Marchés publics : à chaque entreprise ses obligations...
Dans un arrêt du 22 janvier 2018, le Conseil d’Etat a tranché un litige concernant les conditions de traitement des candidatures et des offres dans le cadre d’une procédure adaptée. La haute juridiction administrative a précisé que l’obligation de production de certificat attestant de la régularité de la situation d’une entreprise au regard de l’emploi des travailleurs handicapés ne s’impose pas aux entreprises de moins de vingt employés. Elle rappelle également qu’il incombe au pouvoir adjudicateur de vérifier le caractère anormalement bas d’une offre.
Dans cette affaire, la commune de Vitry-le-François avait engagé une consultation en vue de la passation d’un marché à procédure adaptée (Mapa) ayant pour objet la fourniture de matériel d’éclairage public à led. A l’issue de la consultation, la collectivité a envoyé deux courriers : l’un à la société Comptoir de négoce l’informant du rejet de son offre et l’autre à la société CVELUM l’informant que le marché lui avait été attribué. Suite à ces décisions, la société Comptoir de négoce a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Châlons-en-Champagne d’une demande tendant à l’annulation de la procédure de passation. Le TA a accueilli cette demande et a annulé cette procédure. La collectivité s’est alors pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d’Etat.
La non-applicabilité emporte la non-opposabilité
Selon les dispositions du I de l’article 48 de l’ordonnance marchés publics, "le candidat produit à l’appui de sa candidature : 1/ une déclaration sur l’honneur pour justifier (...) notamment qu’il est en règle au regard des articles L.5212-1 à L.5212-1 1 du code du travail concernant l’emploi des travailleurs handicapés". Ces articles du code du travail imposent aux entreprises de plus de vingt salariés d’employer des travailleurs handicapés et de faire une déclaration annuelle d’emploi de ces travailleurs. Si cette obligation n’est pas respectée par les candidats à un marché public, l’article 48 de l’ordonnance précitée prévoit leur exclusion de la procédure de passation.
En l’espèce, le TA a estimé que l’offre de la CVELUM devait être regardée comme irrecevable car la société n’avait pu produire de certificat attestant de la régularité de sa situation au regard de l’emploi des travailleurs handicapés. Le Conseil d’Etat a toutefois infirmé ce jugement, considérant que le TA avait commis une erreur de droit. En effet, "aucune disposition n’impose à un employeur occupant moins de vingt salariés d’employer des travailleurs handicapés ou de faire une déclaration annuelle d’emploi des travailleurs handicapés". La CVELUM ayant moins de vingt employés, la production d’un certificat assurant de la régularité de sa situation par rapport à l’emploi de personnes handicapées ne pouvait donc lui être exigée lors de la procédure de passation d’un marché public.
L’absence de bénéfice ne caractérise pas automatiquement l’offre anormalement basse
La société requérante estimait également que l’offre de la CVELUM était anormalement basse. En effet, selon elle, le montant de son offre correspondait au prix d’achat des matériels et elle ne pouvait donc en tirer aucun bénéfice. Le Conseil d’Etat a rejeté cet argument. Il a tout d’abord rappelé qu’"il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé". Il a également rappelé que le seul fait pour la requérante d’affirmer que le prix proposé par la CVELUM ne lui permettait pas de faire de bénéfice n’est pas une circonstance suffisante permettant de considérer son offre comme anormalement basse.
La haute juridiction administrative a donc annulé l’ordonnance du juge des référés du TA de Châlons-en-Champagne.
Référence : CE, 22 janvier 2018, n° 414860