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Médicosocial - PLFSS 2019 : priorité au social et à la transformation du système de santé

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 présenté le 25 septembre porte la marque des multiples plans et stratégies lancés ces derniers mois. Deux grandes orientations - "Protéger les plus vulnérables" et "Investir pour transformer notre système de santé" - recouvrent nombre de mesures intéressant les collectivités locales : accès aux soins, handicap, prestations sociales, Ehpad, aide à domicile, modes de garde, structures de soins de proximité, prévention...

Au lendemain de la présentation par Bercy du projet de loi de finances (voir notre article du 24 septembre), Agnès Buzyn et Gérald Darmanin ont présenté à leur tour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019. La nouveauté la plus visible est, bien sûr, la prévision d'un retour à l'équilibre, dès l'an prochain, des comptes du régime général de la sécurité sociale (avec 700 millions d'euros d'excédent prévisionnel), après seize années consécutives de déficits. Le déficit du régime général et du FSV (Fonds de solidarité vieillesse) avait atteint un maximum de 28 milliards d'euros en 2010 - sous l'effet des stabilisateurs automatiques après la crise de 2008 -, avant de se réduire progressivement les années suivantes.

Trois orientations majeures, dont deux à vocation médicosociale

Mais, au-delà de ce redressement des comptes, le PLFSS 2019 porte aussi - comme le PLF 2019 - la marque des différentes stratégies et plans présentés ces dernières semaines par le chef de l'Etat et le gouvernement : plan de prévention santé, feuille de route "pour relever le défi du vieillissement à court et moyen terme", stratégie de lutte contre la pauvreté et stratégie de transformation du système de santé (voir nos articles respectifs du 26 mars, du 31 mai, du 13 septembre et du 18 septembre 2018).
Preuve de cette prise en compte, la présentation du projet de loi met en avant - outre l'incontournable "Confirmer la trajectoire de redressement des comptes sociaux" - trois grandes orientations qui structurent le PLFSS. A côté de "Libérer l'activité économique et soutenir ceux qui travaillent et entreprennent" (centré principalement sur les exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires), les deux autres orientations du PLFSS 2019 renvoient directement à des stratégies sociales et sanitaires annoncées par le gouvernement : "Protéger les plus vulnérables" et "Investir pour transformer notre système de santé".

Fusion CMU-C et ACS et réduction des restes à charge

L'axe "Protéger les plus vulnérables" recouvre une série de mesures qui entrent quasiment toutes, directement ou indirectement, dans les domaines d'intervention des collectivités en matière sociale.
Ainsi, sur l'accès aux soins, le PLFSS prévoit une double mesure. La première consiste en un - nouveau - renforcement du dispositif d'aide à la complémentaire santé (ACS), qui souffre d'un taux de non recours de l'ordre de 65%. Conformément aux annonces du plan Pauvreté (voir notre article du 13 septembre 2018), il s'agit en l'occurrence de la fusion entre l'ACS et la CMU-C, programmée pour le 1er novembre 2019. La nouvelle couverture sera gratuite jusqu'à l'actuel plafond de la CMU-C, puis soumise à participation du bénéficiaire jusqu'au plafond de l'ACS, permettant ainsi d'accéder à la prise en charge complémentaire de la totalité des frais sur un très large panier de soins, pour un niveau de prime maîtrisé (par exemple, moins d'un euro par jour pour les personnes âgées, très consommatrices de soins). En revanche, la réforme ne remet pas en cause le libre choix du bénéficiaire entre l'assurance maladie et les complémentaires santé (mutuelles et compagnies d'assurance).
La seconde mesure concrétise l'engagement présidentiel d'une "santé sans frais en optique, audiologie et dentaire". Si un panier de services a été défini et les accords conventionnels négociés en 2018, la réforme se déploiera néanmoins par étapes : l'absence de reste à charge sera garanti dès 2020 pour l'optique et une partie du dentaire et en 2021 pour l'ensemble des secteurs concernés.
A noter également : une amélioration de l'accès aux soins à Mayotte - où le centre hospitalier est engorgé -, avec une prise en charge intégrale, par l'assurance-maladie, du ticket modérateur sur les soins de ville, soumise toutefois à conditions de ressources.

Un effort pour le handicap

Toujours sur la protection des plus vulnérables, le PLFSS confirme, sans surprise, la mise en oeuvre de la "stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement". Grâce à des moyens supplémentaires de 400 millions d'euros sur la durée du plan (dont 60 millions dès 2019), le PLFSS engagera notamment la mise en place d'un "véritable parcours des enfants de zéro à six ans, financé par l'assurance maladie".
De même, le PLFSS confirme la poursuite de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), avec une première revalorisation déjà programmée pour le 1er novembre 2018 (+41 euros par mois, soit un total de 860 euros par mois) et une seconde prévue pour le 1er novembre 2019 (+40 euros, soit 900 euros par mois). Ces revalorisations aboutiront à une hausse finale de 11%, représentant plus de 2,2 milliards d'euros cumulés d'ici à 2022, au bénéfice de 1,1 million de titulaires de l'AAH (dont le nombre pourrait encore augmenter sous l'effet du relèvement des seuils).

Revalorisation différenciée des prestations : des gagnants et des perdants

Ce sera sans doute l'une des mesures les plus contestées au Parlement, même si elle a  déjà été annoncée et que le dossier du PLFSS la présente comme "au bénéfice des plus fragiles" : la revalorisation différenciée des prestations sociales.
En pratique, trois prestations qualifiées de "prioritaires" bénéficieront de revalorisations exceptionnelles. Ce sera le cas de l'AAH donc, mais aussi de la prime d'activité et du "minimum vieillesse", qui bénéficieront d'une garantie de revalorisation d'au moins 4% par an en 2019 et 2020. Après une hausse de 30 euros par mois pour une personne seule (46 euros pour un couple) le 1er avril dernier, le "minimum vieillesse" sera à nouveau revalorisé de 35 euros (54 euros pour les couples) le 1er janvier 2019 et à nouveau de 35 euros le 1er janvier 2020. Conformément à l'engagement présidentiel, "le minimum vieillesse" aura alors été revalorisé de 100 euros par mois sur trois ans, portant son montant mensuel à 903 euros pour une personne seule et à 1.402 euros pour un couple. Le tout pour un coût estimé de 525 millions d'euros sur trois ans et au bénéfice des 550.000 allocataires du "minimum vieillesse", auxquels s'ajouteront environ 46.000 bénéficiaires supplémentaires du fait du relèvement des seuils.
Pour leur part, les minima sociaux autres que l'AAH et le "minimum vieillesse" bénéficieront d'une revalorisation à hauteur de 1,5% par an.
En revanche, les autres prestations - et notamment les allocations familiales et les APL - n'augmenteront que de 0,3% par an. Le gouvernement affirme certes que cela correspond au "taux moyen des quatre dernières années", mais cette progression s'annonce très inférieure à celle de l'inflation prévisionnelle, attendue autour de 2% en 2019.

Moderniser la délivrance des prestations... pour économiser

Sous le thème de "Garantir une juste prestation", le PLFSS prévoit en parallèle de moderniser la délivrance des prestations sociales. Cette ambition doit déboucher, à une date non encore fixée, sur un possible "versement social unique", qui soulève toutefois toujours de nombreuses difficultés conceptuelles et techniques. Cette réforme s'appuiera sur la déclaration sociale nominative (DSN), qui se déploie progressivement et permettra aux caisses de récupérer automatiquement toutes les informations nécessaires à l'ouverture des droits et au calcul des prestations.
En attendant, le PLFSS 2019 installe déjà "la modernisation de l'attribution et du calcul des aides personnelles au logement, pour la gestion desquelles les ressources prises en compte correspondront désormais aux ressources des douze derniers mois connus et feront l'objet d'une actualisation trimestrielle" (au lieu de la prise en compte des ressources de l'année N-2 et d'une actualisation annuelle).
Si le principe de ce rapprochement temporel entre ressources et prestations est incontestable - et peut se révéler bénéfique pour les personnes dont les revenus subissent une baisse soudaine -, le gouvernement attend aussi de sa mise en œuvre une économie mécanique de plus d'un milliard d'euros sur les seules APL (voir notre article ci-dessous du 28 août 2018). Et l'utilisation de ce principe devrait être progressivement étendue à d'autres prestations.

Ehpad : en route pour la feuille de route

Du côté des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le PLFSS 2019 commence à dérouler la feuille de route présentée par Agnès Buzyn en mai dernier (voir notre article ci-dessous du 31 mai 2018). Sur ce point, le projet de loi "concrétise la priorité donnée au renforcement des moyens des Ehpad, comme le gouvernement s'y est engagé".
L'effort ne se situe toutefois pas du côté de l'Ondam médicosocial (objectif national des dépenses d'assurance maladie). En effet, sa progression est fixée à 2,2% pour les établissements et services médicosociaux (20,8 milliards d'euros), contre 2,6% en 2018. Pour la première fois depuis longtemps, l'Ondam médicosocial est ainsi inférieur à l'Ondam global (+2,5%, voir ci-dessous) et même à l'Ondam des établissements de santé (+2,4%). Toutefois, l'OGD (objectif global de dépenses, comprenant l'Ondam médicosocial plus une part des recettes propres de la CNSA) affiche une progression de 2,7% pour 2019, contre 2,4% en 2018.
Ceci permet de financer notamment 125 millions d'euros supplémentaires pour renforcer la présence de personnel soignant au sein des Ehpad, en accélérant la montée en charge de la réforme de la tarification (avec l'objectif de parvenir aux nouveaux tarifs cibles en 2021 au lieu de 2023). Au total, 360 millions d'euros supplémentaires seront affectés à cette fin sur la période 2019-2021.
Par ailleurs, une enveloppe de 18 millions d'euros est à nouveau prévue en 2019 pour neutraliser les éventuels effets négatifs de la réforme sur certains Ehpad.
Le PLFSS 2019 prévoit également des enveloppes supplémentaires de 50 millions d'euros pour améliorer à nouveau l'offre d'accompagnement des services d'aide à domicile (refonte de leur mode de financement, amélioration de la qualité des services et de leur accessibilité, recrutement de personnel), de 10 millions pour généraliser la présence d'infirmières de nuit en Ehpad d'ici à 2020, de 30 millions pour le financement des plans de prévention en Ehpad et de 15 millions pour développer l'hébergement temporaire en Ehpad pour les personnes sortant d'hospitalisation.
Par ailleurs, une enveloppe de 130 millions d'euros sera consacrée au financement de la modernisation des établissements médicosociaux pour personnes âgées ou pour personnes handicapées.
Le PLFSS ne constitue toutefois qu'une étape, dans la mesure où - comme annoncé en mai dernier - le gouvernement va lancer ce 1er octobre une concertation nationale sur la perte d'autonomie des personnes âgées. Celle-ci devrait déboucher sur l'élaboration d'un projet de loi déterminant notamment les priorités de financement à long terme pour une meilleure prise en charge de personnes et de leurs familles.

