Métavers et tourisme : une mosaïque de possibles

Si le métavers dans son intégralité relève encore de l’anticipation, certains de ses constituants, tels que la réalité virtuelle ou les certificats numériques (NFT), sont déjà utilisés dans les secteurs culturels, patrimoniaux et touristiques. Une récente étude commanditée par La Banque des Territoires éclaire sur ces nouveaux possibles et leurs usages par les collectivités, pour attirer, renouveler et fidéliser différents publics et clientèles touristiques.

La cathédrale Notre-Dame transcrite en réalité virtuelle ; la pyramide de Keops explorée en images de synthèse immersives ; Venise (re)découverte par un dispositif virtuel… Tels sont quelques-uns des premiers jalons posés entre des sites touristiques d’envergure mondiale et des technologies numériques de re-création d’univers.

« Nous sommes encore loin de la concrétisation d’un métavers complet, précise Maxime Rocheux, chargé de projets investissements au sein du pôle tourisme, culture et patrimoine à la Banque des Territoires. Pour se concrétiser, celui-ci devra englober un réseau étendu et interopérable de mondes virtuels 3D en temps réel, expérimentés par un nombre illimité d'utilisateurs, qui posséderont une ‘présence’ associée à des données relatives à l'identité, aux droits, aux communications et aux paiements ».

Encore au stade de concept, le métavers s’inscrit dans ce qu’il est d’usage de qualifier de « Web 3 ». Après l’Internet de première génération des années 1990, la généralisation des réseaux sociaux dans les années 2000 constitua le « Web 2 ». Le Web 3 développera les interactions immersives et contributives, au travers de réalités virtuelles ou augmentées, d’avatars, de 3D et de jeux vidéo. À ces expériences sociales immersives s’ajoutent des notions clés comme la souveraineté des communautés et la décentralisation (à l’aide de la technologie de chaîne de blocs) et de nouveaux modèles de propriété et de valeur (NFT, cryptomonnaies).

À ce stade, le secteur touristique dispose déjà d’instruments technologiques aboutis, comme la réalité virtuelle, la fidélisation et la personnalisation par les certificats NFT. Il s’agit plus d’une ‘vue en mosaïque’ que d’une grande image, intégrée, du métavers.

Maxime Rocheux, chargé de projets investissements au sein du pôle tourisme, culture et patrimoine à la Banque des Territoires

En avance de phase : cerner les potentialités du métavers pour le tourisme

Pour éclairer ces différents futurs possibles, la Banque des Territoires a commandité auprès des cabinets EY et Fabernovel une étude sur le métavers appliqué au tourisme. L’objectif étant de sensibiliser, dès à présent, les différents maillons publics du secteur (offices du tourisme, comités départementaux et régionaux) sur ces potentialités et leurs usages.

« À ce stade, le secteur touristique dispose déjà d’instruments technologiques aboutis, comme la réalité virtuelle, la fidélisation et la personnalisation par les certificats NFT, estime Maxime Rocheux. Il s’agit plus d’une ‘vue en mosaïque’ que d’une grande image, intégrée, du métavers. Cependant, des initiatives ont été lancées en France comme dans le monde, et ce, selon plusieurs axes de développement identifiés par l’étude, susceptibles de modifier la chaîne de valeur du tourisme ».

En parallèle, en tant qu’opératrice du plan d’investissement d’avenir (PIA) dédié à la culture, la Banque des Territoires finance des projets en lien avec le métavers, via le fonds innovation de l’IFCIC (Institut du financement du cinéma et des industries culturelles), via ses participations comme Grand Palais Immersif et les appels à projet du PIA 4, notamment celui consacré à « l’expérience augmentée du spectacle vivant ».

De nouveaux leviers d’acquisition clients grâce au métavers 

Mieux promouvoir, élargir les publics

Au-delà des « jumeaux numériques » créés pour projeter l’utilisateur dans la destination touristique envisagée, la valeur ajoutée du métavers résidera dans les services et l’assistance proposés en complément.

En Espagne par exemple, la ville de Benidorm a ouvert une plateforme de jeu immersive.

De plus, en dupliquant en ligne les services, les événements ou encore les lieux du monde réel, les institutions privées et publiques comme les collectivités pourront toucher un plus grand potentiel de clients et de citoyens, mais aussi créer de nouveaux usages. « On peut imaginer un métavers d’inspiration au voyage », indique Maxime Rocheux. 

En Corée du Sud par exemple, la capitale Séoul s’est dotée d’un centre virtuel de services publics.

