PLF 2025 et mobilités : les associations d’élus soufflent le chaud et le froid
Si Régions de France salue l’attribution d’une part du versement mobilité aux régions, le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) estime que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 adopté ce 5 février n’est pas à la hauteur des enjeux de financement des autorités organisatrices de la mobilité locales et régionales qui font face à un "mur d’investissement et de fonctionnement" estimé à plus de 100 milliards d’euros d’ici 2030.

© Semvatac CC BY-NC-ND 2.0
"Les régions pourront continuer à investir dans les mobilités décarbonées", met en avant Régions de France dans un communiqué diffusé ce 6 février, après l’adoption du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 qui acte l’attribution d’une part du versement mobilité (VM) aux régions (voir la présentation détaillée du dispositif par l'association). "Cette nouvelle ressource permettra aux régions qui le souhaiteraient de bénéficier d’un nouveau levier fiscal destiné à financer les investissements dans les mobilités décarbonées, rendus impératifs par la nécessité de désenclaver les territoires ruraux comme périurbains tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, sans porter atteinte au pouvoir d’achat des Français. Elle vient conforter les régions dans leur rôle de chef de file de la mobilité", souligne l’association présidée par Carole Delga.
Une nouvelle ressource pour les investissements régionaux
"Les régions portent 15% de l’investissement public total, alors qu’elles ne constituent qu’1% de la dette publique totale. Hors Île-de-France Mobilités qui perçoit déjà un versement mobilité, elles consacrent aux mobilités près de 32% de leur budget de fonctionnement et 33% de leurs dépenses d’investissement", souligne Régions de France qui rappelle que "les régions constituent la catégorie de collectivité dont la situation financière s’est le plus dégradée depuis 2020", selon le rapport annuel sur les finances publiques locales de la Cour des comptes. "Dans le contexte budgétaire national, sans affectation de nouveaux financements dynamiques, les régions auraient été contraintes de revoir à la baisse leurs investissements en faveur des transports collectifs", estime l’association.
"Cette mesure vient rétablir un juste équilibre entre les régions qui investissaient sans recettes fiscales propres et les intercommunalités qui bénéficiaient déjà du versement mobilité, a déclaré Carole Delga. Elle dote les régions d’une nouvelle possibilité de financement, déjà existante pour l’Île-de-France." "Cette extension permettra, dès 2025, de consolider les dynamiques d’investissement dans l’avenir des mobilités décarbonées, par exemple par des commandes de matériel roulant supplémentaire ou par des études préalables aux travaux. Ce qui contribuera à la mise en place, en concertation avec les salariés et les employeurs, de nouveaux services de transports pour nos concitoyens, notamment ceux qui vivent en périphérie des villes et en milieu rural", souligne la présidente de Régions de France. Carole Delga regrette cependant que la mesure n’ait pas été étendue aux régions d’outre-mer et "réitère son souhait que des travaux soient engagés dans ce sens", indique le communiqué.
Une nouvelle recette qui ne répondra que "très partiellement" aux besoins, selon le Gart
Le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) est de son côté beaucoup plus critique à l’égard du PLF 2025. "Le compte n’y est pas", a-t-il réagi dans un communiqué diffusé dès l’adoption du texte, ce 5 février. "Force est de constater qu’il n’est malheureusement pas à la hauteur des enjeux de financement des autorités organisatrices de la mobilité locales et régionales qui font face à un mur d’investissement et de fonctionnement estimé par plusieurs rapports et études à plus de 100 milliards d’euros d’ici 2030", a-t-il regretté. Si l’instauration d’un versement mobilité régional "donne aux régions un levier supplémentaire dans le cadre des compétences de chef de file de la mobilité qui leur ont été confiées par la loi d’orientation des mobilités", le Gart considère qu’"au regard du taux de 0,15% revu à la baisse lors de la commission mixte paritaire, cette recette estimée à 500 millions d’euros ne répondra que très partiellement aux besoins des régions, alors même que la mobilité représente leur premier poste budgétaire". Comme Régions de France, il regrette également que cette mesure n’ait pas été étendue aux régions d’outre-mer "qui pourtant font face à des défis majeurs, notamment en matière de transition énergétique".
