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Sécurité civile - Pompiers au bord de la crise de nerfs

A quelques jours de leur congrès annuel, les sapeurs-pompiers appellent l'Etat et les collectivités à mettre fin aux dysfonctionnements actuels, dans le cadre d'une "gouvernance partagée". De plus en plus sollicités, ils sont "en limite de charge", prévient le colonel Eric Faure, président de la Fédération des pompiers.

Entre des effectifs en stagnation et des interventions toujours plus nombreuses (+1% en 2011), les pompiers sont à flux tendu. "L'un des pans entiers de notre sécurité menace de s'effondrer", avertit même la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) à quelques jours de son 119e congrès qui se tient de jeudi à samedi à Amiens. "Nous sommes devenus le service public ultime", constate le colonel Eric Faure, président de la fédération. "Quand ça ne répond pas ailleurs, qu'on ne peut pas ou ne veut pas se déplacer ailleurs, la population sollicite les pompiers. Cette situation nous préoccupe, on est en limite de charge. Jusqu'où tiendrons-nous ?", prévient-il.
Le président dénonce le "désengagement" d'autres services publics et privés, ce qui occasionne des "dysfonctionnements". "Nous intervenons en carence des ambulanciers indisponibles, nous réalisons du balisage sur route [tâche qui, normalement, incombe aux policiers et gendarmes ou aux sociétés concessionnaire s'agissant des autoroutes, NDLR]", énumère-t-il. La disparition des hôpitaux de proximité est un autre souci pour les pompiers : "On va de plus en plus sur le CHU du département voisin." Dans un communiqué du 25 septembre, la fédération écorne la Santé "qui lance seule une réorganisation des urgences hospitalières [...] sans s'intéresser aux solutions proposées par les sapeurs-pompiers qui, non seulement interviennent en moins de 13 minutes, mais ont aussi optimisé leur réponse, en l'adaptant à la gravité des secours, face aux déserts médicaux et à la baisse de la démographie médicale".

"Faisons mieux avec ce que nous avons"

Pas question pourtant de demander "plus de moyens" vu l'état des finances publiques, celles des départements en particulier. "Nous ne demandons pas des budgets en plus, nous savons comme tout le monde que nous sommes contraints", indique Eric Faure. C'est le message qu'il entend faire au ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui interviendra samedi matin au congrès. "Faisons mieux avec ce que nous avons. Il y a nécessité pour l'Etat de réussir à mettre en complémentarité l'ensemble des acteurs du monde du secours", insiste-t-il, évoquant notamment le rôle que pourrait jouer la Croix-Rouge dans cette organisation nouvelle. "Si l'on ne veut pas que le système s'effondre, il faut que l'Etat et les élus se mettent ensemble pour agir", réclame le président de la fédération pour qui le nouvel acte de la décentralisation et la réorganisation territoriale de l'Etat peuvent être "une chance". "La gouvernance partagée est à créer entre l'Etat et les territoires."
Au-delà de la surcharge de travail, les pompiers se plaignent d'un manque de reconnaissance professionnelle. La fédération se demande ainsi pourquoi elle n'a pas été consultée dans le cadre du futur livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ce qui avait déjà été le cas lors du précédent livre blanc en 2008. "La sécurité, ce n'est pas que l'ordre et la tranquillité publique, s'insurge Eric Faure. En cas de crise, nous sommes les premiers sur le terrain." Les groupes de travail et la commission chargés de la préparation de ce livre blanc ne comportent, selon lui, "ni un seul élu gestionnaire de Sdis, ni un seul cadre supérieur de sapeur-pompier". Une absence qui tient à la gouvernance actuelle : "Nous ne dépendons pas de l'Etat mais des collectivités locales", insiste le colonel. Dans une contribution transmise à cette commission le 18 juin, la FNSPF rappelle que "la sécurité civile doit être considérée comme l'un des deux composantes de la sécurité nationale au même titre que la sécurité intérieure".

Menaces sur l'industrie

A titre d'exemple, Eric Faure observe que la circulaire du 6 juin 2011 sur le secours en montagne n'est pas appliquée partout. Le secours en montagne est l'objet depuis des années d'une lutte de prestige entre les trois corps qui en ont la charge : gendarmes, CRS et, plus récemment, pompiers. Après une longue consultation, cette circulaire a clarifié le rôle de chacun et fait du "112" le numéro exclusif du secours en montagne. Or un an après, le compte n'y est pas. Dans une motion adoptée fin août, la fédération interpelle le ministre de l'Intérieur sur certaines "situations de blocage" : maintien de numéro d'appels à 10 chiffres dans certains départements, remise en cause de la place des pompiers ravalés au rang de supplétifs...
La fédération entend enfin alerter le gouvernement sur les menaces qui pèsent sur l'industrie de la sécurité civile. "La marque France est reconnue partout dans le monde, mais il n'y a pas de soutien à l'exportation, déplore Eric Faure. Nous rencontrons des difficultés d'identification, ce qui pénalise nos industriels." Et de citer les difficultés de la société nazairienne Sides, fabriquant de véhicules de pompiers, sur le point d'être vendue. "Nous n'avons pas envie que cela s'arrête ; il est essentiel que la politique de sécurité civile soit prise en compte par l'Etat, alors qu'elle est aujourd'hui noyée dans plusieurs ministères", lance encore Eric Faure.

 

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