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Commande publique - Pas de contrôle, pas de DSP

Dans un arrêt du 9 décembre 2016, le Conseil d'Etat a tranché une question relative à la qualification juridique d'un contrat. Il a rappelé que le critère de la rémunération n'était pas suffisant pour caractériser une délégation de service public (DSP).
En l'espèce, la requérante avait conclu avec la commune de Fontvieille une convention pour l'exploitation de deux sites touristiques, le "Moulin de Daudet" et le "Château de Montauban". Suite au non-paiement de plusieurs "redevances", la commune avait émis plusieurs titres exécutoires à son encontre. La requérante avait alors saisi le tribunal administratif de Marseille en vue de leur annulation. Ce dernier n'ayant pas fait droit à sa demande, elle a interjeté appel devant la cour administrative d'appel (CAA) de Marseille. Cette dernière a annulé les titres exécutoires en litige et la commune a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

Erreur de qualification juridique

La haute juridiction administrative a annulé l'arrêt de la CAA en raison d'une erreur de qualification juridique. La requérante soutenait que les titres exécutoires étaient illégaux puisque la convention, qu'elle qualifiait de DSP, n'en justifiait ni le montant, ni le calcul. La CAA a suivi son raisonnement, confirmant que la convention était bien une délégation de service public culturel. Le Conseil d'Etat a toutefois censuré cette position.
En effet, la commune de Fontvieille n'exerçait pas de contrôle suffisant sur le fonctionnement de l'activité de ces sites. Le montant des droits d'entrée, les prix de ventes des produits vendus sur le site et les horaires d'ouvertures des sites avaient notamment été librement fixés par la requérante. Lorsque tel est le cas, "il [...] paraît très difficile d'identifier une quelconque mission de service public", avait estimé Nathalie Escaut, rapporteur public de l'affaire "Stade Jean Bouin" (CE, 3 décembre 2010, n°338272 et 338527). Le seul fait que la convention concerne une activité sur des lieux à dimension historique et littéraire n'est pas suffisant, en dehors de tout contrôle de la commune et bien que le paiement d'une redevance soit prévu, pour considérer que la requérante "participe directement [...] à l'exécution du service public culturel".

L'impossible révocation d'une DSP par le délégataire

En outre, le Conseil d'Etat a relevé deux autres éléments, confirmant l'analyse selon laquelle la convention ne pouvait être une DSP. Tout d'abord, la preneuse avait la faculté de révoquer le contrat à tout moment, sous préavis de trois mois. Lors de l'audience, le rapporteur public, Gilles Pellissier, a rappelé la jurisprudence "Grenke Location" selon laquelle un contrat administratif ne peut prévoir la possibilité pour le cocontractant de l'Administration de résilier unilatéralement le contrat lorsque celui-ci a "pour objet l'exécution même du service public" (CE, 8 octobre 2014, n°370644). Si un marché public peut ne pas forcement conduire à l'exécution même d'un service public et donc contenir une telle clause, ce n'est pas le cas d'une DSP qui, intrinsèquement, a un tel objet. Ce type de clause de résiliation unilatérale est donc complétement impossible dans une DSP. Enfin, la mention du terme "preneuse" pour caractériser la requérante dans le contrat renforce l'analyse selon laquelle le contrat ne saurait être une DSP.
L'arrêt d'appel a donc été annulé, faute d'avoir qualifié la convention en cause de DSP, et l'affaire renvoyée à la CAA de Marseille.

L'Apasp

Référence : CE, 9 décembre 2016, n°396352

 

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