Plan de lutte contre les déserts médicaux : créer des "dynamiques locales" avec les élus et les professionnels

A l'occasion de la visite, ce vendredi 13 octobre, d'une maison de santé à Châlus (Haute-Saône), Edouard Philippe et Agnès Buzyn ont présenté le plan de lutte contre les déserts médicaux. Baptisé "Renforcer l'accès territorial aux soins", il se fixe pour objectifs, selon les propos du Premier ministre, "de faciliter l'initiative territoriale qui touche au quotidien des Français et de libérer enfin les énergies pour permettre l'accès de tous à des soins de qualité". La première surprise réside précisément dans cet intitulé, dans la mesure où la réussite du plan réside largement sur la capacité d'initiative et d'action des acteurs locaux, dont les collectivités, même si des dispositifs nationaux de soutien sont prévus. Ceux-ci mêlent, comme toujours, des mesures réellement nouvelles et l'agrégation de mesures existantes.

Assurer "une présence médicale et soignante accrue"

Sur le fond, le plan prévoit quatre priorités. La première - qui va un peu de soi pour lutter contre les déserts médicaux - consiste à renforcer l'offre de soins dans les territoires au service des patients, grâce à "une présence médicale et soignante accrue". Les mesures prévues à ce titre existent déjà pour la plupart, même si elles ont vocation à être renforcées. Il s'agit notamment des aides à l'installation et à l'exercice des médecins dans les zones en tension (prévues par la nouvelle convention médicale entrée en vigueur cette année et qui peuvent aller jusqu'à 50.000 euros sur trois ans). Il est prévu de procéder à un nouveau zonage des territoires en tension pour les généralistes et d'étendre le principe de ce zonage à d'autres professions : ophtalmologues, gynécologues, dermatologues, pédiatres...
Le plafond du cumul emploi retraite sera augmenté de 11.500 à 40.000 euros dans les zones en tension afin d'inciter les médecins en fin de carrière à poursuivre leur activité. De même, le gouvernement entend développer les "consultations avancées", dans le cadre des accords conventionnels. Il est aussi prévu de faciliter les remplacements et l'exercice mixte salarié/libéral, de créer des postes d'"assistants partagés" entre la ville et l'hôpital et de généraliser le contrat de médecin adjoint, permettant aux internes d'exercer dans les zones à fort afflux touristique ou en cas d'épidémie. Enfin - et classiquement, sans beaucoup d'effet jusqu'alors - le plan prévoit de favoriser la pratique des stages en ambulatoire pour les professionnels de santé en formation et de développer les coopérations entre professionnels de santé. Plus orignal : des mesures permettront aux professionnels de santé militaires d'exercer dans les "structures coordonnées" ou les établissements de santé civils.

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Le deuxième axe était déjà connu puisqu'il figure, pour partie, à l'article 36 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Il s'agit en l'occurrence de lancer des négociations conventionnelles pour fixer enfin, dès 2018, une tarification de la téléconsultation et de la télé-expertise. Il est également prévu d'équiper, d'ici à 2020, tous les Ehpad et toutes les zones sous-denses d'un matériel permettant la téléconsultation, afin d'éviter les hospitalisations inutiles.
Parmi les autres mesures de ce deuxième axe figurent aussi le serpent de mer du dossier médical personnel (DMP) - qui serait généralisé en 2018 -, le développement des services numériques ou la généralisation des possibilités de prise de rendez-vous en ligne (ce qui libère du temps pour les professions de santé).

Meilleure organisation et nouvelle méthode

Le troisième axe du plan prévoit de favoriser une meilleure organisation des professions de santé pour assurer "une présence soignante pérenne et continue". En pratique, cela se traduira - sans surprise - par la création d'un guichet unique d'information et d'orientation des professionnels de santé (qui existe déjà en grande partie) et par la poursuite du soutien au développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des centres de santé et de tous les modes d'exercice coordonné.
Le plan prévoit aussi une simplification, bienvenue, des différents dispositifs de prise en charge des parcours de soins coordonnés.
Enfin, le dernier axe entend promouvoir "une nouvelle méthode : faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover". Son contenu, qui reste encore à expliciter, prévoit notamment de "co-construire un projet d'animation et d'aménagement des territoires par les professionnels de santé, les usagers, les institutions et les élus des territoires". Il reste à savoir comment ce nouveau projet se combinera avec les dispositifs déjà mis en œuvre par les ARS, comme les projets régionaux de santé. De même, il est prévu de créer un cadre commun permettant aux professionnels de santé d'expérimenter de nouvelles organisations.

Trois délégués pour une approche non coercitive

Pour la mise en œuvre du plan, le gouvernement désigne trois "délégués à l'accès aux soins" : un médecin généraliste, ainsi que Thomas Mesnier, député de Charente, et Elisabeth Doineau, sénatrice de Mayenne, pour "porter ce plan auprès de l'ensemble des acteurs concernés", "faire remonter les expériences réussies" et "identifier les difficultés et les freins rencontrés sur le terrain".
Au final, l'ensemble du plan apparaît d'essence plutôt libérale, alors que ni Emmanuel Macron ni Agnès Buzyn ne s'étaient jusqu'à présent prononcés sur le débat récurrent incitatif/coercitif. On retiendra en particulier que le plan de remet aucunement en cause la liberté d'installation des professionnels de santé et qu'il ne prévoit aucune nouvelle mesure pour freiner l'installation dans les zones surdotées, comme il en existe déjà dans les conventions avec l'assurance maladie.

 

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