Projet de loi de finances : avec l'accord en CMP, le dénouement approche à grands pas
Une étape de plus de franchie pour ce projet de loi de finances pour 2025 dont l'examen parlementaire avait débuté... en octobre dernier. La commission mixte paritaire s'est mise d'accord ce vendredi 31 janvier sur une version de compromis, globalement proche de celle votée par le Sénat, notamment concernant les finances des collectivités. Rendez-vous maintenant ce 3 février à l'Assemblée, avec possible recours au 49.3... et donc à une motion de censure.

© Didier Rambaud et Aurélien Le Coq
Une étape décisive franchie pour le projet de loi de finances : la commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs a abouti ce vendredi 31 janvier à une version de compromis entre les deux chambres, sans dissiper les menaces de censure toujours agitées par la gauche et le RN. Après une journée et demie de travaux à huis clos, ce conclave de parlementaires s'est entendu sur une copie commune, adoptée à huit voix contre six. Cet accord ne faisait pas réllement de doute : le camp gouvernemental était en effet majoritaire et les deux rapporteurs - le rapporteur général du Budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), et le député David Amiel (Renaissance) - s'étaient entendus sur l'immense majorité des mesures.
"Le redressement des comptes et l'objectif d'être à 5,4 % de déficit public est en passe d'être atteint. En tout cas, dans la copie que nous rendons, les choses sont acquises", s'est félicité Jean-François Husson. A contrario, le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, l'Insoumis Éric Coquerel, a fustigé un budget "pire" que celui proposé par Michel Barnier, avec selon lui 6,2 milliards de recettes en moins et 6,4 milliards de coupes en plus. Il a espéré que les oppositions seront "cohérentes" et "censureront" le budget.
La question va se poser très vite : les conclusions de la CMP doivent être examinées dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce lundi 3 février, avec l'usage très probable de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution par le Premier ministre François Bayrou pour faire adopter le texte sans vote. Une motion de censure suivra alors certainement et pourrait être examinée dès mercredi. Le gouvernement peut toutefois toujours procéder à d'ultimes arbitrages d'ici lundi et amender le texte, mais le ministre de l’Economie, Éric Lombard, a indiqué dans la matinée sur TF1 que le gouvernement "respecter(ait) le texte qui sortira" de la CMP.
L'opposition reste mobilisée
Vendredi, les débats se sont tendus autour de la sensible question de l'Aide médicale d'État (AME), rare pomme de discorde au sein du socle commun. Se sont ainsi affrontées deux propositions, celle de Jean-François Husson et des sénateurs (-200 millions d'euros sur 1,3 milliard), et celle de David Amiel (-111 millions d'euros, soit le maintien des crédits de 2024). C'est in fine cette dernière qui a été adoptée. Les socialistes, qui réclamaient le maintien des crédits à hauteur de ce que proposait la version initiale du projet de loi ont voté l'amendement de David Amiel faute de pouvoir faire adopter le leur, et de crainte que la version du Sénat ne s'impose. Une modification de certains critères d'accès à l'AME, votée par le Sénat, a également été supprimée.
A l'issue des discussions, les responsables socialistes ont affirmé avoir voté contre le budget, marquant ainsi leur appartenance à "l'opposition", bien qu'ils aient "réussi à amoindrir ce qu'auraient été les souffrances ou les atteintes au pouvoir d'achat", selon le président du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud. Dans les faits, la CMP s'est limitée à sanctuariser les engagements pris par François Bayrou mi-janvier, refusant toutes les taxes supplémentaires proposées par le PS. "Aucune de leurs propositions n'a été acceptée", a évacué Éric Coquerel.
Si les socialistes se sont réjouis d'avoir "obtenu 300 millions pour l'écologie", la cheffe des Écologistes Marine Tondelier a relevé que cela restait "un milliard de moins que dans le budget Barnier d'octobre". Côté Rassemblement national, le député Jean-Philippe Tanguy a indiqué à la presse à l’issue de la CMP que son groupe déciderait lundi de son vote sur la version finale du budget - si vote il y a - et de sa position sur la censure.
