Maltraitance : la Touraine à l'écoute des personnes âgées

Durant six mois, le conseil général d'Indre-et-Loire a participé à un programme expérimental sur le traitement et le suivi des signalements de situations de maltraitance. Objectifs : renforcer la coordination entre les partenaires et les inciter à rechercher des solutions adaptées.

En mars 2004, Hubert Falco, alors secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, annonce le lancement d'un projet expérimental de recueil et de suivi en temps réel des signalements de maltraitance piloté par la direction générale de l'action sociale (DGAS). Aux côtés de l'Eure, de l'Eure-et-Loir, du Loiret et de la Seine-Maritime, le conseil général d'Indre-et-Loire décide de se porter candidat. Un choix logique compte tenu de l'expérience acquise dans ce domaine. En effet, contrairement aux autres départements participant au projet - qui bénéficient de la présence d'une antenne de l'association Alma (Allo maltraitance personnes âgées) chargée du recueil des appels téléphoniques - le conseil général assure lui-même le traitement des signalements, grâce à sa plate-forme d'accueil téléphonique "Touraine RepèrAge", dédiée à l'information et à l'orientation des personnes âgées. L'expérience et le savoir faire du département ne sont d'ailleurs pas étrangers à sa participation à l'expérimentation. "C'est la Ddass qui nous a informé de l'existence de programme, avant de nous inciter à y prendre part", se souvient Frédérique Thévenot, chef du service personnes âgées au conseil général.
Comme de nombreux départements, l'Indre-et-Loire est confronté au développement de la maltraitance et cherche des solutions adaptées afin de prévenir ce phénomène et d'améliorer la prise en compte des situations à risque. Dans ce contexte, le traitement du signalement occupe une place privilégiée.

Assurer le traitement et le suivi des appels

Le dispositif expérimenté dans les cinq départements repose sur la mise en place d'une procédure particulière. Dans un premier temps, le Centre interministériel de renseignements administratifs (Cira) centralise les appels sur un numéro de téléphone unique. En cas de situation à risque ou de suspicion de maltraitance, des écoutants préalablement formés orientent les personnes vers les structures existantes. Selon leur localisation, celles-ci sont invitées à contacter Touraine RepèrAge pour l'Indre-et-Loire ou les antennes d'Alma pour les autres départements. "A ce stade, nous effectuons un premier traitement du signalement sur la base d'une fiche de recueil comprenant différents renseignements sur la situation et l'origine du signalement et les faits évoqués. Ce document a été élaboré à partir de celui utilisé par le service de l'aide sociale à l'enfance, dans le cadre du signalement de l'enfance en danger", explique Frédérique Thévenot. Les appels sont traités au cas par cas. Les dossiers sont ensuite examinés au sein d'une instance spécialement créée pour l'occasion : la cellule de traitement et de suivi. Les différents acteurs locaux impliqués à divers titres dans la prise en charge des personnes âgées y sont représentés (conseil général, Ddass, Cram, MSA, association d'aide aux victimes, Clic...). Le partenariat - déjà ancien - existant entre certains participants facilite le travail de la commission.

Surmonter les difficultés

"Plusieurs assistantes sociales de la Cram participent déjà au traitement des dossiers d'APA. Par ailleurs, l'habitude de travailler ensemble permet de mieux prendre en compte les différents aspects d'une même situation"". Un atout appréciable au regard de la complexité de certaines situations. La maltraitance revêt de nombreux aspects. De la négligence volontaire aux mauvais traitements, en passant par l'abus d'autorité, le détournement de ressources ou la privation de droits, le phénomène reste difficile à appréhender. Dans ces conditions, les solutions sont parfois difficiles à mettre en oeuvre. "C'est parfois plus simple dans les situations impliquant des bénéficiaires de l'APA, reconnaît toutefois Frédérique Thévenot. Dans ce cas, nous sommes généralement alertés par les services d'aide à domicile, qui participent à la mise en oeuvre du plan d'aide associé à la prestation". Les difficultés existent également dans la recherche de solutions. Les relations avec les procureurs et les juges des tutelles sont insuffisamment développées et le délai pour la mise en place d'une mesure de protection est encore trop long. Malgré cette réserve et le faible nombre d'appels traités (59 au total dont 33 pour l'Indre-et-Loire), le bilan de l'expérimentation reste très positif. "Cela a permis de renforcer nos liens avec certains partenaires et de mieux faire prendre conscience aux acteurs impliqués de la nécessité d'une plus grande prise en compte de ce phénomène".

Pascal Clouet / PCA pour Localtis

"Faire circuler l'information entre les partenaires"

Huguette Briet est directrice du secteur personnes âgées / personnes

handicapées au sein de la délégation à la vie sociale et à la solidarité (DVSS) du conseil général d'Indre-et-Loire. Elle revient sur la nécessaire coordination entre les acteurs de terrain.

Quels sont les principaux enjeux du signalement ?

