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Politiques de l'eau et de la biodiversité : un nouveau rapport appelle à revoir les interventions des opérateurs

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) vient de publier  le rapport de la mission qu'il a menée avec l'Inspection générale des finances, à la demande du gouvernement, sur les opérateurs de l'eau et de la biodiversité. Ce rapport préconise notamment un recentrage progressif des interventions des agences de l'eau vers les actions en faveur du "grand cycle" de l'eau, du milieu marin et de la biodiversité, qui s'accompagnerait d’une évolution du système de redevances.

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) vient enfin de mettre en ligne sur son site le rapport de la mission qu'il a menée conjointement avec l'Inspection générale des finances sur les opérateurs de l'eau et de la biodiversité. Cette mission, confiée par le gouvernement en novembre dernier, avait notamment vocation à alimenter les réflexions lancées dans le cadre du programme "Action publique 2022". Dans ce cadre, la mission a rencontré, auditionné ou reçu les contributions de plus de 200 interlocuteurs et s’est déplacée à Rennes, Chambéry, Douai, Florac, Lyon, Marseille, Metz et Toulouse.

"Besoin de mise en cohérence"

Son rapport, qui avait "fuité" sur le blog Eaux glacées.com début juin, constate d'abord que les politiques de l’eau et de la biodiversité, bien que pilotées depuis dix ans par une même direction d'administration centrale, "se sont construites par juxtaposition et accumulation d’objectifs, sans se poser la question de l’adéquation des missions et des moyens et sans vision globale". "Les contraintes budgétaires sont ainsi devenues les véritables déterminants de ces politiques", pointe-t-il. Il en résulte, moins de deux ans après l’adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, "un besoin de mise en cohérence d'une politique d'ensemble de l'eau et de la biodiversité, définie à partir d'objectifs priorisés tenant compte des engagements européens et de la réforme territoriale."

Recentrage progressif des interventions

La mission a ensuite procédé à une analyse des financements et des interventions des agences de l’eau, au terme de laquelle elle recommande un recentrage progressif des interventions sur les actions en faveur du "grand cycle", du milieu marin et de la biodiversité, accompagné d’une évolution du système de "redevances" et d’une utilisation plus marquée des outils réglementaires.
A court terme, pour une mise en œuvre dès le XIe programme d'intervention des agences de l'eau (2019-2024), le rapport préconise de relever leurs seuils d'intervention, d'accroître la sélectivité de leurs aides en en arrêtant certaines relevant du domaine 2, consacré aux mesures générales de gestion de l'eau (financement des stations d'épuration au titre de la seule mise en conformité aux obligations réglementaires issues de la directive sur les eaux résiduaires urbaines, aides à l'assainissement non collectif).
La mission invite aussi à "rechercher une meilleure adéquation entre les ressources et les besoins dans la répartition du plafond annuel de redevances des agences et une meilleure prise en compte des enjeux de solidarité territoriale dans la fixation de la clé de répartition, entre agences de leur contribution financière à l'AFB [Agence française pour la biodiversité] et à l'ONCFS [Office national de la chasse et de la faune sauvage]".
A moyen terme, pour une mise en oeuvre au XIIème programme d’intervention - ce qui supposera d’en tenir compte dès la revoyure du XIème programme, en 2022 -, la mission propose de recentrer fortement les interventions des agences sur les actions de connaissance, de planification et de gouvernance, - la solidarité territoriale dans le "petit cycle" de l’eau (dans le cadre d’une enveloppe financière dédiée) et les interventions en faveur du "grand cycle", du milieu marin et de la biodiversité. "Les agences de l’eau, dont les aides financières relèvent aujourd’hui de trois logiques (financement d’opérations d’intérêt commun au bassin dans le 'grand cycle', financement de la solidarité urbain-rural dans le 'petit cycle' et rôle de 'mutuelle' des services d’eau et d’assainissement), cesseraient ainsi de faire office de 'mutuelle' pour les services d’eau potable et d’assainissement", souligne la mission.

Evolution du système de redevances

Pour "favoriser l’acceptabilité de ce recentrage" et "mieux utiliser l’outil fiscal", elle suggère aussi de faire évoluer le système de redevances "pour en faire un réel outil de fiscalité environnementale". Cela passerait notamment par la rénovation de la redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique (à laquelle serait associé un abandon définitif des primes épuratoires, "dont l’efficacité n’est pas démontrée"), la mise en place d’une redevance assise sur les ventes d’engrais minéraux azotés et l’augmentation des taux de la redevance pour pollutions diffuses agricoles et la diversification des ressources affectées aux agences pour contribuer au financement de l’extension de leur périmètre d’intervention, dans une logique prévoyant que "les pressions sur l’eau et la biodiversité paient les interventions pour l’eau et la biodiversité", comme l'a réclamé récemment l'Association des maires de France (lire ci-dessous notre article du 12 juillet 2018).
"Ce recentrage strict des interventions des agences de l’eau au XIIème programme se justifie notamment, dans le principe, par le fait que le financement du renouvellement des équipements, dans le 'petit cycle', a vocation à être assuré, dans le cadre d’un service public industriel et commercial, par le consommateur d’eau, via le prix de l’eau, et non pas au travers d’interventions financières des agences, poursuit la mission. Ce financement sera par ailleurs facilité par le transfert obligatoire de la compétence 'eau et assainissement' aux EPCI, prévu par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale pour la République, qui doit permettre de réduire d’un facteur 10 à 20 le nombre d’autorités gestionnaires."

Bilan critique des démarches de mutualisation

La mission dresse en outre un bilan critique des démarches de mutualisation et d’optimisation mises en œuvre depuis une dizaine d’années par les opérateurs de l’eau et de la biodiversité. Elle en conclut que "des gains d’efficience importants restent accessibles au sein de ces opérateurs" et formule des recommandations en ce sens. Enfin, la mission a retenu trois scénarios globaux d’évolution structurelle de l’organisation en réseau des opérateurs, tout en rappelant que la mise en cohérence des politiques de l’eau et de la biodiversité en constitue un préalable.