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Commande publique - Marchés publics : le hasard fait-il toujours bien les choses ?

Dans un arrêt du 16 novembre 2016, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la possibilité pour l'acheteur public de recourir au hasard dans le cadre d'un "chantier masqué". Il précise les conditions dans lesquelles le recours à une telle pratique ne constitue pas un manquement aux obligations de mise en concurrence.

Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la possibilité pour l'acheteur public de recourir au hasard dans le cadre d'un "chantier masqué". La méthode du chantier masqué permet au pouvoir adjudicateur, grâce à un détail quantitatif estimatif (DQE) "masqué", de comparer des quantités fictives élaborées à partir des prix remis par les candidats dans le bordereau des prix unitaires (BPU).
En l'espèce, la ville de Marseille avait attribué le marché pour l'exploitation et le maintien de ses installations d'éclairage public à la société SNEF. Candidate évincée, la société Travaux électriques du midi (TEM) avait saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille, en vue de l'annulation de la procédure de passation et de la décision de la commune de rejet de son offre. Ce dernier ayant fait droit à sa demande, la commune et l'entreprise retenue ont saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation.

Le chantier masqué, une simple méthode de notation

La Haute Juridiction administrative a tout d'abord rappelé la qualification de cette pratique : il ne s'agit pas d'un sous-critère mais d'une méthode de notation. Dès lors, si elle décide d'avoir recours à une telle méthode, la collectivité n'a pas à en informer les candidats, ni à le mentionner dans les documents de la consultation. L'élaboration de commandes fictives à partir du BPU de candidat permet notamment à l'acheteur public de se prémunir contre un surcoût des prestations.

Le hasard n'exclut pas automatiquement la meilleure offre

Dans cette affaire, pour deux des quatre prestations du marché en cause, le règlement de la consultation indiquait que la note du critère prix serait fondée sur l'un des deux DQE masqués élaborés par la commune. Pour choisir le DQE fictif en question, le règlement de la consultation prévoyait qu'il serait tiré au sort.
Selon le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Marseille, l'introduction du hasard avait "nécessairement privé de leur portée les critères de sélection ou neutralisé leur pondération et induit, de ce fait, que la meilleure note ne soit pas nécessairement attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie". C'est pour ce motif qu'il avait annulé la procédure de passation et la décision du rejet de l'offre de la société TEM.
Suivant les conclusions du rapporteur public Olivier Henrard, le Conseil d'Etat a infirmé cette position. Lors de l'audience, le rapporteur public a souligné que la technique du tirage au sort entre plusieurs chantiers masqués présentait deux avantages : éviter les fuites et le favoritisme.

Trois conditions pour un recours au "marché caché"

Dans son arrêt, le Conseil d'Etat précise quant à lui que le tirage au sort d'un DQE masqué ne constitue pas un manquement aux obligations de mise en concurrence si trois conditions sont réunies. La première tient à ce que "les simulations correspondent toutes à l'objet du marché", la deuxième à ce que "le choix du contenu de la simulation n'ait pas pour effet d'en privilégier un aspect de telle sorte que le critère du prix s'en trouverait dénaturé", et la troisième condition est "que le montant des offres proposées par chaque candidat soit reconstitué en recourant à la même simulation".
L'acheteur public peut donc élaborer des commandes fictives et procéder à un tirage au sort pour déterminer celle à partir de laquelle le critère du prix sera évalué, sans avoir à en informer les candidats et sans méconnaître ses obligations de mise en concurrence.
Le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du juge du référé précontractuel pour avoir censuré à tort et de manière automatique "l'introduction du hasard dans la procédure de désignation du bénéficiaire". 

L'Apasp

Référence : CE, 16 novembre 2016, n°401660
 

 

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