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Patrick Konieczny : "À Villetaneuse, un vrai lien s'est créé entre l'université et la ville"

L'Association des villes universitaires de France (Avuf) organisait le 7 février à Villetaneuse, sur le territoire de l'établissement public territorial Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), une rencontre intitulée "Un campus dans la ville !". Patrick Konieczny, vice-président de Plaine Commune chargé de l'enseignement supérieur, l'innovation et la recherche, faisait partie des grands témoins de cette rencontre. Pour Localtis, il revient sur les échanges qui ont animé la journée.

Localtis : Dans sa présentation de la rencontre "Un campus dans la ville !", l'Avuf estime que les implantations universitaires des années 60 et 70 en périphérie des métropoles ont longtemps été des enclaves et que la porosité entre le campus et la ville a souvent été modeste, tandis que l'université était plutôt perçue comme une source de perturbations et de surcoûts sans contrepartie. Partagez-vous cet avis ?

Patrick Konieczny : Ce point de vue est tout à fait normal si l'on prend le cas de Villetaneuse, une commune d'un peu plus de 13.000 habitants qui compte un campus fréquenté par un peu plus de 15.000 personnes. Fatalement, le campus a un impact important. D'autant plus que dans les années 1970, la ville avait été coupée en deux, avec un tiers du territoire revenant à l'université.

Cette situation a-t-elle évolué ?

Je suis élu depuis dix-neuf ans, j'ai connu plusieurs présidents d'université et j'ai vu un changement s'opérer. Là où, avant, deux blocs s'opposaient, de vrais liens se sont créés et des réalisations concrètes ont abouti. L'approche est complètement différente, quand par le passé la situation était vécue par la ville comme une intrusion. Nous avons vraiment travaillé main dans la main avec le dernier président de l'université, qui s'intéressait beaucoup à ce qu'il se passait sur le territoire. Des représentants de la ville d'Évry présents à la rencontre ont fait état des mêmes problématiques au niveau de la perception des habitants vis-à-vis de l'université.

Quelles ont été les clés du changement ?

Dans notre cas, il y a eu une volonté de la part de Plaine Commune. Dans le cadre de sa compétence en développement économique, l'établissement public territorial a pris la compétence optionnelle en enseignement supérieur pour valoriser tout ce qui se passait sur l'ensemble des neuf villes qui composent le territoire au sein de laboratoires de recherche universitaires. En tant qu'acteur public, on est allé vers les universités pour créer des liens et faire des choses ensemble.

Comment cette collaboration s'est-elle concrétisée ?

Nous avons mis sur pied une manifestation qui s'appelle Savante Banlieue sur le campus de Paris XIII [à Villetaneuse et Bobigny, ndlr]. On y envoie près de 7.000 collégiens et lycéens durant deux jours pour leur montrer ce qu'est une université, quels sont les laboratoires, ce qu'il s'y passe et quel peut être leur avenir sur le territoire. Nous avons également organisé des déjeuners autour des technologies pour permettre à des chefs d'entreprise et à des responsables de laboratoires de se rencontrer et d'envisager de travailler ensemble. Il y a eu quelques belles réussites. Avec d'autres partenaires, nous avons créé un incubateur pour faciliter l'émergence d'entreprises innovantes sur les campus.

Sur votre territoire, la relation entre l'université et les collectivités territoriales s'est étendue, au-delà de Plaine Commune, à un lien direct entre l'université et la commune de Villetaneuse…

Oui, la méthode retenue est un rendez-vous mensuel entre les responsables de l'université et ceux de la ville. Une vice-présidence chargée du lien avec le territoire a même été créée au sein de l'université. Fatalement, les gens se sont parlé et cela a amené des réalisations concrètes : création d'un diplôme d'écrivain public, réflexion sur l'implantation d'un lycée au sein du campus de Paris XIII, création d'une maison de santé pluridisciplinaire et universitaire, en lien avec l'ARS [agence régionale de santé, ndlr], qui sera partagée par les habitants et les universitaires. Un vrai lien s'est créé entre l'université et la ville.

D'autres ingrédients sont-ils nécessaires pour réussir à créer du lien entre un campus et sa ville ?

Une chose importante qui va changer la vie de l'université à Villetaneuse est l'arrivée du tramway T8 et la construction de la gare du Tangentiel Nord T11. Avant, il n'y avait rien, c'était au bout du monde et les gens venaient pour les trois quarts en voiture. Cela ouvre des opportunités pour l'université. Nous avons également créé une passerelle entre le bloc universitaire et le reste de la ville. Cela fait un passage de plus.

Dans cet ordre d'idées, la création de logements étudiants sur le campus est-il à même de renforcer les liens avec le territoire ?

Nous avons engagé un vrai travail pour avoir le plus de résidences universitaires possible, alors que nous sommes déjà l'un des territoires les plus fournis à ce niveau-là en région parisienne. Lors de la précédente présidence, des logements avaient été créés sur le site même de l'université. Mais la situation d'une université en banlieue parisienne est différente de celle d'une ville de province où les gens résident sur place car ils sont originaires de territoires plus lointains. Chez nous, les neuf dixièmes des étudiants viennent de la région parisienne.

Peut-on encore parler de villes universitaires à deux vitesses, avec les grandes métropoles, d'un côté, et les autres villes, moyennes ou de banlieue, d'un autre côté ?

Je pense que cela va s'amenuiser avec le temps. Il y a un aspect historique. Pour nous, ce n'est pas très vieux, cela date des années 1970. On n'est pas la Sorbonne, vieille de plusieurs centaines d'années. 

Pour que les différences disparaissent, quelles difficultés doit-on encore lever ?

La continuité du lien est primordiale. Il faut à tout prix qu'il y ait des interlocuteurs de chaque côté. Les élus passent, les présidents d'université passent, les lois organiques changent. Il faut donc un lien au-delà de toutes ces temporalités, à la manière du rendez-vous institué entre la ville de Villetaneuse et son université. Au niveau de Plaine Commune, on travaille ensemble. Dans le cadre de notre compétence optionnelle, on a fait le choix de faire le lien avec les universités. L'accès aux transports dans les universités, le logement étudiant, tout cela fait désormais partie de notre travail.