Commande publique - Marché de services, concession de services : des nuances fondamentales

Saisie dans le cadre d'une question préjudicielle, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) revient, dans une décision du 10 novembre 2011, sur les nuances existant entre un "marché de services" et une "concession de services". Elle donne également des précisions sur la notion de "risques liés à l'exploitation", notion susceptible de déterminer plus exactement la nature du contrat.
Dans cette affaire, le litige - dont le point de départ concerne l'attribution d'une "concession" de services de transport en commun par autobus en Lettonie - porte sur une mésentente quant à l'interprétation des directives.
Selon la Cour, dans la mesure où l'entité adjudicatrice concernée exerce une activité dans le domaine du transport par autobus, l'affaire relève de la directive 2004/17 relative aux marchés publics. En revanche, selon le gouvernement letton, ladite entité ne fournissant pas elle-même des services de transport en commun aux habitants, c'est la directive 2004/18 qui serait applicable.
La question de savoir si une opération doit être qualifiée de "concession de services" ou de "marché public de services" doit s'apprécier exclusivement à l'aune du droit de l'Union, rétorque la Cour. Selon la directive 2004/17 (article 1er), la différence entre un "marché de services" et une "concession de services" réside dans la contrepartie de la prestation : le marché de services comporte une contrepartie payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services ; en revanche, dans le cas d'une concession de services, la contrepartie de la prestation consiste dans le droit d'exploiter, soit seul, soit assorti d'un prix. S'agissant d'un contrat portant sur des services, le fait que le cocontractant ne soit pas directement rémunéré par le pouvoir adjudicateur - mais ait le droit de percevoir une rémunération auprès de tiers -, répond à l'exigence d'une contrepartie prévue à l'article 1er de la directive 2004/17. Tel est le cas lorsque, comme dans l'affaire, le prestataire des services de transport en commun par autobus se voit conférer le droit d'exploiter des services en contrepartie desquels il est rémunéré par les usagers desdits services.

Les aléas du marché et le risque d'exploitation

Si le mode de rémunération est l'un des éléments déterminants pour la qualification d'une concession de services, il ressort aussi de la jurisprudence que la concession de services implique, de la part du concessionnaire, la prise en charge du risque lié à l'exploitation des services en question. L'absence de transfert, au prestataire, du risque lié à la prestation des services indique que l'opération visée constitue un marché public et non une concession. Pour être qualifiée ainsi, il est exigé que le pouvoir adjudicateur transfère au concessionnaire l'intégralité - ou au moins une part significative - du risque qu'il encourt. Que doit-on entendre par "risque lié à l'exploitation" ?
Il s'agit du risque d'exposition aux aléas du marché. A ce titre, la CJUE fournit une liste d'exemples : la concurrence d'autres opérateurs, l'inadéquation entre l'offre et la demande de services, l'insolvabilité des débiteurs du prix des services fournis, l'absence de couverture des dépenses d'exploitation par les recettes, ou encore le risque de responsabilité d'un préjudice lié à un manquement dans le service. Toutefois, les paramètres qui seraient liés à une mauvaise gestion ou à des erreurs d'appréciation de l'opérateur économique ne sont pas déterminants pour qualifier un contrat de "marché public" ou de "concession de services". En effet, ces risques sont inhérents à tout contrat, quel qu'il soit. Aussi, étant donné que l'entité adjudicatrice indemnisera le prestataire de services des pertes d'exploitation et que ce dernier n'assumera pas une part significative du risque lié à l'exploitation, une telle opération devrait être qualifiée de "marché de services" et non de "concession de services".

L'Apasp