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Plan Initiative copropriétés : la Cour des comptes appelle à "mieux répondre à l'urgence"

La Cour des comptes vient de rendre public un rapport sur les copropriétés dégradées et les politiques mises en œuvre pour les réhabiliter. Le rapport se penche tout particulièrement sur le plan "Initiative copropriétés", lancé à l'automne 2018 qui a bénéficié de moyens doublés en 2021 grâce à l'apport de crédits de France Relance. Pour la Cour, les premiers résultats du plan apparaissent mitigés, seuls 14% des crédits de l'enveloppe initiale, qui était de 2,74 milliards d'euros sur dix ans, ayant été engagés. Le rapport reconnaît toutefois que le faible taux d'engagement des crédits s'explique par la complexité et la lourdeur des opérations en cause.

La Cour des comptes rend public un rapport consacré aux copropriétés dégradées et aux politiques mises en œuvre pour les réhabiliter. Portant sur les exercices 2019-2021, le rapport se penche tout particulièrement sur le plan "Initiative copropriétés", lancé à l'automne 2018 et doté d'une enveloppe de 2,74 milliards d'euros sur dix ans (voir notre article du 10 octobre 2018). Les moyens affectés à Initiative copropriétés ont été doublés en 2021 grâce à l'apport des crédits du plan France Relance (voir notre article du 25 octobre 2021). Si la Cour des comptes reconnaît les efforts consentis, elle pointe cependant un faible taux d'engagement des crédits et des résultats qui "demeurent difficiles à identifier".

Copropriétés dégradées : une notion plus floue qu'il y paraît

Les copropriétés regroupent 11 millions de logements, répartis sur plus de 564.000 ensembles immobiliers privés. Bien que ne représentant qu'un petit nombre d'entre elles, les copropriétés dégradées sont pourtant difficiles à chiffrer, car leur définition demeure assez floue. Le rapport indique ainsi que, sur plus de 75.000 logements en copropriété suivis par l'Anah (Agence nationale de l'habitat), le traitement de l'habitat indigne stricto sensu – qui fait l'objet d'une définition et de dispositifs bien encadrés – ne représenterait que 19% des cas, soit un peu plus de 14.500 logements. Pour le reste, la notion de copropriété dégradée "relève d'un faisceau d'indices plus diffus". La loi définit toutefois comme "en difficulté" les copropriétés dans lesquelles le taux d'impayé des charges communes dépasse le seuil de 15% pour les ensembles de plus de 200 lots et de 25% en deçà de ce seuil. Mais la Cour estime ce critère insuffisant, dans la mesure où d'autres indices peuvent également refléter de graves difficultés : paupérisation et forte rotation des copropriétaires, non soutenabilité des charges, dégradation des abords, déqualification de l'environnement urbain... La loi Alur du 24 mars 2014 (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) a certes créé une obligation d'immatriculation au registre national des copropriétés. Mais, si "le niveau d'enregistrement dans ce fichier s'améliore régulièrement", il ne permet pas encore une vision fiable de la réalité et la qualité des données enregistrées demeure très inégale.

Seulement 14% des crédits déjà engagés, mais des opérations lourdes à monter

Les difficultés des copropriétés dégradées n'en sont pas moins une réalité. Face à cette situation, le plan Initiative copropriétés (PIC), financé à 80/20 par l'Anah et l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), a constitué un apport indéniable, même s'il s'agit d'"une simple réorientation de crédits existants". Il a également permis d'agréger d'autres acteurs qui se sont investis dans la réhabilitation des copropriétés dégradées, comme CDC Habitat, certains bailleurs sociaux, la Banque des Territoires et le réseau Procivis.

Aux yeux de la Cour des comptes, les premiers résultats du plan Initiative copropriétés apparaissent cependant mitigés. D'un côté, les acteurs concernés s'accordent pour considérer le plan comme un "accélérateur de l'action publique". Mais, de l'autre, "seuls 14% des crédits de l'enveloppe initiale ont été engagés depuis 2018 et les premiers résultats demeurent difficiles à identifier". L'Anah indique ainsi "accompagner" plus de 75.000 logements sur les 80.000 visés, mais "aucun bilan consolidé de ses interventions sur les communs ou de son aide au redressement n'existe, alors que la moitié des 684 copropriétés en difficulté intégrées au PIC sont aujourd'hui inscrites dans un dispositif d'accompagnement". En outre, si on a tendance à se focaliser sur de très grandes copropriétés en difficulté comme celle de Grigny 2 (Essonne) avec ses 104 immeubles et 5.000 logements (voir notre article du 16 avril 2021), 32% des copropriétés traitées par l'Anah comptent en réalité moins de dix logements. Le rapport reconnaît toutefois que le faible taux d'engagement des crédits s'explique par la complexité et la lourdeur des opérations en cause. La durée moyenne de préparation d'une opération est évaluée à 24 mois et, dans le cas de copropriétés comme celle de Grigny 2, Clichy-sous-Bois ou Bondy, l'horizon d'achèvement des opérations se situe à dix ou vingt ans.

"L'impulsion donnée entraîne une mobilisation des opérateurs"

Conséquence : aucun bilan du plan Initiative copropriétés n'est envisageable à court terme. Néanmoins, "il apparaît dès à présent que l'impulsion donnée entraîne une mobilisation des opérateurs", même si "des incertitudes demeurent quant à la capacité des bailleurs sociaux à s'impliquer dans le redressement ou dans la transformation de copropriétés" (les bailleurs sociaux pouvant notamment intervenir comme porteurs de lots en vue du redressement ou de la transformation des copropriétés). Enfin, la Cour des comptes estime qu'"au-delà des dispositifs d'aide publique, le traitement des copropriétés en difficulté ou dégradées pourrait être rendu plus efficient par une implication massive des professionnels de la gestion immobilière privée et par une attention plus soutenue de la part des collectivités territoriales".

Le rapport formule également cinq recommandations – plutôt ponctuelles –, comme le développement d'un outil de suivi de la situation sociale des copropriétés ou l'actualisation de la convention entre l'Anah et l'Anru, en vue d'"intégrer le cadre d'intervention respectif de chaque agence dans les copropriétés". Dans leurs – brèves – réponses respectives aux observations du rapport, l'Anah et l'Anru se disent en accord avec le contenu du document et partagent les éléments d'analyse et de diagnostic, ainsi que les recommandations. L'Anah confirme au passage que "l'Anah et l'Anru ont préparé une nouvelle convention de partenariat, afin de mieux structurer les interventions de chacune des agences en territoires NPNRU" (Nouveau programme national de renouvellement urbain). Cette nouvelle convention a été présentée au conseil d'administration de l'Anah le 16 mars 2022.

 

 

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