Modes de garde : un coup de pouce très ciblé

Du côté des modes de garde, l'essentiel se joue dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 de la Cnaf (voir notre article du 21 septembre 2018). Le PLFSS prévoit néanmoins une majoration de 30% du complément mode de garde (CMG) pour les familles dont un enfant bénéficie de l'AEEH (allocation d'éducation de l'enfant handicapé). Cette mesure a pour objet de compenser des restes à charge supérieurs à ceux des autres parents, de ne pas pénaliser les familles recourant à une assistante maternelle ou une garde à domicile plutôt qu'à une place de crèche et de faciliter la reprise ou l'accroissement d'activité professionnelle des parents. Selon le dossier de présentation, cette majoration "représente un gain potentiel maximum de 140 euros par mois pour une famille employant pour la garde de son enfant une assistante maternelle ou une garde à domicile".
Autre mesure du PLFSS au titre des modes de garde : la prolongation du complément mode de garde à taux plein jusqu'à l'entrée à l'école maternelle, soit un gain potentiel de 234 euros par mois pour une famille employant une assistante maternelle pour la garde de son enfant.
Enfin, le PLFSS prévoit une prolongation du congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles

Santé : Ondam à 2,5% et enveloppe supplémentaire de 400 millions d'euros

Sur son troisième axe "Investir pour transformer notre système de santé", le PLFSS 2019 se traduit d'abord par une dérogation au principe, posé par Emmanuel Macron, d'un Ondam global de 2,3% tout au long de son quinquennat. Pour tenir compte du coût d'entrée des mesures de la stratégie de transformation du système de santé et du décalage probable dans les retours sur investissement, le PLFSS porte en effet l'Ondam à 2,5% (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2018). Cet écart de 0,2 point représente une enveloppe supplémentaire d'environ 400 millions d'euros, destinée à financer la première année de mise en œuvre de la stratégie de transformation. Du coup, l'Ondam des soins de ville passe de 2,4% en 2018 à 2,5% en 2019 (91,5 milliards d'euros) et celui des établissements de santé de 2,2% à 2,4% (82,6 milliards), tandis que le Fonds d'intervention régional (FIR) voit sa progression passer de 3,1% à 4,8% (3,5 milliards).

Stratégie santé : les première mesures financées dès 2019

Les moyens supplémentaires ainsi dégagés vont permettre la mise en place, dès 2019, des principales mesures adoptées pour structurer les soins de proximité : création de communautés professionnelles territoriales de santé, financement de postes d'assistants médicaux, structuration des hôpitaux de proximité, déploiement d'équipes mobiles gériatriques, développement des compétences dans les établissements de santé (voir notre article du 18 septembre 2018).
Ces moyens supplémentaires financeront aussi différents investissements de modernisation et d'adaptation des structures de soins : investissements immobiliers pour les établissements de santé, investissements dans le numérique...
Par ailleurs, l'enveloppe destinée à financer la qualité dans les établissements hospitaliers est portée de 60 à 300 millions d'euros et le PLFSS prévoit des crédits pour diversifier les modes de tarification des établissements de soins (avec, dès 2019, la création de financements au forfait pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique) et pour financer, en médecine de ville, l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération et d'organisation des professionnels de santé libéraux.
Enfin, pour être complet, le PLFSS prévoit plusieurs mesures dans le prolongement du plan de prévention santé (voir notre article du 26 mars 2018), comme le développement des actions de prévention à destination des enfants et des jeunes, le renforcement de la lutte contre les addictions liées aux substance psychoactives ou encore l'extension de la vaccination contre la grippe.

 

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