Observatoire de la mobilité 2021 : les transports publics toujours sous le coup de la crise sanitaire

60% des Français utilisent régulièrement les transports publics en 2021, selon la nouvelle édition de l'Observatoire de la mobilité présentée par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Ils étaient 73% en 2019, avant la crise sanitaire qui a favorisé l'autosolisme. Les modes actifs (vélo, marche) ont connu une nette progression mais leur part modale reste modeste. Alors qu'il est encore difficile de savoir quels seront les effets à long terme des nouvelles tendances issues de la crise (télétravail, exode urbain…), les opérateurs de transport jugent nécessaire "un choc de l'offre" pour répondre à la diversité des besoins de mobilité sur tous les territoires et proposent un manifeste en vue de la présidentielle pour doubler la part des transports publics au cours du prochain quinquennat.

Après avoir chuté de douze points en 2020 par rapport à 2019, la fréquentation des transports publics a encore reculé légèrement en 2021, sous l'effet de la crise sanitaire, selon les résultats de la nouvelle édition de l'Observatoire de la mobilité* présentés ce 25 novembre par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). 60% des Français utilisent aujourd'hui les transports publics pour se déplacer. Une part qui monte à 75% dans l'agglomération parisienne mais descend à 58% dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants et chute à 34% dans celles comptant entre 50.000 et 100.000 habitants où la circulation en voiture est plus aisée. A l'exception du RER et du train, utilisés sur de plus longues distances, tous les autres modes de transports publics – bus, métro, tramway – connaissent un recul de fréquentation qui peut s'expliquer par un report vers les modes actifs (marche, vélo, vélo à assistance électrique).

Les transports publics choisis avant tout pour leur côté pratique

44% des voyageurs qui se déplacent en transport public le font pour des raisons pratiques, pour ne pas perdre de temps dans les embouteillages ou la recherche d'une place de stationnement, 26% parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement et 16% pour des raisons de préservation de l'environnement. Seuls 14% invoquent une raison économique. "Par rapport à d'autres biens marchands, les tarifs des transports publics restent très en-dessous de l'inflation, relève Thierry Mallet, vice-président de l'UTP et P-DG du groupe Transdev. Le ticket coûte 1,27 euro et l'abonnement mensuel 30,87 euros en moyenne dans le transport urbain de province et depuis dix ans les tarifs sont restés stables".

L'autosolisme, grand gagnant

L'Observatoire de la mobilité 2021 montre que l'autosolisme est le grand gagnant de la crise sanitaire. Alors que les confinements et les restrictions de déplacement se sont traduits par une baisse générale de la mobilité, la part modale des déplacements en véhicules particuliers, qui représentait 80,8% du transport intérieur de voyageurs en 2019 (en voyageurs-kilomètres) a augmenté de 4,4 points en 2020 (85% du transport intérieur de voyageurs) tandis que celle en transports collectifs est passée de 17,6% en 2019 à 14% en 2020. Les modes actifs ont aussi progressé du fait de la crise (+27% pour le vélo en 2020) mais leur part modale reste modeste, la marche et le vélo restant surtout utilisés en cœur de métropole.

Réduction des déplacements

Les résultats de l'Observatoire montrent aussi que 56% des voyageurs utilisent moins souvent les transports publics parce qu'ils ont réduit leurs déplacements. Si le télétravail a connu un bond important pendant le premier confinement – près de 40% des actifs concernés contre moins de 7% avant la crise sanitaire -, l'UTP estime que son développement est à relativiser, une grande partie des emplois ne s'y prêtant pas. Ainsi, en septembre 2020, 80% des actifs travaillaient en présentiel et 20% en télétravail. En termes de service de transport, les opérateurs s'attendent à devoir produire autant voire plus de kilomètres car si les actifs utilisent moins les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail, ils les emprunteront sur des distances plus longues et les utiliseront davantage pour d'autres motifs.
De même, les professionnels ne voient pas d'un mauvais œil le prétendu exode urbain qu'entraînerait la crise sanitaire. Selon eux, s'il était validé par les chiffres, les habitants des métropoles qui iraient s'installer dans des villes de taille plus modeste auraient de toute façon besoin d'une offre de transport identique à celle dont ils disposaient auparavant.

Craintes de contamination

Du côté de leurs utilisateurs comme des non-utilisateurs, les transports publics restent perçus comme le premier lieu de contamination au Covid-19 (58% pour les premiers, 70% pour les seconds), loin devant les bars et les repas de famille, alors que de nombreuses études (Santé Publique France, étude ComCor-Institut Pasteur) indiquent que les transports ne sont pas des lieux de contamination privilégiés. La crise sanitaire s'est en tout cas traduite par des pertes de recettes commerciales importantes pour les transports publics (2,28 milliards d'euros au total pour les transports urbains en 2020 et 2021).

Motifs d'utilisation des transports publics

Parmi les motifs d'utilisation des transports publics, ce sont les déplacements quotidiens pour faire des courses, se rendre dans des établissements de santé ou administratifs qui arrivent en tête (49%), suivis de près par ceux vers le lieu de travail ou d'études (45%) et ceux vers les lieux de loisirs ou pour rendre visite à la famille ou aux amis (42%). A bord des transports publics, deux types d'activités dominent largement chez les voyageurs : se divertir (lecture, jeux, vidéos…) pour 42% d'entre eux et se reposer (37%). Le travail n'arrive que très loin derrière (7%).

Demande de transports plus fréquents

Le premier facteur mis en avant par les voyageurs pour utiliser davantage les transports publics est leur fréquence (84%), la desserte de territoires plus étendus (77%) et des plages horaires élargies – plus tôt le matin et plus tard le soir - (64%). "Cela montre la nécessité d'un choc d'offre dans des territoires qui ont eux aussi évolué, avance Marc Delayer, vice-président de l'UTP et directeur général des Transports publics du Choletais. Quand l'offre évolue positivement en quantité comme en qualité, la fréquentation augmente".

Renforcer la lutte contre la délinquance et les incivilités avec plus de présence humaine 

L'Observatoire 2021 a aussi interrogé les Français sur la sûreté dans les transports publics. 82% jugent "très et extrêmement important" de renforcer la lutte contre la délinquance, 81% la lutte contre les incivilités, 62% la lutte contre la fraude et 51% la lutte contre la mendicité. Pour 51% des personnes interrogées, les moyens les plus efficaces pour améliorer la sécurité est de renforcer la présence humaine. Ils ne sont que 19% à demander plus de moyens de vidéo-protection dans les véhicules, aux arrêts, dans les stations et dans les gares et 17% à réclamer la mise en place de dispositifs d'alerte en cas de problème. Pour répondre à ces attentes, l'UTP adresse plusieurs demandes aux pouvoirs publics – mise en œuvre effective de la vérification des adresses des contrevenants, extension du droit à mettre en place des transports ferroviaires guidés, en particulier les tramways, création d'un délit de "transport surfing", extension de l'usage de la force armée en cas de "légitime défense élargie" ou de "périple meurtrier" par les agents des services de sécurité interne de la SNCF (SUGE) et de la RATP (GSPR)… 
Pour favoriser le report modal, les personnes interrogées citent comme premier motif les difficultés de stationnement (45%), l'augmentation des embouteillages et, à égalité, la hausse du coût global de la voiture (42%). La piétonisation des centres-villes inciterait 48% d'entre elles à préférer les transports publics à la voiture. Pour 40% des personnes interrogées, ce serait le péage urbain – jamais mis en œuvre en France jusqu'à présent – et pour 32% la mise en place d'un stationnement payant généralisé.

89% des Français favorables au développement des transports publics 

Au final, 89% des Français jugent nécessaire de développer les transports publics (93% de leurs utilisateurs l'affirment mais aussi 84% des non-utilisateurs). Principale raison invoquée par 59% d'entre eux : la préservation de l'environnement alors qu'ils sont aussi 71% à estimer que l'autosolisme pourrait nuire à la qualité de vie en raison de la pollution. 49% se disent favorables à la taxation des mobilités les plus polluantes et seulement 34% à une augmentation de la contribution payée par les employeurs au profit des transports publics et 25% à la taxation des plus-values immobilières des zones à proximité d'un arrêt, d'une gare, d'une station…

Porter la part modale des transports publics urbains à 40% à la fin du prochain quinquennat

En se fondant en partie sur les résultats de l'Observatoire 2021 de la mobilité, l'UTP a élaboré un manifeste à l'attention des candidats à la prochaine élection présidentielle dans lequel elle les invite à s'engager "pour une mobilité durable au service de tous les Français". Elle y présente 20 mesures concrètes, réparties en 4 axes. Parmi les principales, elle appelle à doubler la part modale du transport public urbain au cours du quinquennat, pour la porter de 19% à 40%, en sortant de la logique des appels à projets et en instaurant un soutien pérenne de l'Etat de 2,5 milliards d'euros aux projets de développement des infrastructures et des services de transport urbain ou périurbain portés par les Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de toutes tailles. L'UTP préconise de nouvelles lignes de métro, tramway et bus à haut niveau de service avec l'aménagement de voies en site propre mais aussi l'augmentation du nombre de parkings relais près des réseaux de transports collectifs pour permettre aux habitants des zones les moins denses de garer leurs véhicules particuliers et d'utiliser les transports publics pour la suite de leur trajet.
Elle propose aussi de porter l'effort d'investissement de SNCF Réseau à 6 milliards d'euros par une mobilisation du budget de l'Etat et d'éventuels concours de l'Union européenne. Cela permettrait selon elle de moderniser le réseau ferroviaire fragilisé par son vieillissement, comme l'a souligné dernièrement la Cour des comptes (voir notre article du 23 novembre 2021) pour mieux le mettre au service des mobilités du quotidien et accompagner la rénovation des lignes capillaires et la transformation digitale du système.

Plus d'aides au verdissement des flottes

L'UTP préconise aussi dans son manifeste de donner la priorité à une offre de mobilité respectueuse de l'environnement en apportant un soutien financier aux projets de transfert modal du fret routier de marchandises vers des modes de transport alternatifs (ferroviaire et fluvial), notamment dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE). Elle insiste aussi sur la nécessité de soutenir financièrement le verdissement des flottes de transports publics et ferroviaires dans le cadre du budget de l'Etat ou de CEE, "tout en veillant à la mise en place d'un cadre réglementaire, fiscal et normatif simple, clair et efficient, adapté au caractère de long terme des investissements du transport public.
"Nous nous étonnons que le bonus et la prime à la conversion soient aujourd'hui proportionnellement plus importants pour les véhicules privés que pour les bus électriques", a souligné ce 25 novembre Marie-Claude Dupuis, vice-présidente de l'UTP et directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP. "Alors que l'Etat aide les particuliers à hauteur de 6.000 euros et de 5.000 euros en 2022, sur un coût de 16.000 euros à 32.000, soit une prise en charge pouvant aller jusqu'au tiers, le bonus écologique étendu aux bus début 2021 permet de prendre en charge 30.000 euros maximum sur un coût proche de 400.000 euros, soit une prise en charge de 7,5%", a-t-elle pointé. De plus, le programme de CEE MoéBus, qui permettait de prendre en charge jusqu'à 30% du coût d'achat s'autobus 100% électriques s'achève en décembre prochain.
L'UTP juge donc urgent de développer les aides à l'acquisition de véhicules propres électriques, à hydrogène ou bio-GNV et au rétrofit, ainsi qu'aux investissements dans des infrastructures de recharge en dépôts ou en ligne et des emprises foncières adaptées.

Favoriser la multimodalité une norme commune de billettique

Le manifeste propose aussi de soutenir financièrement la mise en accessibilité des réseaux et de renforcer la sécurité, la sûreté et la lutte contre la fraude dans les transports en permettant l'usage de caméras intelligentes "dans le respect des libertés publiques", souligne-t-il. L'UTP insiste aussi sur l'urgence à favoriser la multimodalité par le déploiement d'infrastructures et de services qui facilitent l'articulation entre les modes actifs et partagés et sur la nécessité de déployer une norme commune de billettique dans le cadre d'un schéma national d'interopérabilité des titres de circulation sur l'ensemble des réseaux de transport du quotidien.

Propositions financières

Elle réitère aussi sa demande de reconnaissance des transports du quotidien comme services essentiels et par conséquent un retour au taux de TVA à 5,5% qui était en vigueur jusqu'en 2012, avec l'objectif d'affecter les recettes qui en découleraient à l'amélioration de l'offre et/ou à l'accélération de la transition énergétique. L'UTP propose aussi de mettre en œuvre le principe pollueur-payeur sur les différentes externalités (bruit, congestion, accidentologie, utilisation de l'espace, etc.). Pour redonner aux AOM, sociétés de projet et autres maîtres d'ouvrage les moyens nécessaires à l'exercice de leurs compétences et pour refonder leur modèle économique mis à mal par la crise sanitaire, le manifeste propose aussi la sanctuarisation du versement mobilité, la mise en place d'un prélèvement sur les plus-values foncières générées par la réalisation d'infrastructures de transport public urbain (BHNS, tram, métro, etc.) ou ferroviaires (gares, lignes nouvelles…) ou encore l'instauration d'une taxation sur les livraisons par la route des achats effectués via les plateformes numériques. Enfin, en termes de gouvernance, l'UTP propose que les AOM qui le souhaitent puissent exercer l'ensemble des compétences relatives à la mobilité (voirie, pouvoir de police, stationnement, etc.).


*Sondage réalisé par l'Ifop en septembre 2021 auprès d'un échantillon de 1.500 individus âgés de 18 ans et plus vivant dans une agglomération de 50.000 habitants ou plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie d'agglomération, région, catégorie socio-professionnelle).