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Plan Séisme Antilles, saison 3

La 3e phase du "plan Séisme Antilles", qui vise principalement à adapter le bâti au risque sismique, est sur la rampe de lancement. Le gouvernement vise "au moins 1 milliard d'euros d'opérations" sur la période 2021-2027. Les travaux de mise en sécurité du bâti public se poursuivent. Celui des ménages et des petites entreprises bénéficieront désormais d'une prise en charge par le fonds Barnier à hauteur de 80%. Reste, notamment, à s'assurer que les travaux effectués soient conformes.

Le comité de pilotage du "plan Séisme Antilles" – qui associe l'État, la collectivité territoriale de Martinique, les conseils régional et départemental de Guadeloupe, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les associations des maires de Martinique et de Guadeloupe ainsi que des partenaires (bailleurs sociaux, Agence française de développement, Caisse des Dépôts) – a adopté fin avril la 3e phase de ce plan, dit "PSA3", qui s'étend sur la période 2021-2027. "Sur le principe", précise le gouvernement, les instances délibérantes des collectivités devant encore se prononcer formellement (le sujet fait ainsi partie des points supplémentaires à l'ordre du jour, proposés selon la procédure d'urgence, de l'assemblée plénière de Martinique des 5 et 6 mai).

Lancé en 2007, le plan Séisme Antilles vise principalement à adapter, sur trente ans, le bâti public de ces îles au risque sismique, auquel elles sont particulièrement exposées, comme l'a rappelé si besoin l'ouragan Irma en 2017. Il concerne singulièrement les établissements publics d'enseignement (écoles, collèges, lycées), de la santé (hôpitaux), de gestion de crise (préfectures, gendarmeries, Sdis) ainsi que les logements sociaux.

Sa gouvernance, revue une première fois en 2016, l'avait à nouveau été en 2019, en associant plus étroitement les collectivités. Couplé avec la nomination d'un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, l'objectif affiché était de redynamiser le plan, confronté notamment à une "sous-utilisation des crédits disponibles", comme l'exposait le ministère de la transition écologique en mars 2020 à l'Assemblée.

Objectif : au moins 1 milliard d'euros d'opérations sur 2021-2027

Avec cette 3e phase, l'objectif affiché reste de "dynamiser la mise en œuvre" du plan. "Grâce au concours de l’État et des collectivités, il est estimé que le PSA3 "permettra de réaliser au moins 1 milliard d'euros d'opérations supplémentaires sur le bâti public", les financements étant déjà identifiés pour "600 millions d'euros d'opérations". Au ministère, on insiste d'ailleurs sur la "programmation extrêmement opérationnelle de ce PSA3", évoquant une "liste précise des opérations à réaliser, avec les maquettes financières correspondantes", et ce au moins pour les premières années du plan. Pour affiner la programmation au fur et à mesure, une clause de revoyure a été introduite, afin de pouvoir mettre à jour le document tous les deux ans.

Les fonds proviendront du fonds Barnier, du Feder et du plan de relance. Lors de la présentation en septembre 2020 de France Relance outre-mer, il avait ainsi été indiqué que 50 millions d'euros seraient attribués au PSA. Le gouvernement précise que ces crédits "ont déjà été attribués à des opérations sur des travaux de confortements parasismiques et paracycloniques de bâtiments publics et établissements hospitaliers". Seraient concernés 32 bâtiments dont les travaux sont déjà en cours, ce qui permettra d'offrir "un résultat visible dès 2021", année préélectorale, se félicite-t-on au ministère. L'objectif affiché est de couvrir d'ici la fin 2027 80% des logements sociaux et 60% des bâtiments scolaires.

Le bâti privé bénéficiera du fonds Barnier

Le bâti privé – dont le coût de "mise en sécurité" est estimé entre 5 et 6 milliards d'euros – bénéficiera également de crédits, via le fonds Barnier. Ménages et entreprises de moins de 20 salariés pourront bénéficier d'une prise en charge du coût de leurs travaux de réduction de la vulnérabilité au risque sismique (de 45.000 euros maximum) à hauteur de 80%, soit 36.000 euros.

