Environnement - Natura 2000 : un décret met la France en conformité avec les exigences communautaires relatives à la procédure d'évaluation des incidences

Les documents de planification, projets, plans, programmes ou manifestations susceptibles d'affecter de façon notable les habitats naturels et les espèces présents sur un site Natura 2000 doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences, afin de prévenir d'éventuels dommages causés à ces sites et d'assurer ainsi l'équilibre entre préservation de la biodiversité et activités humaines. Les opérations prévues par les contrats Natura 2000 ou pratiquées dans les conditions définies par une charte Natura 2000 en sont en principe dispensées. Transposition de la directive 92/43 CEE du Conseil, du 21 mai 1992 dite "Habitats", la procédure d'évaluation des incidences sur un site Natura 2000 concerne les opérations soumises à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration et s'insère le plus souvent dans les régimes d'évaluation existants.

Un décret du 9 avril 2010 vient précisément de modifier les dispositions du Code de l'environnement relatives à cette procédure (art. R. 414-19 à R. 414-26) et de procéder à un toilettage de plusieurs dispositions éparses de ce Code afférentes. Cette publication intervient alors que la Cour de justice de l'Union européenne vient, dans arrêt du 4 mars dernier (aff. C-241/08), de condamner la France pour manquements aux obligations lui incombant en vertu de l'article 6 de la directive Habitats. Par anticipation à ce jugement, un nouveau régime d'incidence avait été inscrit dans la loi sur la responsabilité environnementale du 1er août 2008, relève le ministère de l'Ecologie dans un communiqué.

Le décret du 9 avril dernier constitue ainsi le premier décret d'application de la nouvelle version de l'article L. 414-4. En application de cette disposition, les opérations soumises à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que si elles figurent soit sur une liste nationale établie par décret, soit sur une liste locale complémentaire arrêtée par l'autorité préfectorale. Toute opération qui ne relève pas d'un tel régime administratif peut être soumis à autorisation en application de la section du Code de l'environnement relative aux sites Natura 2000 et fait alors l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000, à la condition qu'elle figure sur une liste locale.

 

Une liste nationale de 28 opérations soumises à évaluation

Le décret du 9 avril fournit la liste nationale des très nombreuses opérations (au nombre de 28) devant faire l'objet d'une telle évaluation, parmi lesquelles figurent des opérations soumises à évaluation environnementale au titre du Code de l'environnement ou du Code de l'urbanisme ou soumises à étude ou notice d'impact, les documents de gestion de l'espace agricole et forestier, les schémas des structures des exploitations de cultures marines, les déchèteries soumises à déclaration, certaines manifestations sportives ou rassemblements festifs, ou encore un certain nombre de travaux ou d'installations soumis à autorisation ou déclaration.

Les dispositions du décret ne reprennent pas la distinction entre les opérations situées à l'intérieur du périmètre d'un site Natura 2000 ou à l'extérieur de ce périmètre. Sauf mention contraire, les opérations ainsi listées sont soumises à évaluation que leur localisation se trouve ou non dans le périmètre d'un site Natura 2000.

Le décret précise en outre l'autorité compétente pour établir les listes locales, après avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel, ainsi que les mesures de publication y afférent. Il s'agit soit du préfet de département, après consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites réunie dans sa formation "Nature", soit du préfet maritime, après consultation des acteurs concernés. Les listes locales doivent en effet être établies au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, en concertation notamment avec des représentants de collectivités territoriales, de propriétaires, d'exploitants et d'utilisateurs concernés ainsi que d'organisations professionnelles, d'organismes et d'établissements publics.

 

Le contenu du dossier d'évaluation

Toute personne souhaitant réaliser une opération figurant sur les listes nationales ou locales doit accompagner son dossier de présentation ou de demande d'autorisation ou de déclaration du dossier d'évaluation des incidences Natura 2000. Le cas échéant, l'évaluation est jointe au dossier soumis à enquête publique. L'évaluation environnementale, l'étude d'impact ou la notice d'impact ainsi que le document d'incidences peuvent tenir lieu de dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 s'ils satisfont aux prescriptions relatives au contenu de l'évaluation de l'incidence détaillées par le décret.

Le dossier d'évaluation est établi, s'il s'agit d'un document de planification, par la personne publique responsable de son élaboration, s'il s'agit d'un programme, d'un projet ou d'une intervention, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire, enfin, s'il s'agit d'une manifestation, par l'organisateur. Cette évaluation "est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence", ajoute le décret. Le dossier doit comprendre une présentation de l'opération accompagnée d'une carte permettant de le localiser et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés. Lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est par ailleurs fourni.

Dans tous les cas, le dossier comporte un exposé sommaire des raisons pour lesquelles l'opération est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 et dans l'affirmative, la liste des sites susceptibles d'être affectés compte tenu de la nature et de l'importance de l'opération, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui la sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation.

Le cas échéant, le dossier comprend l'analyse des effets notables, temporaires ou permanents, que l'opération peut avoir sur l'état de conservation des habitats naturels ou des espèces qui ont justifié la désignation du site, ainsi qu'un exposé des mesures de nature à supprimer ou réduire ces effets dommageables. Il décrit par ailleurs, les solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et les éléments qui permettent de justifier la réalisation de l'opération sous certaines conditions. Il comprend également la description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues ne peuvent supprimer, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes.

Si l'évaluation des incidences Natura 2000 conclut à un effet significatif sur un ou plusieurs sites d'une opération et que les circonstances (définies au VIII de l'article L. 414-4) imposent de recueillir l'avis préalable de la Commission européenne, le délai ouvert à l'autorité compétente pour autoriser ou s'opposer à l'opération est suspendu jusqu'à la date de réception de cet avis.
Le décret règle enfin le champ d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions en fonction de la date de dépôt des demandes d'autorisation et de déclaration, de la date de publication de l'arrêté fixant la date d'ouverture de l'enquête publique s'agissant des projets soumis à déclaration d'utilité publique ou encore de la date d'approbation des documents de planification.

 

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions