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Office français de la biodiversité : 2020, année clé pour bien germer

Les sénateurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ont entériné ce 18 décembre la nomination de Pierre Dubreuil aux fonctions de directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) par vingt voix pour et sept contre. À cette occasion, le futur dirigeant de l'OFB a fait part de sa vision des missions et transformations qui attendent cet opérateur public, qui reprend le champ d’expertise de deux autres structures tout en ajoutant l'objectif d'en renforcer l'ancrage territorial.

C'est au terme d'une année de préfiguration, "dense car c'est peu pour un tel chantier", que Pierre Dubreuil a partagé avec les sénateurs ce que seront les premiers pas et le proche devenir de l’Office français de la biodiversité (OFB). L'OFB réunit à compter de janvier 2020 l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). "Cet Office français de la biodiversité vient de loin. L'idée intégratrice n'est pas nouvelle. Nous continuerons de marcher sur ces deux jambes et d'assurer dans la continuité les missions régaliennes propres aux précédents opérateurs." Si l'homme connaît son sujet, c'est qu'il est aux manettes de cette transition qui ne se fait pas sans heurts et suscite des inquiétudes. Il reconnaît d'ailleurs qu'"un tel changement bouscule et qu'il faut continuer de l'accompagner en interne, y compris sur le plan psychologique". 

Un lourd chantier RH

Répondant aux craintes statutaires, celui qui a déjà dirigé dans un climat tout aussi houleux un établissement de taille comparable (l'Inrap, de 2014 à 2015), indique que parmi les 2.800 agents de l'OFB, 1.700 inspecteurs de l'environnement exerçant pour les trois quarts de leur activité des missions de police administrative et judiciaire bénéficieront, grâce à la fusion, d'une organisation renforcée au niveau départemental. De 15 à 25 agents seront déployés par département pour mieux couvrir des territoires reculés et y maintenir "un environnement de qualité en s'appuyant sur la connaissance du lien social qu'ont des acteurs tels que les maires ruraux". Dès 2020, 300 agents techniques de l'environnement (ATE) affectés à l'OFB intégreront la catégorie B pour devenir techniciens de l'environnement (TE). D'autres ATE monteront en grade dans les trois à cinq années à venir. Des inspecteurs vont aussi partir en retraite, avec un risque de perte de savoir-faire. "Il faudra former ceux qui les remplaceront. La première année, déterminante pour bâtir une culture commune, aucun emploi ne sera supprimé. Dès 2022, nous en perdrons une quarantaine mais pas dans les services départementaux, qui seront préservés. En revanche nous n'avons pas obtenu la revalorisation des chefs de service départementaux, actuellement en catégorie B et qu'il serait légitime de voir évoluer en A." 

Au-delà des craintes et divisions

Autre facteur de crainte, le budget. L'OFB bénéficie des ressources des opérateurs fusionnés et, en rattachant la comptabilité propre aux parcs nationaux, d'un budget de 423 millions d'euros, dont 258 millions d'euros en provenance des agences de l'eau. Restait à compenser la perte de recettes due notamment à la baisse du prix du permis national de chasser à 200 euros. Pour combler ce trou, le PLF pour 2020 (action 7 du programme 113 Paysages, eau et biodiversité) a acté une dotation budgétaire de 41 millions d'euros. De quoi apaiser le climat tendu avec les agences de l'eau, qui ne se verront pas davantage ponctionnées, comme l'a garanti l'automne dernier la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon. "La base est plus saine pour intensifier notre dialogue avec les agences", confirme Pierre Dubreuil. L'État s'étant par ailleurs engagé à verser à un fonds pour la biodiversité dix euros quand les fédérations de chasse mettent cinq euros par chasseur ayant validé un permis dans l’année, un nouveau mécanisme d'écocontribution voit le jour. Qu'il espère bien mettre au profit d'une dynamique de projets locaux, déjà enclenchée suite à la signature d'une convention entre l'AFB et la Fédération nationale des chasseurs. "Cette contribution biodiversité versée par les chasseurs aide à dépasser les clivages et à financer des initiatives qui rassemblent dans les territoires ruraux", poursuit-il. 

Plus de place pour l'outre-mer

Cette vision de rassemblement "de tous les acteurs au service des écosystèmes et du vivant" implique une gouvernance adaptée. Outre un classique conseil d’administration, Pierre Dubreuil souhaite doter l'OFB d'un conseil scientifique de haut niveau connecté du mieux possible au conseil d'administration. L'action sera recentrée autour des trois échelons nationaux, régionaux et départementaux. Trois directions déléguées sont prévues. Une petite direction des relations internationales va voir le jour, ainsi qu'une direction générale adjointe aux territoires et outre-mer pour répondre au besoin exprimé par ces derniers de disposer d'un interlocuteur dédié au plus haut niveau. En outre-mer, la centaine d'agents présents va augmenter (+ 18 agents) et des délégués territoriaux dans chaque bassin ultramarin vont être nommés. Dernière nouveauté, un délégué national pour dialoguer avec le monde de la mer prendra son poste à Brest. 

Une posture à l'écoute

Plus au sud, c'est à Marseille que se tiendra en juin 2020 le congrès mondial de la nature de l'UICN 2020. Puis, en octobre, la COP 15 de la Convention sur la diversité biologique en Chine. Deux rendez-vous que l'OFB ne peut manquer pour se positionner. Prenant acte de la forte mobilisation citoyenne qui s'exprime, Pierre Dubreuil aimerait que l'OFB soit à son écoute et, mieux, son levier. L'établissement continuera à soutenir les sciences participatives et à nouer des liens avec la myriade d'associations et de bénévoles passionnés que compte ce secteur de la protection du vivant : "Nous nous appuierons sur la dynamique associative et locale, elle aura sa place au sein du comité d'orientation". Des partenariats sont aussi à construire (avec l'ANCT) ou à consolider. Avec l'ONF par exemple, ils pourraient se renforcer sur les volets gestion de crise et formation aux métiers de police de l'environnement. Quant aux agences régionales de la biodiversité (ARB), renommées en cohérence "offices régionaux de la biodiversité", cinq sont opérationnelles. "Les régions souhaitent avancer à des rythmes différents. On les accompagne selon ce qu'elles choisissent de faire".

Vers une stratégie nationale de contrôle

Derniers chantiers qui attendent la direction générale de l'établissement : la stratégie nationale des aires protégées à laquelle il contribuera, la troisième stratégie nationale pour la biodiversité (SNB 3, la seconde court jusqu'en 2020), une rationalisation en vue des 300 implantations actuelles de l'Office et un nouveau contrat d'objectifs à préparer dès l'an prochain avec l’État. "Nos missions sont vastes, nos moyens limités, il faut fixer des priorités. Pour faire évoluer nos outils de contrôle au regard des attentes nouvelles, en mettant l'accent sur la sensibilisation avant d'en arriver à sanctionner, l'OFB va aussi élaborer une stratégie nationale de contrôle. Elle traitera entre autres du partage des usages des espaces naturels. Quant aux élus, rencontrés lors d'un tour de France et du dernier salon des maires, j'entends ceux qui veulent plus de sanction et d'autres plus de prévention. Notre rôle d'expertise est très attendu. Notre action gagnera à être plus adaptée et dans le sur-mesure pour chaque territoire", a-t-il conclu devant les sénateurs.