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Mise en concurrence de l'occupation du domaine public : les forains ouvrent le bal contentieux

Depuis le 1er juillet 2017, la délivrance de certains titres d’occupation du domaine public est soumise à une procédure de sélection préalable entre les candidats potentiels lorsque leur octroi a pour effet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine. Il s’agit d’une mesure phare de l’ordonnance relative à la propriété des personnes publiques publiée en avril dernier (lire notre article ci-dessous). Conséquence attendue de la loi Sapin 2, le texte met au diapason le droit domanial avec les évolutions récentes de la jurisprudence issue de l’arrêt du 14 juillet 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne dit "Promoimpresa SRL".
Garantir une plus grande transparence dans l’attribution des titres domaniaux, l’objectif est louable. Mais les zones d’ombre du texte et les nombreuses exceptions au principe de mise en concurrence posé au nouvel article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques laissaient présager une vague de contentieux. Les forains viennent d’ouvrir le bal à l’appel du célèbre Marcel Campion, gérant de la grande roue place de la Concorde, connu pour ses bras de fer avec la mairie de Paris.
En marge de la mobilisation contre la réforme du code du travail, plusieurs centaines de camions de forains perturbaient ainsi mardi la circulation à Paris et aux abords d'autres villes de France, pour protester contre une ordonnance qui, selon Marcel Campion, "signe la mort du métier" en imposant aux municipalités "des appels d’offres complexes pour installer le moindre manège".
"Notre métier a une spécificité d'occupation du domaine public bien établie depuis des décennies", explique à l'AFP Christian Lentz, du syndicat associatif pour le maintien et la sauvegarde de la fête foraine (Samseff), partie prenante de l'intersyndicale à l'origine du mouvement. "Nos emplacements sont reconduits tous les ans, j'ai repris la place de mon père qui avait repris la place du sien, j'espère que mon fils bénéficiera des miens... C'est comme ça, c'est une tradition, c'est nos us et coutumes", développe-t-il.

Valorisation du domaine public

Il s'agit, par là-même, "d'assurer la meilleure valorisation du domaine mais également de permettre un égal traitement entre les opérateurs économiques intéressés",  justifie le rapport de présentation de l’ordonnance. A titre d’illustration, le recours par la ville de Paris à des procédures de publicité et de mise en concurrence, sous la forme d’appels à projets, a contribué à la forte progression des recettes domaniales de la ville : entre 2010 et 2014, les recettes d’utilisation du domaine et les redevances tirées des concessions ont augmenté de 15% passant de 241 millions d’euros à 278 millions d’euros. Ces mesures de publicité mettent en effet la collectivité en mesure de déterminer la rentabilité économique des projets et d’optimiser ainsi le montant de la redevance obtenue. A contrario, ces nouvelles contraintes apparaissent comme une restriction à la liberté des élus gestionnaires domaniaux.
Ce formalisme supplémentaire, qui acte un alignement avec le régime des marchés publics, comporte également un risque de confusion juridique. D’autant que certaines notions n’ont pas été précisées par l'ordonnance. Que faut-il entendre par exemple par l’exercice d’une "exploitation économique" sur le domaine conditionnant le recours à la mise en concurrence? Le texte préserve en outre une grande souplesse concernant la procédure de sélection préalable des candidats  "librement" organisée par l’autorité compétente là encore en s’inspirant des règles de la commande publique. Seuls les grands principes en sont fixés : présenter "toutes les garanties d'impartialité et de transparence" et comporter "des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester". Au fil des contentieux prévisibles, les juridictions administratives seront nécessairement conduites à préciser la portée du texte et de ses multiples aménagements.

 

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