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Écart de prix : indice et non justification d'une offre anormalement basse !

Un arrêt du 30 mars permet au Conseil d’Etat de préciser les règles en matière d’offres anormalement basses (OAB) dans le cadre de la nouvelle règlementation en matière de marchés publics. En l’espèce, se posait la question de savoir si un écart de prix de 30% entre deux offres pouvait à lui seul constituer le caractère irrégulier d’une OAB.

Dans cet arrêt du 30 mars 2017, le Conseil d’Etat a examiné pour la première fois la régularité d’une offre au regard de l’ordonnance marchés publics de 2015, précisant le régime des offres anormales basses (OAB). En l’occurrence, la région Réunion a lancé une procédure pour la passation d’un marché à procédure adaptée (Mapa). Ce marché, divisé en huit lots, portait sur des actions de formation professionnelle continue relative au programme de formation "Tertiaire et services 2016 ". Le groupement d’intérêt public Formation Continue Insertion Professionnelle (GIP FCIP), s’est porté candidat à l’attribution des lots n°4, 5, 6,7 et 8. Suite au rejet de ses offres, le GIP FCPI a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de La Réunion. Ce dernier a annulé la procédure de passation du marché concernant les lots précités et a ordonné la reprise de la procédure au stade de l’analyse des offres. La région Réunion a donc saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Une obligation de justification qui s’impose aux acheteurs

Le nouveau régime de détection et de traitement des OAB est plus strict que celui du Code des marchés publics. Il oblige désormais le pouvoir adjudicateur à vérifier la régularité des offres qui lui sont soumises. L’article 53 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 dispose que "Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si après vérification des justifications fournies par l’opérateur économique, l’acheteur établit que l’offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions fixées par voie règlementaire". En revanche, si une entreprise apporte des justificatifs au prix bas de son offre, sa demande ne peut être écartée sur ce seul critère. La société BFAOI, titulaire du marché, a apporté des justifications au prix de son offre. Dès lors, la région n’a pas "commis d’erreur manifeste d’appréciation en n’écartant pas la candidature de l’entreprise BFAOI comme irrecevable et en ne rejetant pas l’offre comme anormalement basse".

L’écart de prix n’est pas un justificatif suffisant !

Pour détecter le caractère anormalement bas de ces offres, la collectivité a utilisé "une méthode de calcul préconisée par la charte pour la détection des offres anormalement basses et le choix de l’offre économique la plus avantageuse". Grâce à la méthode élaborée par le Haut Conseil de la commande publique, elle a pu déceler des OAB. Afin de s’assurer du caractère régulier de ces offres, la collectivité a demandé au GIP FCIP et à deux autres entreprises soumissionnaires de justifier leurs prix. Le GIP FCIP n’a pas répondu à ces sollicitations et n’a ainsi fourni aucune justification du prix anormalement bas de son offre. Selon lui, l’écart de 30% entre le montant de son offre et celui de la société titulaire suffisait à démontrer le caractère régulier de son offre. Toutefois, le Conseil d’Etat a jugé que le seul écart de prix, en absence de toute autre justification ne permet pas de regarder une offre comme régulière. La comparaison du prix des offres doit être regardée comme un indice. Il appartient par la suite au juge de vérifier si cette offre est intrinsèquement basse.
En écartant l’offre du GIP FCIP comme anormalement basse, l’acheteur n’a donc pas commis d’erreur. En effet, "le groupement requérant, qui ne se fonde que sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente de l’entreprise BFAOI, n’apporte ainsi aucun élément de nature à justifier de manière satisfaisante le bas niveau du prix de sa propre offre".
Le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge du référé précontractuel qui s’était à tort fondé "sur le seul écart de prix" pour qualifier une offre d’anormalement basse.

Référence : CE, 30 mars 2017, n° 406224