Fluidifier l’expérience d’achat 

Les contrats numériques évolués (smart contracts) représenteront un appui pour mieux satisfaire les clients, mais aussi un levier de productivité pour traiter des tâches chronophages qui mobilisent actuellement de nombreuses ressources au sein des offices de tourisme. 

Améliorer la satisfaction, la fidélisation et les revenus dans le secteur du tourisme 

Sur ces questions, les NFT, certificats numériques personnels et infalsifiables, présentent de multiples potentiels. « Il existe trois sortes de NFT, détaille Maxime Rocheux. Ceux de collection, issus du marché de l’art ; ceux d’utilité, pour la fidélisation ou la personnalisation de la relation avec les clients et les touristes ; ceux d’accès, liés à un évènement ou un site particulier, avec la possibilité d’adjoindre des services à ce billet infalsifiable ». 

Accueil et fidélisation

Tous les sites touristiques ont la possibilité de conforter leur singularité et le lien qui les unit à leurs visites en jouant d’une logique de communauté en ligne. Les musées seront en mesure de prédire de façon précise la fréquentation attendue à un instant T en fonction de la météo et d’autres paramètres, mais aussi de transmettre aux visiteurs des informations en conséquence, améliorant à terme la gestion des flux et donc la satisfaction.

Dunkerque a par exemple créé une collection de NFT pour fédérer et fidéliser une communauté de personnes intéressées par la ville.

Conserver le lien 

Le métavers, en plaçant les interactions sociales au cœur de son fonctionnement, est un réseau communautaire par essence. Il apparaît comme un excellent support pour réunir et impliquer des membres autour d’un besoin et de valeurs communes.

Quelques exemples : le site PleasrDAO propose d’acheter des œuvres d’art en collectif. En France et aux États-Unis, le métavers Mira annonce avoir établi des partenariats avec dix institutions.

Expériences immersives

De nombreux lieux touristiques utilisent le numérique pour augmenter l’engagement des visiteurs dans les parcours en créant plus d’interactivité entre eux et les contenus. La réalité virtuelle et augmentée mais aussi les tablettes et les écrans interactifs créent de nouvelles expériences de visite.

La Cité du vin à Bordeaux propose par exemple des ateliers de dégustation dans un environnement sensoriel et immersif à 360°degrés.

« Ces expériences transposées dans le métavers seront a priori utilisées en premier lieu par des destinations phares, connues au plan international, par exemples des villes comme Cannes, Nice, Paris ou encore Biarritz », estime Maxime Rocheux.

Le jeu vidéo constitue un des leviers pour favoriser la continuité et la persistance de l’expérience touristique. De plus, l’expérience par la « ludification » est également un des points d’accroche les plus accessible pour entraîner le grand public dans ce nouveau monde.

Constructeur de mondes virtuels, The Sandbox propose par exemple une place de marchés et la monétisation d’actifs et d’expériences de jeu vidéo, via la chaîne de blocs.

Nouveaux revenus 

Les NFT représentent un nouveau canal de revenus pour différentes institutions qui peuvent monétiser leurs actifs physiques. Deux usages lucratifs sont apparus ces deux dernières années : la vente de NFT et la création de nouvelles expositions réunissant des œuvres numériques. 

Quelques exemples : 

Deux premiers segments « à potentiel »

Selon l’étude commanditée par la Banque des Territoires, deux des sept couches des métavers seront les plus porteuses à court terme :

  • celle des jumeaux numériques, des mondes virtuels et des certificats numériques NFT ; 
  • celle de l’interface humaine pour la réalité virtuelle ou augmentée.

« Aujourd’hui, sans investir démesurément, il est nécessaire de financer localement l’émergence de briques technologiques et de services qui s’inscrivent intelligemment dans la stratégie sociale et environnementale du territoire », recommandent les cabinets EY et Fabernovel dans l’étude.

Télécharger l'Étude Métavers

Les composantes du Métavers

Glossaire

IOT : Internet des objets.
IA : intelligence artificielle.
Blockchain : chaîne de blocs.
Smart contracts : contrats numériques évolués.
DA0 : organisations distribuées et autonomes.
Token : jeton.
Jetons non fongibles (NFT) : certificats numériques infalsifiables.
 

Maxime Rocheux

Chargé de projets investissements au sein du pôle tourisme, culture et patrimoine, département de la transition numérique, Banque des Territoires

Diplômé de l’école de commerce de Rennes, Maxime Rocheux fut assistant parlementaire et consultant en communication publique avant de rejoindre la Caisse des dépôts en 2018, en tant que chargés d’études marketing et animation territoriale.

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