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Habitat - Copropriétés dégradées : le gouvernement lance une stratégie nationale d'intervention à 2,74 milliards d'euros

Julien Denormandie a présenté le 10 octobre, à la préfecture de Marseille, la "stratégie nationale d'intervention sur les copropriétés" sous la forme d’un plan de 2,74 milliards d’euros sur 10 ans intitulé "Initiative Copropriétés",  visant la résorbtion de 684 propriétés en difficulté. Le secrétaire d’Etat à la Cohésion des Territoires a installé le comité de pilotage dans la foulée.

Alors que l'USH tient son 79e congrès à Marseille, Julien Denormandie a présenté le 10 octobre - également à Marseille, mais à la préfecture, sachant que le sujet concerne essentiellement le parc privé - une "stratégie nationale d'intervention sur les copropriétés".
Pour le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, cette stratégie a vocation à accompagner les mesures prévues dans la loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique) en matière d'accélération des procédures : simplification et amélioration de la procédure des Orcod (opérations de requalification de copropriétés dégradées) d'intérêt national, priorisation du relogement des ménages dans les opérations d'Orcod de droit commun et création d'outils opérationnels et de financement pour accompagner les collectivités. Cette stratégie baptisée "Initiative copropriétés" s'inscrit aussi dans le prolongement de la communication de Jacques Mézard, au conseil des ministres du 18 juillet, sur la mise en œuvre des engagements du chef de l'État en faveur des quartiers (voir notre article ci-dessous du 18 juillet 2018).

Les collectivités, "maîtres du jeu d'Initiative copropriétés"

Il s'agit en l'occurrence de "consolider le volet opérationnel" et de "changer de paradigme" sur le traitement des copropriétés dégradées. L'enjeu est de taille. La stratégie nationale entend ainsi couvrir 684 copropriétés identifiées comme en difficulté (soit près de 56.000 logements). Parmi elles : 14 "sites de priorité nationale" (*) regroupant 128 copropriétés dégradées et 23.330 logements.
Présentée comme un "plan d'action opérationnel, territorialisé et concerté avec les collectivités territoriales", Initiative copropriétés fait une large place aux acteurs locaux. En effet, "l'intervention publique sur les copropriétés dégradées est un enjeu majeur pour les élus locaux confrontés à la question du mal-logement, au risque de péril et d'insécurité de leurs administrés". Pour associer les collectivités, la stratégie entend déployer "un nouveau mode de faire, à la carte", autrement dit la négociation, avec les décideurs locaux, de plans d'actions adaptés à chaque contexte.
Les collectivités et leurs opérateurs ont ainsi vocation à être les "maîtres du jeu d'Initiative copropriétés". La démarche regroupe pour cela quatre composantes principales : une stratégie opérationnelle adaptée à la diversité des situations, une approche territorialisée et partagée avec toutes les collectivités, un copilotage de projet entre l'État et les collectivités pour traiter les ensembles immobiliers dégradés (questions sociales, sanitaires et d'ordre public) et des moyens financiers renforcés et adaptés.

"Recycler" les copropriétés dégradées

En pratique, indique le dossier de presse du ministère, Initiative copropriétés comprend trois axes d'action, "renforcés grâce à un partenariat inédit avec la CDC-Banque des Territoires et Action logement pour réaliser entièrement des opérations de recyclage et de redressement : portage (acquisition) de logements, gestion de la copropriété, financement des travaux...".
"La transformation de copropriétés s’inscrit dans un temps très long, et entre totalement dans les missions de la Caisse des Dépôts. Nous allons nous y impliquer, tout naturellement, en complicité avec Action Logement", avait déclaré Eric Lombard au congrès HLM (voir notre article de ce jour), quelques heures avant la réunion du comité de pilotage en préfecture.
Le premier axe consiste à "recycler" les copropriétés dégradées, autrement dit à démolir tout ou partie des immeubles concernés et à reconstruire une offre nouvelle de logement. A cette fin, Initiative copropriétés propose de nouvelles solutions de financement des déficits de ces opérations de reconstruction, avec trois composantes principales. D'une part, la prise en charge du déficit d'opération, jusqu'à 80%, par l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) dans le cadre des projets d'aménagement des quartiers NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain). D'autre part, la prise en charge du déficit d'opération, également jusqu'à 80%, par l'Anah (Agence nationale de l'habitat) pour les copropriétés ayant fait l'objet d'une décision de carence par le tribunal de grande instance. Enfin, le financement par l'Anah des travaux de mise en sécurité des habitants, jusqu'à 100% de leur montant HT sous certaines conditions.

