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Philippe Chalopin : une commune nouvelle… connectée et participative

La commune nouvelle de Baugé-en-Anjou, située dans le Maine-et-Loire, mise sur le numérique et la démocratie participative pour sa gestion locale et son développement. Une option que la crise a confortée. A l'approche du congrès des maires et des présidents d'intercommunalité, son maire, Philippe Chalopin, explique comment les choses sont montées en puissance.

Localtis - La crise liée au Covid-19 vous a-t-elle conduit à faire évoluer vos méthodes de travail ou de communication ? 

Philippe Chalopin - C'est certain, nous avons dû sortir de nos habitudes et être beaucoup plus imaginatifs. Les réunions n'étant plus possibles, nous avons développé les moyens modernes de communication. Nous avons par exemple généralisé l'usage de la visioconférence pour les réunions de la municipalité. Les conseillers municipaux qui le souhaitaient pouvaient ainsi participer à distance. Les séances du conseil municipal demeuraient organisées en présentiel, mais elles étaient aussi retransmises en direct sur les réseaux sociaux et notre chaîne Youtube. Quelques jours avant, j'exposais, dans une brève vidéo, les sujets qui allaient être évoqués lors de la réunion. Je donnais également un aperçu des grands projets et des travaux. De plus, j'organisais chaque mois un "Facebook Live" : pendant environ 45 minutes, je répondais aux messages qui m'étaient parvenus via le site de la ville, et aux questions qui étaient posées en direct. Lorsque les choses sont allées mieux sur le plan sanitaire, nous avons décidé de conserver ces innovations. Car c'est un vrai succès : par exemple, le dernier "Facebook Live" a enregistré une centaine de participants. De plus, nous arrivons à toucher davantage la population comprise entre 25 et 45 ans, qui fréquente moins les réunions publiques ou les séances du conseil municipal. Durant la crise sanitaire, j'ai également multiplié les "cafés citoyens" à l'extérieur, ou les réunions de rue dans chacune des quinze communes déléguées qui composent la commune nouvelle. Les Baugeois pouvaient ainsi me rencontrer sans devoir prendre rendez-vous. Nous avons aussi maintenu cela. Il y a trois ans, la commune a obtenu le label "Lucie 26.000", qui est une norme de responsabilité sociétale des organisations. Dans ce cadre, nous avons intégré beaucoup de démarches participatives et citoyennes.

C'est ainsi que des citoyens ont été tirés au sort sur les listes électorales…

Ces citoyens tirés au sort sont au nombre d'une soixantaine. Ils travailleront sur la charte participative que nous souhaitons mettre en place pour les citoyens engagés dans les conseils consultatifs. Ils participeront également à la conception et la réalisation de l'un des projets de la municipalité, au cours de ce mandat : la personne sera membre du comité de pilotage et formulera un avis, en s'appuyant notamment sur toute la documentation technique qui lui sera communiquée. A terme, l'idée est d'aboutir à une assemblée citoyenne associée aux projets de la commune.

Votre commune va réhabiliter le tribunal de première instance, aujourd'hui fermé, afin d'en faire une "Maison du citoyen connecté". De quoi va-t-il s'agir ?

La restauration de ce bâtiment communal, construit dans les années 1860, fait partie des projets retenus en 2020 par la "mission Bern" en faveur du patrimoine local. Il a vocation à accueillir les séances du conseil municipal et du conseil communautaire, ainsi que les réunions de municipalité qui pourront se dérouler en visioconférence. Mais les ateliers que nous avons organisés avec les citoyens et les élus sur le projet ont permis de faire naître une ambition plus large : celle de créer un lieu dédié aux nouvelles technologies. Les Baugeois pourront pratiquer le télétravail dans des espaces de coworking, les étudiants pourront suivre leurs cours à distance. Par ailleurs, nous souhaitons rejoindre le dispositif national "Micro-Folies" : l'idée est donc aussi de trouver un espace culturel permettant d'accéder à des musées, via le numérique. Enfin, les citoyens tirés au sort seront dotés d'outils numériques pour travailler sur les projets municipaux.

Le mouvement de création de communes nouvelles a été particulièrement fort dans le Maine-et-Loire. La communauté de communes rurale Baugeois Vallée, que vous présidez, ne compte donc que sept communes, contre trente-sept auparavant. Les relations entre les communes et leur intercommunalité sont-elles plus simples ?

La communauté de communes ne compte aujourd'hui que sept communes, pour 35.000 habitants. La plus petite commune compte 2.700 habitants. Cette organisation offre beaucoup de souplesse et nous rend réactifs. Par ailleurs, la répartition des compétences est équilibrée : la communauté de communes porte l'aménagement du territoire, le développement économique, la promotion du tourisme, ainsi que la gestion de l'eau, de l'assainissement et des déchets. L'intercommunalité n'est donc pas un substitut aux communes, mais plutôt un relais de leurs projets. C'est un cadre qui permet de faire vivre les communes, puisqu'elles conservent leurs compétences de proximité. Dans d'autres endroits, les communes décident au contraire de transférer de plus en plus de compétences à une communauté de communes, qui peut devenir hégémonique et s'éloigner du territoire. Il faut aussi souligner que notre intercommunalité est une des rares à reverser l'intégralité du reversement (soit 1,2 million d'euros) au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) aux communes, afin de leur permettre de porter les projets. Au total, notre organisation nous rend très efficaces. Par exemple, notre communauté de communes a été, au mois de juin dernier, l'une des premières du Maine-et-Loire, et peut-être même de France, à signer un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) avec l'Etat. Nous avons pu y arriver parce que nous avons défini un projet de territoire non seulement à l'échelle de la communauté de communes, mais aussi à celle de chacune des communes. En faisant un "mix", nous avons réussi à annoncer des projets sur lesquels les élus des sept communes sont d'accord.