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Aménagement numérique - Permission de voirie pour réseaux télécoms : AMF et FNCCR proposent une nouvelle procédure

Le renouvellement des premières autorisations de voirie de France Télécom-Orange arrive à échéance le 18 mars prochain. L'Association des maires de France - saisie par de nombreuses communes - et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) - pour ses propres adhérents - sont parvenues à un accord partiel avec France Télécom-Orange sur les modalités d'une meilleure sécurisation juridique de la procédure. Au-delà, une clarification de la propriété des infrastructures au niveau local devient nécessaire pour une meilleure transparence dans l'établissement de la redevance perçue par les gestionnaires. La méconnaissance du patrimoine local en génie civil génère un contentieux plus abondant dont les effets en cascade pourraient aussi affecter les réseaux FTTH (Fiber To The Home) et leur déploiement.
Les opérateurs de télécommunications, et particulièrement France Télécom-Orange, sont titulaires d'un droit de passage pour leurs infrastructures et réseaux existants. Il est préalablement délivré par l'autorité gestionnaire du domaine public local, sous la forme d'une permission de voirie. En contrepartie de cette "autorisation", le gestionnaire perçoit une redevance d'occupation sur une base tarifaire fixée par voie délibérative (1) et dont le produit repose sur la fiabilité des informations fournies par l'opérateur. L'AMF et la FNCCR viennent de faire parvenir à leurs adhérents respectifs un projet d'arrêté ainsi que l'exposé des motifs relatant les principales décisions de l'accord passé avec France Télécom-Orange.

Permission de voirie unique délivrée par arrêté pour simplifier

En réponse aux demandes de renouvellement de l'opérateur historique, il a été décidé que la collectivité ou l'établissement public concerné délivrerait un arrêté et non plus un simple courrier. En outre, une permission de voirie unique pourra viser l'ensemble des ouvrages dont les permissions arrivent à échéance.
Mais pour rédiger un arrêté unique, la collectivité doit disposer d'une information exhaustive sur le linéaire du réseau. Initialement, en octobre 2012, France Télécom- Orange s'était contenté de reprendre le numéro de dossier et le nom de la voie des permissions antérieures. Dans le nouvel accord, l'opérateur s'engage à adresser sous forme de tableau le descriptif quantitatif global des ouvrages existants sur la commune pour lesquels le renouvellement des permissions est demandé. Ce linéaire renseigné doit permettre d'établir le montant total de la redevance, sur la base des tarifs préalablement fixés par le conseil municipal ou le conseil communautaire (2).
Toutefois, les collectivités souhaitant disposer d'une information plus complète sur la nature des ouvrages sont fondées, au regard de la réglementation en vigueur, à demander au permissionnaire de fournir le tracé de ses réseaux sous une forme numérique (arrêté du 26 mars 2007 relatif aux demandes de permissions de voirie mentionnées à l'article R.20-47 du Code des postes et des communications électroniques). L'AMF met toutefois les demandeurs en garde : "Aucun engagement de France Télécom-Orange n'a pu être obtenu sur ce point après trois mois de négociations et des difficultés de communication de ces plans pourraient apparaître." Il appartiendra donc à chaque gestionnaire de décider s'il souhaite obtenir ces plans en faisant figurer cette obligation dans l'arrêté.
De son côté, la FNCCR fournit quelques recommandations à ses membres : d'abord de s'assurer que les accords pris "a minima" sont bien respectés et ensuite de vérifier, "dans la mesure du possible", que ces descriptifs ne comportent pas "d'inexactitude flagrante". Ce travail peut se révéler lourd, minutieux et fastidieux.

