Archives

Pouvoirs locaux - Organisation territoriale : clarification des compétences et affirmation des régions au coeur de la réforme

Seconde étape de la réforme des structures territoriales (après la loi sur les métropoles du 27 janvier 2014), le "projet de loi de loi clarifiant l'organisation territoriale de la République" vient d'être soumis au Conseil d'Etat, dans l'objectif d'une présentation en Conseil des ministres le 14 mai prochain. Ce texte, que Localtis s'est procuré, porte la marque du nouvel hôte de Matignon. On y retrouve les trois grands défis fixés par Manuel Valls dans sa déclaration de politique générale, le 8 avril dernier : le renforcement des compétences et de la taille des régions, la suppression des conseils départementaux à l'horizon de 2021 et la montée en puissance et en taille des intercommunalités. Le projet de loi reprend par ailleurs un certain nombre des dispositions des deuxième et troisième volets du triptyque présenté en avril 2013. Tour d'horizon des principales mesures et nouveautés.

Renforcement des régions

Les régions auront le "premier rôle" dans le soutien au développement économique (soutien aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, soutien à l'innovation, aux exportations et aux entreprises en difficulté). Comme leurs élus le demandaient, les communes et les intercommunalités à fiscalité propre demeureront compétents en matière d'aides à l'immobilier d'entreprise (à condition de respecter le schéma régional). Les régions seront responsables de l'animation des pôles de compétitivité. Par ailleurs, elles deviendront responsables des transports non urbains routiers à compter du 1er janvier 2016. L'organisation et le fonctionnement des transports scolaires leur seront transférés à partir du 1er septembre 2016. Enfin, désignée chef de file en matière de tourisme, la région élaborera un schéma régional de développement touristique.

Evolution de la carte des régions

Le Premier ministre souhaite une réduction par deux du nombre des régions. Le projet de loi n'affiche pas cet objectif, mais fixe aux régions de métropole (sauf la Corse) une taille minimum de deux millions d'habitants. Les régions devront faire des propositions de modification de la carte au gouvernement avant le 30 juin 2015 (soit trois mois après les élections régionales). Les fusions seront possibles si les assemblées régionales concernées le décident ensemble. Celles-ci pourront consulter les électeurs par référendum, sans en avoir l'obligation. Dans ce cas, "le résultat de la consultation sur le projet de regroupement sera apprécié dans chaque région concernée, à la majorité des suffrages exprimés". Si les régions ne prennent pas d'initiative, ou si le gouvernement ne donne pas suite à leurs propositions, ce dernier imposera sa carte, avant le 31 mars 2016. Cette carte prévoira de regrouper des régions entre elles et/ou de leur rattacher de nouveaux départements. La nouvelle carte des régions dans son ensemble sera déterminée par une loi qui sera adoptée avant le 1er janvier 2017.

Pouvoir normatif régional

Pour l'exercice de ses compétences, le conseil régional disposera d'un pouvoir réglementaire dont la loi "définira l'étendue pour chaque compétence". En outre, par délibérations concordantes, deux conseils régionaux au moins pourront présenter au préfet de région et au Premier ministre des propositions "pour modifier ou adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des régions".

Simplification de la planification

Les régions élaboreront essentiellement deux schémas. L'un traitera du développement économique, de l'innovation et de l'internationalisation. Pour le territoire d'une métropole, le schéma régional de développement économique devra être élaboré et approuvé conjointement par la région et la métropole. Reste à savoir si le schéma de développement du tourisme sera partie intégrante ou distinct du schéma de développement économique.
L'autre grand schéma portera sur l'aménagement et le développement durable des territoires et comportera des sous-parties dédiées à l'énergie, au climat, à l'air, aux mobilités, aux déchets... Le schéma aura un caractère prescriptif. Cela signifie qu'il s'imposera aux documents d'urbanisme élaborés par les communes ou leurs groupements (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme). En vue de l'élaboration de ce document, le conseil régional mènera une concertation "importante" avec "l'Etat, les principales collectivités concernées, leurs groupements ainsi que les chambres consulaires".

Avenir du département

L'exposé des motifs affirme qu'"un débat" aura lieu "sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l'horizon 2021". D'ici là, le projet de loi allège les compétences des départements au profit des régions et des métropoles. Mais il reconnaît la responsabilité des départements en matière d'action sociale et les rend responsable des "solidarités territoriales". Ils seront chargés avec l'Etat d'élaborer le schéma d'amélioration de l'accessibilité des services (après avis des collectivités). Leur mission d'assistance technique au bénéfice des communes et EPCI sera reconnue et renforcée juridiquement.

Clause générale de compétence

La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 supprimait à l'horizon de 2015 la clause générale de compétence des départements et des régions. La loi de modernisation de l'action publique territoriale du 27 janvier 2014 l'a rétablie. Le gouvernement fait aujourd'hui volte-face : la possibilité pour les départements et les régions d'intervenir en dehors de leurs compétences principales doit de nouveau disparaître. Mais, la règle va connaître des exceptions. D'abord, la région pourra intervenir en matière de logement et d'habitat, ainsi que dans les domaines de la politique de la ville et de la rénovation urbaine. Ensuite, le département pourrait, à la faveur de son nouveau rôle de garant des solidarités territoriales (qui intervient notamment dès lors qu'il est constaté une carence de l'initiative privée pour satisfaire les besoins de la population), retrouver dans une certaine mesure les facultés que lui ouvre aujourd'hui la clause générale de compétence. Enfin, on notera que la culture, le sport et le tourisme resteront des compétences partagées. Toutes les catégories de collectivités pourront agir dans ces domaines. Seule limite, dans le tourisme, où le schéma régional devra être respecté. Un guichet unique pour la réception des demandes et la délivrance des aides pourra être instauré dans ces domaines.

Cofinancements

Ceux-ci seront davantage encadrés du fait de la suppression de la clause générale de compétence des régions et départements. En outre, le texte est clair : la région n'aura plus "la possibilité de contribuer au financement d'opérations d'intérêt régional des autres collectivités et groupements en dehors de ses compétences". En revanche, au titre de sa responsabilité en matière de solidarité territoriale, le département pourra continuer à financer des projets des communes et de leurs groupements.

Renforcement et rationalisation de l'intercommunalité

Les intercommunalités devront s'agrandir afin de correspondre aux bassins de vie. Les EPCI à fiscalité propre devront regrouper au moins 10.000 habitants (au lieu de 5.000 aujourd'hui). Il sera procédé à une réduction du nombre des syndicats intercommunaux d'ici au 1er janvier 2018. Pour cela, les pouvoirs des préfets sont renforcés.
Les communautés de communes et d'agglomération exerceront à partir du 1er janvier 2017 davantage de compétences obligatoires et optionnelles. Les métropoles exerceront sur leur territoire plusieurs compétences aujourd'hui exercées par les départements. Pour cela, la métropole signera une convention avec le département avant le 1er janvier 2017. Le document définira quelles sont les compétences concernées et s'il s'agit d'une délégation, ou d'un transfert. A défaut de convention, des compétences seront automatiquement transférées à la métropole.

Le projet de loi contient encore des dispositions sur la transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales, ainsi que sur la lutte contre "la fracture numérique". Un titre entier est par ailleurs consacré à des mesures concernant les agents territoriaux et de l'Etat.
Le Sénat devrait examiner le projet de loi en première lecture en juin ou en juillet prochains.