Tout d'abord, il faut que les victimes et les personnes confrontées à des situations de maltraitance connaissent l'existence d'un dispositif chargé de recueillir les signalements. Le service Touraine RepèrAge, créé par le conseil général il y a plusieurs années, bénéficie d'une certaine notoriété, même si la communication sur son existence doit régulièrement être renouvelée. Ensuite, la difficulté vient souvent du repérage des situations. La maltraitance à l'égard des personnes âgées est généralement un phénomène insidieux et difficilement visible, qui nécessite une vigilance particulière. L'origine du signalement est elle aussi très diversifiée. Il peut s'agir de la personne âgée elle-même, de sa famille ou de son entourage, d'un médecin, d'un professionnel de l'action sociale ou médico-sociale, généralement dans le cadre d'une intervention à domicile. Dans ce domaine, la proximité est un facteur essentiel, alors que l'isolement constitue un facteur aggravant.

Comment agir en cas de maltraitance ?

La coordination est essentielle car la solution fait généralement intervenir plusieurs acteurs. D'où la nécessité d'informer les partenaires sur le déroulement de la démarche engagée, au-delà du simple signalement. En cas de suspicion de maltraitance, il faut agir rapidement et procéder à une investigation plus complète afin de mieux cerner la situation et d'envisager les solutions possibles. Cette démarche est plus facile quand la personne âgée est déjà suivie par un service social d'une caisse de retraite, un service de soins infirmier à domicile ou une assistante sociale. Elle est également simplifiée grâce au maillage territorial que nous avons mis en place. Au sein des neuf territoires de vie sociale présents dans le département, il existe dix-sept coordinations qui interviennent localement. Ce dispositif est complété par trois Clic formés par le regroupement de ces coordinations locales.

Quel a été l'apport de Touraine RepèrAge dans l'expérimentation ?

Si le service d'accueil téléphonique fonctionne de façon autonome et recueille régulièrement des signalements relatifs à des situations de maltraitance, il a été néanmoins intégré au déroulement du programme expérimental. Les appels reçu par le Centre interministériel de renseignements administratifs concernant le département nous ont été signalés. J'ai le sentiment que ce service d'accueil, d'information et d'orientation est transposable à d'autres situations. Je pense notamment au secteur des personnes handicapées, qui présente de nombreux points communs avec celui des personnes âgées, notamment dans le domaine des services d'aide à domicile. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en créant, en partenariat avec l'association Handicap Conseil, le service "Handicap info 37". Une permanence téléphonique, un site internet dédié et un accueil sur rendez-vous permettent de disposer de toutes les informations pratiques et utiles sur les différents aspects du handicap.
 

Maltraitance : un contexte en pleine évolution

Si l'ampleur du phénomène reste difficile à appréhender, les pouvoirs publics estiment à 15% la proportion de personnes âgées de plus de 75 ans victimes de maltraitance. Depuis plusieurs années, la mobilisation des différents acteurs s'organise.

Créé en 2002, le Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées est chargé de contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique de prévention et de lutte contre ce phénomène. Cette instance est notamment à l'origine du programme d'expérimentation sur le signalement et la prévention des situations à risque mené dans cinq départements pilotes. Le Comité a également conçu une brochure de sensibilisation. Intitulée "Lignes de vie, ligne de conduite", elle est destinée aux personnes confrontées à des situations de maltraitance, afin de leur donner des clefs et des conseils pour agir.
De son côté, la direction générale de l'action sociale (DGAS) lançait, cette même année, un programme quinquennal d'inspection des établissements sociaux et médico-sociaux. Objectifs : faciliter le repérage et prévenir les risques de maltraitance envers les personnes vulnérables. En plus des inspections initiées en cas de plaintes, de signalements ou d'incidents, le programme prévoyait le contrôle de 2.000 structures d'accueil sur 5 ans, toutes populations confondues : enfants, personnes handicapées et personnes âgées. Afin d'harmoniser la procédure d'inspection et la collecte de données, un nouveau système de recueil et de traitement des informations a été mis en place. Baptisé Prisme (Prévention des risques, inspections et signalements des maltraitances dans les établissements sociaux et médico-sociaux), cet outil comprend deux volets : l'un regroupant les données sur le signalement et l'autre relatif aux inspections menées et aux suites données. Dans le même temps, la DGAS a élaboré des recommandations de bonnes pratiques de soins en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ces initiatives devraient trouver leur prolongement dans le prochain plan d'actions prévu par la secrétaire d'État aux Personnes âgées pour le début de l'année 2005.

Aller plus loin sur le web :


Le discours de Catherine Vautrin  devant le Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées, le 14 décembre 2004.
 
Le dossier consacré à la maltraitance, sur le site du secrétariat d'Etat aux Personnes âgées.
http://www.personnes-agees.gouv.fr/dossiers/maltrait/intro_mal.htm
 
Le premier bilan (juin 2004) de l'expérimentation  menée dans cinq départements.

Le site d'Alma France (Allô maltraitance des personnes âgées).
http://www.alma-france.org
 
Le site du conseil général d'Indre-et-Loire.
http://www.cg37.fr
 
La présentation du service "Touraine RepèrAge".
http://www.touraine-reperage.com

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