Risque de contentieux sur la propriété des infrastructures

Si l'accord avec France Télécom-Orange consolide juridiquement la procédure, sur le fond la question épineuse de la propriété du génie civil déployé sur le territoire communal subsiste. Lors de l'arrêt du monopole d'Etat détenu par France Télécom-Orange, la loi de 1996 a transféré à l'opérateur historique les infrastructures qui relevaient du domaine public national. Tandis que les infrastructures du domaine public local restaient la propriété des communes ou de leurs établissements publics. Seule difficulté, ce patrimoine local est souvent mal connu, ou a fait l'objet de transferts conventionnels et à titre gratuit à l'opérateur pourtant devenu société anonyme. Or, comme le rappelait l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes  (Arcep) dans une étude publiée en 2006, ces transferts ont été réalisés à un moment où France Télécom-Orange "ne pouvait plus se prévaloir d'un domaine public, ni de textes réglementaires établissant un régime spécifique pour la propriété des réseaux de télécommunications". L'imbroglio juridique qui en résulte aujourd'hui, notamment dans les ZAC et les lotissements, serait source de conflits portés devant les tribunaux. La ville de Caen réclame par exemple à France Télécom-Orange un arriéré de plus de 4 millions d'euros au titre de la redevance d'occupation des infrastructures déployées. France Télécom-Orange qui contestait la qualité de propriétaire de la ville pour des infrastructures réalisées avant le 1er janvier 1997, a perdu cette cause devant le tribunal administratif de Caen mais a fait appel de cette décision. Cette incertitude sur la propriété a bien des conséquences sur le calcul de la redevance. Pour vérifier les descriptifs présentés par France Télécom-Orange, il convient d'analyser l'ensemble des conventions passées par la ville, de vérifier la situation des ZAC et des lotissements, voire même d'effectuer des sondages dans le sous-sol... Des enquêtes poussées, menées sur les réseaux souterrains dans certaines communes de l'Ain, réalisé par le syndicat intercommunal d'énergie et de e-communication de l'Ain en charge du déploiement du FTTH sur le département, ont confirmé qu'il pouvait y avoir un écart très important entre les linéaires déclarés et les linéaires constatés. La différence tient souvent à la prise en compte du nombre de fourreaux présents. Dans ce cas, le kilométrage déclaré est dix fois inférieur au kilométrage constaté, sans qu'il soit possible de déterminer qui est propriétaire de quoi.
Mais au-delà du manque de redevance perçue, le contentieux de propriété peut avoir des conséquences plus graves. A Vannes, il ne porte pas sur la redevance mais bien sur le passage des câbles dans des fourreaux déclarés par le tribunal propriété de la ville et non de l'opérateur. France Télécom-Orange a donc été enjoint de libérer les infrastructures indûment utilisées (chambres de tirage et fourreaux) situées sous le parc d'innovation de Bretagne Sud. Dans d'autres régions, l'opérateur a obtenu le même type d'injonction mais cette fois en sa faveur... Une réalité qui pourrait fortement affaiblir les objectifs de mutualisation des infrastructures. En cas d'incertitude sur le droit de propriété, le souci de sécurité pourra conduire un maître d'ouvrage à rechercher des solutions de contournement plus coûteuses (nouvelle tranchée et fourreaux). Ce qui sera source de dépenses et de retards supplémentaires. Une solution juridique devra sans doute s'imposer, à terme, mais elle risque de se révéler complexe à définir.

Philippe Parmantier / EVS

(1) Initialement la notion d'artère était une tranchée de génie civil qui pouvait contenir un ou plusieurs fourreaux. Aujourd'hui, la réglementation définit l'artère comme un fourreau vide ou occupé. Et la déclaration du linéaire doit être fonction du nombre de fourreaux enterrés : un segment de 1 km de réseau comprenant trois fourreaux représentera 3 km de linéaire à déclarer. Sachant que les modalités de calcul de la redevance pourront alors différencier les tarifs entre fourreaux "occupés" et fourreaux de réserve "vides".
(2) Montants plafonds réactualisés pour le domaine routier : 40 euros par km et par fourreau pour les installations souterraines, 53,33 euros pour les installations aériennes et 26,66 euros par m2 pour les autres installations (cabines téléphoniques). Plafonds pour le domaine public non routier : 1339,19 euros par km et par fourreau pour les installations souterraines et aériennes et 866,57 euros par m2 au sol pour les autres installations.

Propriété des infrastructures locales : une clarification nécessaire
Entre l'incertitude sur la propriété des fourreaux réalisés avant la fin du monopole exercé par France Télécom-Orange et  les transferts de propriété effectués par certaines collectivités au bénéfice de France Télécom-Orange notamment dans les ZAC et les lotissement communaux, les incertitudes sur la propriété des ouvrages souterrains pourrait constituer un obstacle au déploiement du FTTH. Aussi dans le cadre de la consultation sur la feuille de route du plan national Très Haut débit qui vient de s'achever, la FNCCR demande "une clarification nationale" de la propriété des infrastructures : "Avant de construire un nouveau réseau en fibre optique sur l'ensemble du territoire, il est nécessaire de savoir quelles infrastructures passives seront utilisées (fourreaux, chambres de tirage, appuis aériens…), qui en seront les propriétaires et quels seront les tarifs appliqués." La question vaut pour les 30 à 40 prochaines années, ce qui du point de vue financier et des contentieux potentiels est loin d'être négligeable. Une quarantaine de parlementaires de l'opposition (UMP, UDI) viennent d'ailleurs de déposer une proposition de loi demandant "le transfert de l'ensemble des ouvrages réalisés sur le domaine public, au patrimoine des collectivités gestionnaires". Selon eux, cette disposition est nécessaire afin "d'accélérer le déploiement du très haut débit et particulièrement dans les zones rurales". Les probabilités d'adoption du texte sont faibles, mais elles n'en effacent pas pour autant le problème. Les politiques devront faire des choix. La tranquillité des maîtres d'ouvrage de l'aménagement numérique comme de l'opérateur historique sur lequel pèsent des menaces de dépose forcée pourrait largement en dépendre dans les années à venir. Philippe Parmantier / EVS

 

 

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