Mutations économiques - PAT : un appel d'air pour les territoires en difficulté
Deux ans après avoir été réformée, la prime d'aménagement du territoire (PAT) connaît de nouveaux assouplissements. Le but : apporter une réponse plus efficace aux mutations économiques en cours avec la crise mondiale. Le gouvernement vient en effet de décider d'élargir les deux nouveaux critères d'éligibilité de la réforme de 2007 : les extensions et les reprises d'activité. Un décret du 26 mars 2009 abaisse ainsi de 25 millions d'euros à 10 millions d'euros les planchers d'investissements des projets d'extension d'activité ("PAT défensive"). Dans le même temps, s'agissant des projets de reprise d'activité ("PAT reprise"), le décret abaisse de 150 à 80 le nombre d'emplois maintenus et de 15 millions à 5 millions les projets d'investissements correspondants. "C'est un véritable outil anti-crise, cela va nous permettre d'avoir une réponse mieux dimensionnée aux besoins des territoires, en particulier dans des départements comme les Ardennes, les Vosges ou la Creuse qui sont durement touchés", se félicite Laurent Fiscus, directeur à la Diact auprès de laquelle se font les demandes.
A la suite du Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire (Ciact) du 27 février 2007, la PAT avait été réformée par un décret du 11 mai 2007 pour tenir compte des effets de la mondialisation et aider les entreprises à lutter contre la concurrence venue notamment des pays de l'Est. Jusqu'ici, la PAT était limitée aux projets de création d'activité sous la forme d'une prime de 15.000 euros par emploi créé. Désormais, il est donc possible de soutenir les projets d'extension et de reprise. Mais la grande nouveauté tient à l'absence de condition d'emploi pour les projets d'extension. "On peut aujourd'hui retenir des projets sans création nette d'emplois mais qui misent plutôt sur de nouvelles capacité de production et empêchent ainsi les risques de délocalisation. L'idée est qu'en investissant dans l'outil de production, on consolide les emplois existants", explique Laurent Fiscus. Mais le gouvernement a d'abord voulu agir avec prudence en se limitant aux gros projets d'investissements de 25 millions d'euros minimum. "Il fallait avant tout vérifier qu'on n'était pas dans un phénomène d'aspiration des crédits", ajoute Laurent Fiscus. Le dispositif a par exemple servi pour maintenir l'activité de l'usine Renault de Sandouville (Seine-Maritime) spécialisée dans les modèles haut de gamme de la marque au losange. Pourtant, un an après, la crise étant passée par là, la situation reste extrêmement précaire pour les 3.400 salariés du site. Pour savoir si la réforme de la PAT constitue une véritable arme anti-délocalisation ou si elle n'a servi que de retardateur, il faudra attendre une ou deux semaines avant qu'Hubert Falco, le secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire, n'en livre un véritable bilan.
Carte AFR : le zonage transitoire non prolongé
S'agissant des reprises d'activité, l'abaissement des critères répond aussi à la nouvelle donne de la crise. "Le phénomène des reprises va s'accélérer, pas forcément devant le tribunal dans le cadre de liquidations mais parce que de plus en plus de grosses PME ou multinationales peuvent décider de céder un site, voire carrément une branche d'activité avec plusieurs sites", explique encore Laurent Fiscus. Selon la Diact, tous ces aménagements sont tout à fait "bruxello-compatibles", alors que la Commission se montre très regardante sur les critères de conditionnalité. En témoigne l'affaire récente du pacte automobile présenté par Paris qui avait été invité à revoir sa copie.
La PAT industrie et service est aujourd'hui l'une des principales aides à finalité régionale (AFR) dont le zonage vient lui aussi d'être modifié pour répondre à des situations particulières, tout d'abord à Châteaudun et Nogent-le-Rotrou, dans le département de l'Eure-et-Loir, et Amiens-Nord dans la Somme, puis dans les sites de restructuration Défense. Dans ce dernier cas, la Commission vient de donner son feu vert et un décret en Conseil d'Etat devrait intervenir d'ici l'été. En revanche, mauvaise nouvelle pour les territoires, la Commission s'oppose toujours à deux demandes françaises : l'une sur la "réserve nationale", l'autre sur la prolongation des "zones transitoires".
La carte AFR avait été l'objet de vives négociations en 2007 entre Paris et la Commission pour qui les aides devaient à présent être réservées aux nouveaux entrants de l'Union européenne. Finalement, la population française éligible en 2007-2013 est moitié moindre que lors de la précédente programmation mais, dans le même temps, la France a obtenu d'être le seul Etat membre à mettre en place une "réserve nationale" de 250.000 emplois à utiliser en cas de "coup dur". Cependant, avec les dernières extensions, la réserve est à présent quasiment épuisée. Quelques milliers d'emplois seraient encore disponibles. C'est pourquoi la France a demandé que chaque pays puisse créer une nouvelle réserve pour faire face à la crise. De plus, pour amortir le choc des territoires amenés à sortir du zonage au terme de la réforme, une période transitoire de deux ans avait été prévue. Cette période vient de s'achever au 31 décembre 2008 et Paris espérait pouvoir obtenir une prolongation de deux ans supplémentaire. L'Association des régions de France se voulait même plus exigeante puisqu'elle demandait une suppression pure et simple du zonage pendant deux ans. Finalement les régions et le gouvernement ont fait cause commune en adressant leurs demande à la Commission qui reste intraitable. Les tractations vont bon train.
Michel Tendil
Référence : décret 2009-333 du 26 mars 2009 modifiant le décret 2007-809 du 11 mai 2007 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services (JO du 28 mars 2009).