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Le Parlement européen adopte définitivement la PAC

Le Parlement a définitivement adopté, mardi 23 novembre, la réforme de la PAC pour la période 2023-2027. Une réforme qui s'aligne sur les objectifs du Pacte vert européen, sans que ces derniers soient contraignants. Tout dépendra donc des plans stratégiques nationaux (PSN) que les États doivent remettre avant la fin de l'année.

Trois ans et demi. Rarement les négociations sur la politique agricole commune (PAC) n’auront été aussi longues. Le Parlement européen a définitivement adopté, mardi 23 novembre, à une large majorité, les trois règlements de cette réforme pour la période 2023-2027, issus de l’accord interinstitutionnel (Parlement, Conseil et Commission) trouvé en juin dernier. Premier budget européen avec 387 milliards d’euros d’ici à 2027 (dont 270 en paiements directs), la nouvelle PAC fait un pas de plus vers le "verdissement" en instaurant des "écorégimes", de nouvelles primes venant récompenser les efforts des agriculteurs en matière environnementale, pour une enveloppe totale de 50 milliards d’euros. À partir de 2025, 25% des aides directes seront conditionnées à ces pratiques respectueuses de l’environnement.

Les raisons de ces prolongations, qui feront donc démarrer la programmation avec un an de décalage, en 2023 ? L’irruption de la crise du Covid, qui a mis au grand jour la nécessité d’une plus grande régulation, et celle du "Pacte vert" européen, en 2020 (alors que la proposition de PAC avait été élaborée deux ans auparavant par la Commission). Ce pacte s’est traduit par deux stratégies Biodiversité et De la ferme à la fourchette, fixant toute une série d’objectifs (notamment 50% de pesticides en moins d'ici 2030) que les États membres sont invités à suivre dans leur plans stratégiques nationaux (PSN). L’exercice est en cours, chaque État doit remettre sa copie à Bruxelles, en théorie avant la fin de l’année. Seulement, ces objectifs resteront non contraignants. La diffusion d’une étude interne à la Commission cet été, montrant que les objectifs de la stratégie De la ferme à la fourchette risquait d’engendrer une baisse de 5 à 15% de la production européenne, a soulevé une levée de boucliers (voir notre article du 15 octobre 2021). Regrettant cette absence de contraintes (qu'il attribue au lobbying de l'agro-industrie), le député français Éric Andrieu (groupe S&D), l’un des trois rapporteurs du Parlement, insiste néanmoins sur la nécessité à présent de donner de la lisibilité aux agriculteurs. En l’état, le PSN français actuellement soumis à consultation publique, ne "répond pas du tout aux objectifs" de la directive sur l’usage des pesticides attendue en 2022, a-t-il mis en garde, lors d’une conférence de presse, à l’issue du vote. Ce qui signifie, selon lui, que le gouvernement français devra revoir son plan en 2023 pour se mettre en accord avec la directive… Ce qu'il pourrait être amené à faire chaque année, en fonction des nouvelles législations. Le règlement sur les plans stratégiques "est ce qu’il est, mais il faut de la lisibilité pour 2027", souligne-t-il.

"Bio low cost"

À la référence à l’agriculture biologique, le plan français préfère la certification "haute valeur environnementale", un "bio low cost", tance également le député. Consultée pour avis, l’Autorité environnementale a elle aussi critiqué le manque d’ambition du PSN français. "Le choix de la continuité pour les équilibres financiers entre les deux piliers, l’absence de territorialisation et la référence au dispositif HVE dont le cahier des charges n’est pas encore finalisé témoignent d’une absence de prise en compte au juste niveau des enjeux environnementaux", cingle-t-elle, dans son avis du 22 octobre. Elle recommande au gouvernement de "rehausser le niveau d’ambition du PSN afin de placer la France sur la trajectoire qu’elle s’est fixée tant en matière de changement climatique que de qualité des eaux et de reconquête de la biodiversité".
De fait, de nombreux députés à gauche, notamment chez les Verts, ont dénoncé le manque d’ambition de cette PAC qualifiée de "greenwashing". "Repousser cette copie de la PAC aujourd’hui, c’est prendre au sérieux les alertes des scientifiques qui nous appellent à agir dans l’urgence, avec détermination et sans délai. (…) C’est se donner la chance d’en écrire une nouvelle, à la hauteur des défis du moment", a ainsi tenté de convaincre le député écologiste Benoît Biteau, avant le vote.

"L'antithèse du projet de décroissance du secteur agricole"

Mais pour la députée PPE Anne Sander, cet accord permettra au contraire "de maintenir l’équilibre entre le développement économique nécessaire des filières agricoles et des territoires ruraux, le soutien essentiel aux revenus de nos agriculteurs et la transition indispensable de l’agriculture européenne vers plus de durabilité". "Tout n’est pas parfait, néanmoins cette nouvelle PAC (…) est l’antithèse du projet de décroissance du secteur agricole porté par certains groupes politiques", a argué la députée dans l'hémicycle.