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Pause – temporaire ? – de l'envolée de la contribution française au budget de l'UE

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, les députés ont adopté le prélèvement sur recettes de l'État au titre de la participation au budget de l'Union européenne. Une contribution stable après plusieurs années de forte hausse, qui pourrait toutefois reprendre sa course folle en cas d'absence de nouvelles ressources propres à l'UE.

26,4 milliards d'euros. Tel devrait être le montant, en 2022, du prélèvement sur recettes de l'État au profit de l'Union européenne (PSR-UE), discuté à l'Assemblée le 18 octobre dernier. "L’équivalent de près de 10% des recettes fiscales nettes de l’État dans le budget 2022" relève Christophe Jerretie (MoDem) – "10,5% des recettes fiscales françaises", selon Lamia El Aaraje (Soc.). Ou encore, souligne Marie-Christine Dalloz (LR), suppléant le président de la commission des finances, "près de 7% des dépenses nettes du budget de l’État français, soit un montant supérieur au budget de la mission Sécurités, et seules quelques missions budgétaires très importantes le dépassent : Solidarité, insertion et égalité des chances, Recherche et enseignement supérieur, Défense et Enseignement scolaire". Qui fait de la France, pointe-t-elle encore, l'un des "tout premiers contributeurs nets […]. Alors qu’elle abonde les ressources communautaires à hauteur de 18%, les dépenses de l’Union européenne bénéficiant à la France sont de l’ordre de 11%".

Stabilité par rapport à 2021… grâce au Royaume-Uni ?

"Sensiblement le même montant qu’en 2021" (v. notre article), souligne pour sa part Laurent Saint-Martin (LaREM), rapporteur général du budget. Un montant qui "demeure à un niveau historiquement élevé", pointe Lamia El Aaraje. Et un montant qui est encore susceptible d'évoluer, notamment compte tenu du décalage des calendriers budgétaires. En revanche, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a tenu à dissiper les inquiétudes de la députée Constance Le Grip (LR) portant sur l’acquittement, par le Royaume-Uni, des obligations financières qu’il a contractées (47,5 milliards d’euros tel qu’estimé par la Commission européenne, montant "contesté par Londres") : "Les paiements britanniques ont connu quelques retards, mais […] ils sont en train d’être rattrapés. Si la contribution française […] baisse légèrement cette année […], c’est notamment parce que les paiements britanniques sont pour le moment honorés et même accrus par rapport à l’année dernière", explique Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes. Le Brexit constitue toutefois l'un des principaux facteurs de la hausse de la facture française de l'an passé – à hauteur de 2,1 milliards d'euros.

Brisure ou simple "décalage technique" ?

"Nous brisons là une spirale haussière", se félicite Xavier Paluszkiewicz (LaREM), rapporteur spécial de la commission des finances, rappelant que ce PSR-UE s'était "apprécié de 10 milliards d'euros sur les cinq dernières années" ("en particulier [du fait] de l'augmentation des rabais consentis à certains pays à l'occasion du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027", grince, parmi d'autres, Marie-Christine Dalloz). Mais une ligne, même brisée, n'en reste pas moins une ligne. "Si cette contribution française n’évolue pas de façon plus significative et si elle n’est pas proportionnée aux avancées monumentales qui ont eu lieu dans les derniers dix-huit mois, c’est en raison d’un décalage technique. Ces avancées ont bien des incidences pour nos finances publiques, des incidences majeures même. [Elles] ont un coût" et "nous condamnent à redoubler d’ambitions pour les années qui suivent", avertit Alexandre Holroyd (LaREM). Ces avancées ? "Une politique budgétaire commune, ou du moins une coordination" et "une véritable solidarité économique européenne". Ou, dit autrement par M’jid El Guerrab (Agir), rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, le fait que le Conseil européen de juillet 2020 "a levé trois verrous budgétaires : la limitation du budget européen à 1% du produit intérieur brut européen, l’équilibre entre les dépenses et les recettes et le gel de toute nouvelle ressource propre".

À la recherche des ressources propres

"En l’absence de nouvelles ressources propres, le PSR-UE que nous votons chaque année serait évidemment amené à augmenter […]. Cette hausse, qui représenterait environ 2,5 milliards d’euros sur trente ans, ne serait pas une mince affaire sur le plan budgétaire", avoue Laurent Saint-Martin, pour qui "la question du remboursement du plan européen devient majeure". Pour la France, et au-delà. Ces nouvelles ressources propres "conditionnent assurément l’avenir de l’Union", affirme ainsi Xavier Paluszkiewicz. Las, "la feuille de route concernant les ressources propres a pris du retard", déplore Sabine Thillaye (MoDem), présidente de la commission des affaires européennes.

Le prélèvement d’une nouvelle contribution au titre des déchets d’emballages en plastique non recyclés a bien été mis en œuvre le 1er janvier dernier, mais il est appelé à s'éteindre. L’instauration d’une taxe sur les services numériques devrait, elle, céder le pas devant l’instauration, au niveau de l’OCDE, d’une imposition mondiale minimale des multinationales. Reste l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières –"priorité de la présidence française de l’Union européenne" (qui débute en janvier prochain, pour 6 mois), affirme Clément Beaune – et d’un système d’échange de quotas d’émission carbone aux frontières. "Il ne faudrait pas toutefois que la création de ces taxes conduise à alourdir la pression fiscale pesant sur les consommateurs européens", prévient Marie-Christine Dalloz.

Supprimer les rabais

Pour le secrétaire d'État, "la nécessité de trouver des ressources supplémentaires pour alimenter le budget européen, afin de retirer une partie de la pression qui pèse sur les contributions nationales" présente au moins un avantage : celui d'espérer en finir avec les rabais, qui constituent selon lui "une anomalie et même une aberration". "La question des ressources propres est en réalité la meilleure façon de rouvrir le débat sur les rabais et de les supprimer – cela reste notre objectif", assure-t-il. Une pierre, deux coups, en somme. Gageons que la France n'aura pas trop de six mois pour faire avancer ce dossier. "La prochaine présidence [française du Conseil de l'UE] aura lieu en 2035", rappelle Xavier Paluszkiewicz…