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Smart cities - Pour Villes de France, les villes moyennes ont de l'intelligence à revendre

L'association Villes de France, en partenariat avec Orange, Tactis, Veolia et Villes internet, publie une étude sur les spécificités de l'innovation telle qu'elle est portée non par les métropoles, mais par des villes moyennes (20.000 à 100.000 habitants). Il en ressort que ces villes, représentant quelque 30 millions d'habitants, peuvent difficilement se positionner à la pointe de l'innovation urbaine, mais peuvent se targuer d'une intelligence plus "humaine" par la proximité avec leurs administrés et la compréhension fine de leurs besoins. La publication propose des outils pour construire une stratégie locale en mobilisant les outils numériques au service du "fourmillement des projets", avant de dresser le portrait de douze territoires innovants.

Aux vastes programmes intégrés de ville intelligente, plébiscités par les agglomérations de rang métropolitain, les villes moyennes préfèrent des projets plus ponctuels et réalistes au vu de la capacité limitée des équipes dédiées et de leurs moyens. C'est le message, réaliste et optimiste, que Villes de France a voulu faire passer avec ses partenaires dans une étude intitulée "En route vers des villes plus intelligentes".

Les priorités de la ville moyenne intelligente

Les projets numériques des villes moyennes sont souvent orientés vers la satisfaction de besoins d'e-administration et l'amélioration du service public (52% des villes interrogées ont un projet opérationnel dans le domaine), une spécificité de cette catégorie de villes. Ces projets se concrétisent par la mise en place de plateformes de e-services sur le portail officiel de la collectivité et, plus rarement, par une application mobile (par exemple Ma Ville Dans ma Poche, développée par Orange, ou Urban Pulse par Veolia). Les options proposées fédèrent un maximum de services urbains : place de parking la plus proche, heure d'arrivée du prochain bus, signalement d'incidents, points d'intérêt et indicateurs de fréquentation. Autres sujets phares des programmes de ville intelligente : l'inclusion numérique, les mobilités et les réseaux d'eau (39%).

Si les projets labellisés "intelligents" visant le développement économique abondent dans les villes moyennes - elles sont 35% à assurer un soutien à la filière numérique, ou encore une ouverture d'espaces de type tiers-lieu, fab-lab ou coworking - ils restent relativement moins visibles que dans la stratégie des métropoles intelligentes, pour lesquelles le digital est un levier d'attractivité critique.

Les données, qui constituent le nerf de la guerre dans l'élaboration d'une stratégie “smart city”, sont pourtant le parent pauvre de la stratégie des villes moyennes : seules 17% des villes ont un projet opérationnel. L'ouverture des données a peu progressé depuis la publication - déjà ancienne - des délibérations des collectivités et des données SIG. La modernisation des systèmes d'information n'aurait été engagée que dans 9% des EPCI et 13% des villes centres. Les outils d'intelligence décisionnelle progressent dans la gestion des bâtiments, mais le recours aux sciences de la donnée et aux tableaux de bord ouvrant la voie du “monitoring urbain” restent encore d'un usage très limité dans les villes moyennes. Enfin, l'énergie n'a donné lieu à un projet opérationnel que dans 13% des villes.

Méthodes et financements

L'étude livre certaines méthodes agiles d'amorçage du projet de ville intelligente (ouverture de la donnée, montage d'un protocole d'expérimentation, travail avec des panels de citoyens testeurs) tout en avertissant sur la difficulté du passage du démonstrateur à l'échelle de la ville entière : "Le territoire intelligent intégrant de plus en plus de services numériques embarque aussi leurs obsolescences". Sont également indiqués de nombreux leviers de financements européens, nationaux et locaux.
Douze villes font l'objet d'un portrait détaillé explicitant leur démarche de ville intelligente : Agen (solidarité numérique), Arras (Human smart city), Beauvais (le quotidien numérique), Bethune (Cap 2020), Boulogne-sur-Mer (innovation numérique collaborative), Cahors (Pass citoyen de proximité), Chartres (éclairage public multi-capteurs), Martigues (Wifi indoor), Niort (Niort Numéric), Pau Béarn Pyrénées (hypervision urbaine), Tarbes (éducation numérique) et Vannes (le numérique à tout âge).

L'acculturation nécessaire des administrations locales au discours et aux outils de la ville intelligente

Afin de développer la culture collaborative et expérimentale qui soutient la digitalisation des services urbains, l'étude relève le besoin urgent de formation aux outils pour les agents, et de sensibilisation des élus, en citant le rapport Belot sur la ville intelligente (voir notre article du 20 avril 2017). Celui-ci préconisait la constitution d'un "passeport digital" pour les élus, afin de renforcer l'appropriation des enjeux numériques et de cyber-sécurité. Les auteurs interpellent sur ce point crucial de la protection des données personnelles et sensibles en suggérant de "procéder régulièrement à des tests de robustesse en confiant à des 'hackers éthiques' des missions pour éprouver la sécurité des solutions informatiques en place". C'est ici l'acceptabilité du modèle de la ville intelligente qui est en jeu, ce que relève bien la présidente de Villes de France, Caroline Cayeux.

Quel modèle de gouvernance pour la ville intelligente ?

Si les modes de pilotage varient pour chaque collectivité, avec bien souvent une attribution du sujet au service de développement économique, l'Agence du Numérique suggère la constitution d'une équipe agile, pilotée au sein de la direction générale des services avec un référent dans chaque service, afin de favoriser la transversalité des projets et et les opportunités d'optimisation des coûts de fonctionnement.
Ce défi de la gouvernance est lourd de conséquences, puisque les stratégies de ville intelligente, les recompositions d'effectifs qu'elles engagent et les économies espérées constituent en fin de compte le levier principal d'incitation dans la mise en œuvre de telles politiques, avec en ligne de mire la modernisation de fond en comble de l'administration locale. De fait, la sectorisation des projets dans une "approche métiers" est encore la formule qui prévaut au sein des villes moyennes, là où l'ambition de la ville intelligente est de fluidifier la gestion de la ville et de ses interactions.
Plus frugale, plus originale, mais moins transversale, c'est le constat final qui vient définir la spécificité de la ville moyenne intelligente.