Archives

PLF 2019 : les députés votent le gel de la hausse des taxes sur les carburants

C'était l'étincelle qui avait mis le feu aux poudres et déclenché le mouvement des gilets jaunes : la hausse des taxes sur l'essence et le gazole a finalement été gelée lors de l'examen en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Les députés, qui ont adopté le projet de budget dans la nuit du 18 au 19 décembre, après deux jours de débat, ont voté l'article introduit par le Sénat en novembre qui permet de "figer les tarifs des taxes intérieures de consommation impactées par la taxe carbone (...) à leurs niveaux de 2018" tout en supprimant la trajectoire de ces taxes jusqu'en 2022. Initialement, le texte prévoyait une hausse en 2019 de 3 centimes sur l'essence et 6 centimes sur le gazole, et au total, d'ici à 2022, de 10 centimes sur l'essence et 19 centimes sur le gazole. La hausse de la contribution climat énergie est également gelée avec un taux maintenu au niveau de 2018, soit 44,6 euros la tonne de carbone. En tout, l'Etat perd une recette évaluée à 4 milliards d'euros pour 2019.
Le vote de ce gel de taxes au Palais du Luxembourg, fin novembre, avait en théorie peu de chances d'être validé par les députés. Mais le mouvement de contestation des "gilets jaunes" avait contraint l'exécutif à faire cette première concession. Celui-ci avait d'abord annoncé une suspension pour six mois de cette hausse des taxes avant d'opter finalement pour un gel, au minimum pour l'année prochaine. Les députés ont donné leur feu vert quasiment sans débat.
Ils ont en outre fait marche arrière sur un autre article qui prévoyait de supprimer le tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier. Le fait de renoncer à cette disposition a été approuvé par 96 voix contre 3. "C'était certainement une mesure trop brutale qu'il faut savoir arrêter", a reconnu Jean-Paul Mattei (MoDem).  "Le secteur du bâtiment public sortait à peine d'une longue crise et la mesure que vous envisagiez risquait de bloquer toute reprise. On se satisfait de ce recul", a apprécié le communiste Sébastien Jumel, tout en dénonçant "la politique de yoyo" du gouvernement. Le groupe Les Républicains a espéré un renoncement "définitif" et non "temporaire". Pour l'Etat, la perte estimée est de 980 millions d'euros pour 2019.

Aides aux transports des collectivités

Parmi les autres mesures notables, le gouvernement a fait adopter un sous-amendement pour rendre à nouveau éligible au Crédit d'impôt transition énergétique (CITE) le remplacement de fenêtre à simple vitrage par du double vitrage avec un taux de 15% plafonné à 100 euros par fenêtre à compter de 2019. L'Assemblée nationale a également avancé l'entrée en vigueur de l'exonération des aides aux transports mises en place par des collectivités, l'une des mesures qui avait été annoncée dans un premier temps par le gouvernement pour atténuer la hausse des prix de l'énergie. Les députés ont adopté un amendement du gouvernement qui rétablit l'article qu'ils avaient voté en novembre, tout en avançant l'entrée en vigueur de l'exonération des aides des collectivités qui interviendra dès l'imposition des revenus de l'année 2018 en lieu et place de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2020 prévue initialement.
L'extension au covoiturage de l'aide facultative versée par l'employeur est également avancée. L'exonération concerne la prise en charge par les collectivités des frais de carburant ou d'alimentation de véhicules électriques des salariés pour leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail, "dans la limite de 240 euros par an", soit 20 euros par mois.
Une telle aide est proposée dans la région des Hauts-de-France. Elle s'adresse aux personnes qui habitent à au moins 30 km de leur lieu de travail et qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule pour s'y rendre. Le Premier ministre avait annoncé en novembre que cette aide serait défiscalisée, et que ce serait également le cas si d'autres régions adoptaient un dispositif similaire pour les aides au covoiturage.
Le Sénat à majorité de droite a rejeté d'emblée ce mercredi en nouvelle lecture le PLF pour 2019 qui sera adopté définitivement jeudi matin par un ultime vote de l'Assemblée. Sur proposition du rapporteur général Albéric de Montgolfier (LR), les sénateurs ont voté la question préalable - qui entraîne le rejet de la totalité du texte - par 187 voix contre 23 et 132 abstentions. "Cafouillage", a pointé la droite, "incroyable improvisation", a-t-on renchéri à gauche. Les problèmes de "méthode" ont cristallisé les critiques, alors que le gouvernement se retrouve pris dans une course contre la montre pour concrétiser dans la loi les gestes en faveur du pouvoir d'achat promis aux "gilets jaunes". "Je me demande un peu ce que nous faisons ici. Il y a quelques heures, le Conseil des ministres a adopté un texte qui a pour conséquence de bouleverser encore les équilibres de la loi de Finances", a déploré le rapporteur, pointant un déficit public "largement au-dessus de 3%, extrêmement éloigné de l'objectif de départ".  Il s'est néanmoins félicité que le gouvernement ait été amené à retenir le gel de la taxe sur les carburants proposé par le Sénat. Les sénateurs devront quand même jouer les prolongations, pour examiner vendredi après-midi le projet de loi sur les mesures sociales "d'urgence". La majorité sénatoriale a annoncé son intention de le voter dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale qui l'examinera jeudi après-midi.