concertation" et non-respect de la charte des services publics en milieu rural. Les élus ruraux posent publiquement la question : "Jusqu’où nous faut-t-il aller pour être entendus ?"

C.F.

 

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