De nombreux coups de rabot
Globalement, la CMP a confirmé en grande partie la copie adoptée le 23 janvier au Sénat, une version assez fidèle aux propositions initiales de l'ancien Premier ministre Michel Barnier, reprises par François Bayrou. Surtout sur le volet dédié aux recettes. Y figurent donc des mesures annoncées à l'automne, comme l'effort temporaire sur l'impôt sur le revenu des ménages les plus aisés (2 milliards d'euros espérés) et la "contribution exceptionnelle" sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards). Autres propositions inscrites dans le texte : un malus renforcé sur l'achat de voitures thermiques, une fiscalité augmentée sur les chaudières à gaz, un compromis sur la hausse de la taxe sur les billets d'avion…
Le gouvernement Bayrou a toutefois fait inscrire de nombreux nouveaux coups de rabot dans le budget de plusieurs ministères. Aide publique au développement, écologie, culture, agriculture, recherche et enseignement supérieur... Les coupes se chiffrent à plusieurs centaines de millions d'euros à chaque fois, malgré quelques gestes sur la prévention des catastrophes naturelles, le Fonds vert ou le budget des outre-mer, revalorisé pour répondre notamment à la reconstruction de Mayotte. Le budget sports, que le gouvernement avait envisagé de diminuer ces derniers jours malgré la fronde du secteur, a en revanche été sanctuarisé dans sa version proposée à l'automne, déjà nettement réduite par rapport à 2024.
Le gouvernement a par ailleurs renoncé à étendre à trois le nombre de jours de carence en cas d'arrêt maladie des agents de la fonction publique, mais le taux d'indemnisation a été ramené à 90% au lieu de 100% (voir notre article du 20 janvier).
Sans surprise, les parlementaires ont inscrit dans le marbre du budget la promesse de François Bayrou de rétablir 4.000 postes d'enseignants... Mais à budget constant : les 50 millions d'euros nécessaires à ce rétablissement seront prélevés ailleurs dans le budget de l'Education. Dénoncé par toutes les oppositions pour son coût et son manque d'efficacité, le service national universel (SNU) a vu ses crédits diminuer, résistant encore à ce stade à une suppression pure et simple.
Finances locales : l'effort sera bien réduit
L'effort financier demandé aux collectivités locales avait, lui, été plus ou moins stabilisé depuis plusieurs semaines sur la version du Sénat, soit environ 2,2 milliards d'euros demandés au lieu de 5 milliards comme envisagé par le gouvernement Barnier.
Comme l’avait voulu le Sénat, le fonds de précaution de 3 milliards a laissé place au dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales" des collectivités ("Dilico"), pour un montant de 1 milliard. Le sénateur LR du Cantal Stéphane Sautarel, qui faisait partie de la CMP, a décrit vendredi dans un post Facebook ce "Dilico" comme "un dispositif de lissage, c’est à dire une épargne contrainte et non plus un mode confiscatoire des ressources des collectivités".
Le sénateur s'est par ailleurs félicité qu'ait été maintenue "la non mise en œuvre de la mesure de rétroactivité et de baisse du taux du FCTVA qui aurait eu un coût de 800 millions d'euros pour les collectivités". En sachant qu'en revanche, le gel de la TVA versée aux collectivités reste à l'ordre du jour.
Comme l'avait assuré le ministre François Rebsamen devant le Sénat à la mi-janvier (voir notre article), le montant de la DETR a été "sanctuarisé" (il avait été envisagé de le réduire pour tenir compte du retard lié à la censure). La dotation biodiversité serait abondée de 10 millions d'euros.
Les départements vont bien pouvoir bénéficier de la possibilité de relever le plafond des DMTO de 0,5 point, sauf pour les primo-accédants. Côté régions, la possibilité de prélever sur les entreprises une part de versement mobilité jusqu'à 0,2%, votée au Sénat, a vu son taux ramené à 0,15% (les régions avaient un temps craint que cette disposition disparaisse totalement – voir notre article). Ceci tout en préservant "une affectation de moyens" pour les autorités organisatrices de la mobilité.
Le texte issu de la CMP n'étant pas encore disponible ce vendredi (il devrait l'être d'ici lundi), plusieurs points mériteront d'être précisés, notamment concernant les finances locales.
La ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a salué vendredi le compromis trouvé en vue de "sortir la France du régime de service minimum dans lequel elle est depuis le 1er janvier". "C'est une étape importante pour nous doter d'un budget et permettre à notre pays d'avancer", s’est de même félicité Eric Lombard. Rappelons que faute de budget, le gouvernement avait reconduit fin décembre les plafonds de crédits des ministères initialement accordés pour l'an dernier, mais en les limitant aux "dépenses essentielles" (voir nos articles dans notre dossier en lien ci-dessous).