Assistance technique et financière aux collectivités

Le plan vise au-delà à contribuer au développement de la culture du risque. Ministère de la Transition écologique et des Outre-mer indiquent que huit millions d'euros sont prévus pour renforcer l'éducation de la population, participer à la formation continue des professionnels du bâtiment* ou encore accompagner les maîtres d'ouvrage public, en leur fournissant des "référentiels de coûts" ou en prévoyant un "réseau d'assistance de premier niveau" afin de leur apporter ingénierie technique et financière. Rappelons qu'un rapport sénatorial de 2018 déplorait que le fonds Barnier soit difficilement mobilisable pour les collectivités dont la démarche est entravée par une insuffisance d'ingénierie.

60% des travaux contrôlés non conformes

Enfin, compte tenu d'un taux de non-conformité des travaux réalisés constaté sur le terrain dramatiquement élevé – 60% des contrôles effectués –, l'État indique qu'il "orientera la majorité des contrôles des règles de construction réalisés sur les règles sismiques". Relevons que lors de la présentation de la 2e phase du plan en juillet 2016, le ministère soulignait déjà que le contrôle régalien du respect des règles de construction (CRC) était "essentiel pour améliorer l'application de la réglementation dans les constructions neuves".

Un rétroviseur déformant ?

Le gouvernement indique qu'avec "plus de 1 milliard d'euros d'opérations réalisées dans la globalité du programme [soit depuis 2007], dont 450 millions d'euros de fonds Barnier, le PSA a d'ores et déjà permis de consolider de nombreux bâtiments publics".

Le périmètre visé n'est toutefois pas aisé à cerner, puisque le bilan de la première phase du plan (2007-2013), publié par le ministère de l'Écologie, indiquait à l'époque que "l’évaluation des réalisations à fin 2013 montre que, sur la globalité du programme, les objectifs initiaux mesurés en dépenses de travaux effectués ont été largement atteints : plus de 2,4 milliards d'euros auront été investis lors de la première phase du plan (dont 1,4 milliard par l'État)". L'annexe 10 de ce bilan détaillait la somme, entre 1,112 milliard d'euros dépensés à fin 2013 pour les travaux finis (dont 611,91 millions d'euros par l'État) et 1,361 milliard d'engagés pour les travaux alors en cours (dont 834,17 millions par l'État).

Le trouble n'est pas nouveau puisqu'en 2016, lançant la 2e phase du plan, la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, exposait que l'État prévoyait d'engager sur la période 2016-2020 "450 millions d'euros" (chiffre confirmé, par exemple, en 2018). "Soit une augmentation de 30% par rapport à la première phase", précisait alors sa collègue George-Pau Langevin, ministre des Outre-mer...

Le rapport sénatorial de 2018 évoquait, lui, pour la première phase du plan, des "travaux représentant 860 millions d'euros dont 397 millions d'euros apportés par l'État". Interrogés par Localtis, les ministères n'ont pas été en mesure de nous apporter des éclaircissements sur ce point.

*La région Guadeloupe prévoit de mettre en place un programme de formation visant "prioritairement […] les artisans et professionnels du secteur du BTP, maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordre publics et privés, acteurs relevant de l’exercice de la maîtrise d’œuvre : architectes, ingénieurs et techniciens de bureau d’études et de contrôle en bâtiment, génie civil, assureurs, géomètres et notaires, formateurs des métiers du bâtiment, demandeurs d’emploi". La région précise par ailleurs qu'elle a "prévu de mobiliser plus de 80 millions d'euros du Feder à la prise en compte du risque sismique sur le territoire dans le cadre de la programmation 2021-2027 du programme opérationnel Feder/FSE Guadeloupe".

 

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