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Election présidentielle - Philippe Richert étaye son idée de "conseil Etat-régions"

Institutionnaliser un "conseil Etat-régions" susceptible de donner son avis sur tout projet intéressant les régions : c'est l'une des huit propositions que l'association Régions de France va transmettre aux candidats à l'élection présidentielle. Au titre des compétences, les régions n'attendent plus de "grand soir" mais demandent à avancer par expérimentation. Le président de l'association, Philippe Richert, est notamment favorable à la régionalisation des routes nationales et à l'instauration de taxes de transit régionales sur les poids lourds...

"Nous ne sommes pas dans la démarche de demander un Etat fédéral. On n'en est pas là", a déclaré le président de Régions de France, Philippe Richert, le 8 février. C’est pourtant un bréviaire très régionaliste que l’association a présenté à la presse ce jour-là ; un document en huit propositions qui sera adressé à chaque candidat à l’élection présidentielle. Car l’organisation territoriale du pays pourrait être un des enjeux de cette étrange campagne : avec d’un côté la poursuite d’un modèle fédéraliste qui ne s’assume pas tout à fait, ou, de l'autre côté, le retour à un Etat central comme le propose le camp souverainiste. Déjà bien servies durant le quinquennat (renforcement de leurs compétences en matière économique ou de transport, création des treize grandes régions, passage d’ici à 2018 des dotations de l’Etat à une fiscalité dynamique…), les régions restent sur leur faim : "Le mouvement de décentralisation initialement annoncé n’a pas été mené à son terme", entonnent-elles dans ce document d’une vingtaine de pages. "La clarification des compétences entre les niveaux de collectivités, et plus encore avec celle de l’Etat, demeure inachevée."

Franchir un cap institutionnel

Comme l’avait déjà laissé entendre Philippe Richert le jour de son élection à la tête de l’ARF (qui ne s’appelait pas encore Régions de France) en janvier 2016, puis plus récemment lors de ses voeux à la presse, les régions voudraient franchir un cap institutionnel avec la création d’un "conseil Etat-régions". Cette nouvelle instance serait une sorte de formalisation de la "plateforme" Etat-régions constituée l’an dernier. "Nous ne demandons pas de remplacer le Sénat pour faire comme le Bundesrat. Le Sénat joue ce rôle (de représentant des collectivités, ndlr)", a pris soin de préciser Philippe Richert. Un Sénat qui, jaloux de ses prérogatives, s’était en effet opposé en 2013 à la création d’un "Haut Conseil des territoires", l’instance de dialogue entre l’Etat et les collectivités qui figurait dans le projet initial de la loi Maptam (modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles). Pour le président du Grand Est, le modèle allemand a quand même du bon. Outre-Rhin, "le gouvernement et le Bundestag n’ont pas le droit de délibérer (sur une mesure concernant les Länder) si le Bundesrat n’a pas donné son aval", a-t-il développé, illustrant son propos par les échanges "durs" qu’il a eus ces derniers mois avec le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, qui refusait de le rencontrer en tant que représentant des régions, malgré les engagements pris par le Premier ministre dans le cadre de la plateforme… Selon le document, ce conseil réunirait périodiquement les présidents de région et les ministres concernés par l’ordre du jour. Il serait chargé de "proposer au Parlement les conditions de répartition des compétences et des produits d’imposition entre l’Etat et les régions" et serait saisi pour avis sur tout projet législatif ou réglementaire ayant un impact sur les régions. Le conseil émettrait de la même manière un avis sur toute proposition d’acte législatif de l’Union européenne ayant un impact sur elles. Il s’agirait là de concrétiser le nouveau cycle de rencontres annuelles que les présidents de région ont entamées avec le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à l’automne dernier. Et d’acter la prise en charge par les régions de la quasi-totalité des fonds régionaux européens.
Pour Michel Neugnot, premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, ce besoin de "lieu de dialogue" avec l’Etat a été rendu impérieux par la suppression du lien que constituaient les dotations de l’Etat.

Taxe de transit pour les poids lourds

Pour le reste, les régions ne veulent pas d’un "grand soir" ou d’un nouveau "big bang territorial". "Il faut stabiliser, construire le chemin, a déclaré Philippe Richert. Là où les choses doivent se faire c’est par l’expérimentation, notamment avec l’Etat." Il faut "réfléchir au transfert des routes nationales aux régions", a-t-il dit, sur la base d’une expérimentation de trois ou quatre régions. Il a relancé l’idée d’une "taxe de transit" des poids lourds, pour remplacer l’écotaxe qui s’est soldée par un fiasco. De nombreux poids lourds transitent aujourd’hui par la région Grand Est pour s’exonérer des taxes appliquées outre-Rhin, a-t-il argué. L’instauration d’une taxe de transit pourrait engendrer de 200 à 300 millions d’euros de recettes supplémentaires par an, en provenance essentiellement d’entreprises étrangères, a avancé Philippe Richert.
Les régions souhaitent aussi expérimenter la concurrence pour les TER et le Transilien, la gouvernance régionale des gares, la coordination de l’ensemble du service public de l’emploi (sur la base d'une convention avec Pôle emploi), les crédits sports et jeunesse des directions régionales de l’Etat… Les régions revendiquent aussi l’animation des pôles de compétitivité, la gestion de la totalité des fonds européens et réclament d’être associées aux décisions de Bpifrance. Autre chantier auquel trois régions (Grand Est, Occitanie, Centre-Val de Loire) vont pouvoir très vite s’atteler : la revitalisation des centres anciens en déclin qui va faire l’objet d’un plan national annoncé pour les prochains jours. Interrogé par Localtis, Philippe Richert ne se montre pas défavorable à l’instauration d’un moratoire de cinq ans sur les surfaces commerciales comme le propose Yves Dauge dans son rapport remis au Premier ministre la semaine dernière sur le sujet. "L’implantation de grandes surfaces s’inscrit dans le temps long, donc une période de cinq ans pour faire face à un problème majeur peut être nécessaire", explique-t-il. La région Grand Est a déjà prévu d’"augmenter de 10% ses crédits à la politique patrimonial et culturelle", insiste-t-il.
Les Régions de France, qui appellent à "améliorer l'efficacité de l'action publique et faire baisser la dépense publique", préconisent enfin un assouplissement du statut de la fonction publique en rendant plus aisé le recrutement de contractuels, en créant un "contrat de mission" d’une durée inférieure à trois ou quatre ans, en multipliant aussi les passerelles entre secteur public et privé… On trouvera aussi une proposition qui risque de faire des remous : l’introduction du "spoil system" dans le recrutement des cadres supérieures de la fonction publique. En clair : l'attribution des postes de la haute administration à des personnes proches de la ligne politique de l'équipe en place. Si la mention figure en toutes lettres dans le document, Philippe Richert préfère prendre ses distances et rappelle à Localtis que deux de ses directeurs issus de l'ancienne majorité ont été maintenus dans leur fonction après les élections.
Les présidents de région se montrent enfin favorables à une réforme du statut des élus, assortie d'une revalorisation de leurs indemnités. Pour François-Xavier Priollaud, vice-président de la région Normandie, cette revalorisation se justifierait par la fin du cumul des mandats, qui a mis fin au cumul des indemnités...

 

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