S’il se félicite d’avoir obtenu gain de cause quant à la prolongation d’une année supplémentaire de la possibilité de prise en charge jusqu’à 75% des abonnements de transport par les employeurs privés, il regrette également que cette mesure d’incitation fiscale en faveur de l’usage des transports publics par les salariés "n’ait pas été pérennisée durablement, à l’instar de ce qui est déjà en vigueur pour les agents de la fonction publique".
Pas d'évolution des plafonds des taux de versement mobilité
Surtout, "ces quelques avancées ne masquent pas" la "grande déception" que constitue pour le Gart "l’absence de prise en considération des besoins des autorités organisatrices locales", à travers "l’évolution des plafonds des taux de versement mobilité, inchangés depuis 1992". "Ce n’est pas l’affectation de 50 millions d'euros issus du produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre (ETS1), que se partageront les autorités organisatrices de la mobilité locales et Île-de-France Mobilités, qui favorisera la mise en œuvre de politiques publiques de la mobilité efficientes", affirme-t-il.
"Globalement, ce budget envoie un signal négatif aux intercommunalités alors que ces dernières sont également en première ligne pour développer des solutions de mobilité sur leurs territoires, luttant efficacement contre la pollution atmosphérique et la congestion automobile, poursuit-il. En limitant leurs moyens financiers, le gouvernement freine les transitions en faveur d’une mobilité décarbonée et plus accessible, allant ainsi à rebours des objectifs nationaux de transition écologique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre."
Dans l'attente de "solutions concrètes et pérennes" pour le financement des mobilités
"Le budget 2025 ne tient donc pas suffisamment compte des défis majeurs auxquels sont confrontées les autorités organisatrices de la mobilité : fragilités structurelles du modèle économique, inflation des coûts d’exploitation au sein des réseaux, financement des services express régionaux métropolitains, coûts de la décarbonation et de la transition énergétique…, développe-t-il Le texte adopté est malheureusement un rendez-vous manqué où aucune vision à long terme n’a été retenue pour favoriser une mobilité plus durable et plus efficiente au profit des usagers du transport public."
Le Gart attend désormais de la future conférence de financement des mobilités, annoncée pour mai 2025 par le ministre délégué chargé des Transports Philippe Tabarot, qu’"elle débouche sur des solutions concrètes et pérennes" et entend pour cela "œuvrer à un front commun réunissant les régions et les intercommunalités au côté de l’État et de l’ensemble des parties prenantes de la mobilité".
› La création de nouvelles offres de transports dans les territoires ruraux parmi les priorités de Philippe TabarotAuditionné ce 5 février 2025 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de l’Assemblée nationale, le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot, a évoqué parmi ses priorité "l’évolution des modes de transports", en particulier "de nouvelles offres accessibles dans les territoires ruraux alors que 13 millions de Français sont en situation de précarité de mobilité". Il s’appuie pour cela sur l’amendement qu’il a porté, intégré dans la dernière copie du PLF 2025, qui instaure un versement mobilité régional "avec un fléchage spécifique de 10% aux territoires ruraux visant à financer de nouveaux services". Reconnaissant toutefois la nécessité "d’aller plus loin", Philippe Tabarot dit vouloir adopter "une approche multimodale et complémentaire", reposant à court terme sur l’essor de l’autopartage, du covoiturage et des cars express pour "mailler efficacement les zones moins denses". Se disant "fier d’avoir réussi à faire voter, de façon transpartisane, ce versement mobilité", réclamé de longue date par les régions, il ajoute que celui-ci leur permettra aussi de mettre en place les projets de Serm, qui constituent selon lui un "levier majeur" pour lutter contre "l’autosolisme", qui touche aujourd’hui 84% des trajets domicile-travail. La très attendue conférence nationale sur les financements des mobilités sera selon lui "un exercice de débat démocratique sur la tarification, les investissements nécessaires, la gouvernance et plus largement une vision à long terme pour les infrastructures". Soulignant que "le modèle actuel de financement est à bout de souffle", il affirme que les scénarios doivent "rester ouverts", en rappelant que les produits de la fiscalité sur les carburants devraient baisser de 13 milliards d’ici à 2030 et que la TICPE disparaîtra à l’horizon 2050. Afin d’appuyer le financement des infrastructures "sur le temps long", il compte associer à cette conférence "le Parlement, les collectivités territoriales, les opérateurs du secteur, les usagers, les chercheurs, les administrations, etc.". |