Redresser les copropriétés en difficulté

Second axe : "redresser" les copropriétés en difficulté, pour lesquelles une solution est encore possible, en procédant à une acquisition provisoire des logements lorsque le propriétaire est défaillant et en réalisant des travaux de rénovation, tout en assainissant la gestion et le fonctionnement. Sur ce second axe, Initiative copropriétés prévoit principalement de diminuer le reste à charge des propriétaires concernés en améliorant les dispositifs de financement des travaux par l'Anah, grâce à un système de majoration complétant les financements apportés par les collectivités.
D'autres dispositions sont également prévues à ce titre, comme le renforcement des mesures d'accompagnement des professionnels de l'immobilier, la mobilisation des bailleurs sociaux dans les copropriétés mixtes (afin d'assurer leur stabilité), la mobilisation des acteurs institutionnels compétents - agences régionales de santé, services sociaux, tribunaux de grande instance - pour lutter contre l'habitat indigne et la sur-occupation des logements, ou encore la sécurisation des plans de financement des travaux grâce en particulier à la mobilisation des prêts Procivis

Prévenir l'émergence des difficultés

Enfin, le troisième axe de la stratégie consiste à prévenir l'émergence de copropriétés dégradées. Initiative copropriétés prévoit, pour cela, de s'appuyer sur des dispositifs existants en mobilisant les outils d'observation proposés par l'Anah aux collectivités et aux syndicats de copropriétaires : le registre national des copropriétés, le dispositif de veille et d'observation des copropriétés (VOC), le programme opérationnel de prévention et d'accompagnement en copropriétés (Popac), l'opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) dédiée aux copropriétés et le programme d'aide aux travaux de rénovation énergétique "Habiter mieux copropriété". Les travaux de mise en sécurité des habitants peuvent aussi bénéficier d'un financement de l'Anah, jusqu'à 100% de leur montant HT sous certaines conditions.

Quels financements pour Initiative copropriétés ?

La mise en œuvre d'Initiative copropriétés devrait mobiliser 2,74 milliards d'euros sur dix ans, à partir de janvier 2019. Cette enveloppe doit accompagner "un engagement fort des collectivités locales et la mobilisation des acteurs locaux (EPF, EPA, SEM, SPL et bailleurs sociaux)".
L'Anah sera le principal contributeur à hauteur de 2 milliards d'euros (portage provisoire, financement de l'ingénierie de projet des collectivités, renforcement du co-financement des travaux, financement des actions prévues pour les copropriétés en difficulté...). Pour sa part, l'Anru apportera une enveloppe de 500 millions d'euros, destinée à compléter le financement de la transformation des copropriétés situées dans les projets d'aménagement des sites du NPNRU. Enfin, Procivis apportera 240 millions d'euros sous la forme de prêts destinés aux copropriétaires très modestes pour la réalisation des travaux de réhabilitation.
Au-delà de cette enveloppe, deux autres acteurs fourniront "un engagement au cas par cas pour les collectivités locales". Il s'agit en l'occurrence du Groupe Action logement (amélioration des propositions de prêts pour le financement des travaux, développement d'une offre de service à destination des collectivités et des copropriétés pour la gestion locative et technique des logements, financement complémentaire du déficit des opérations de recyclage...) et de la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts : financement de l'ingénierie des collectivités, mobilisation des prêts sur livret pour des opérations de portage, financement du foncier et de l'immobilier dans les copropriétés "en extrême difficulté", création d'une société dédiée au portage des lots de copropriété, ou encore mobilisation de CDC Habitat pour assurer la mission de gestion locative et technique.

(*) Clichy-sous-Bois, Epinay-sur-Seine, EPT Terre d'Envol (Aulnay-sous-Bois, Sevran, Villepinte), Evry, Grenoble-Echirolles-Saint-Martin-d'Hères, Grigny, Mantes-la-Jolie, Marseille, Montpellier, Mulhouse, Nîmes, Saint-Etienne-du-Rouvray, Toulouse, Vaulx-en-Velin.

 

 

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