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Risques - PPRT : les collectivités ont encore du mal à appréhender la procédure

Une enquête sur l'implication des collectivités dans la procédure des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) montre qu'elles ont intérêt à se doter de compétences techniques pour mieux participer à la démarche et construire un partenariat équilibré avec l'Etat en matière de risque industriel.

Il est difficile pour une collectivité d'influer sur le déroulement d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) en raison de la complexité technique et administrative de la procédure et de l'omniprésence de l'Etat, conclut une enquête qui vient d'être publiée par l'Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris). Réalisée en 2012 avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), cette étude était centrée sur la manière dont les collectivités territoriales se sentaient associées au dispositif.
Depuis la loi Bachelot de 2003, collectivités et riverains sont en effet devenues parties prenantes de la démarche. Mais la réglementation PPRT s'est dans le même temps fortement complexifiée. Pour une évaluation plus fine du risque, on y a introduit "des évaluations probabilistes, sept niveaux d'aléas distincts et des évaluations de la vulnérabilité des bâtis", rappelle l'étude. Or les nouveaux acteurs comme les collectivités possèdent "dans la majorité des cas très peu d'expertise technique alors qu'elle est la pierre angulaire de la démarche […], pointe-t-elle. En définitive, ce sont les experts techniques qui déterminent les contraintes, le cadre problématique et la manière dont, au-delà des enjeux de sécurité, les questions économiques et sociales sont traitées dans le PPRT". Il en résulte immanquablement de la défiance à l'égard de la procédure. "L'élaboration de l'aléa s'effectue dans le cadre d'échanges bilatéraux entre les Dreal et les industriels. Les Dreal ne présentent la carte des aléas qu'une fois validée […]. L'éviction des collectivités de cette étape du PPRT est perçue comme 'un des plus grands loupés de la démarche PPRT'", rapporte l'étude. Les élus ont aussi du mal à se positionner et à expliquer à leurs administrés une procédure sur laquelle ils n'ont ni le pouvoir de décision ni toutes les réponses aux questions que l'on peut leur poser. Autre enseignement de l'étude : l'omniprésence de l'Etat. Dans la procédure PPRT, il est tour à tour décideur final, expert technique, partie prenante, concepteur de la démarche participative et garant de son déroulement.

Des inititatives locales à suivre

Difficile dans ces conditions pour les autres acteurs de peser réellement dans la démarche. Un certain nombre de collectivités ont cependant pris des initiatives, le PPRT pouvant jouer à ce titre un rôle incitatif majeur. L'enquête fait ressortir plusieurs stratégies. L'une consiste à acquérir de nouvelles compétences en risques accidentels. Si l'on note une montée sensible de cette tendance, elle est encore le fait d'une minorité de collectivités. Sur les 37 communes interrogées dans l'enquête Amaris-Ineris, 12 seulement (32%) disposent d'une compétence technique sur les risques, alors qu'elles appartiennent à 31 intercommunalités différentes dont 9 leur apportent un appui. Beaucoup de communes ont aussi mis en place une démarche d'information des riverains, en complément des dispositifs existants comme les comités locaux d'information et de concertation (Clic) ou les réunions publiques, jugés très insuffisants. L'étude cite l'exemple de la conférence riveraine de Feyzin et de la cellule d'information spécialisée de La Rochelle. "Généralement, ces démarches s'appuient sur les structures de démocratie participative préexistantes au PPRT", souligne-t-elle. Elle cite aussi le cas de Strasbourg où la communauté urbaine (CUS), en partenariat avec le Port aux pétroles, a cofinancé une étude visant à identifier de nouvelles mesures de réduction des risques. "Si, en définitive, aucune de ces mesures n'a été réalisée, la pression sociale ainsi exercée a poussé un des industriels à fermer des stockages dont l'exploitation ne semblait plus justifiée", pointe l'étude. Une nouvelle carte des aléas a ainsi été élaborée en 2011, ce qui montre qu'une collectivité peut entrer avec succès dans une réflexion sur les aléas, estime-t-elle.
Au-delà des difficultés de compréhension de la dimension technique des PPRT, l'étude constate aussi que les collectivités ont du mal à coordonner leurs différents services dont les compétences peuvent intervenir à tout moment dans la procédure. Autre écueil : la compétence risques n'est toujours pas identifiée comme telle dans les collectivités, et les communes se retrouvent souvent seules à se mobiliser, faute de collaboration bien établie avec l'échelon intercommunal. Enfin, sur le terrain, l'étude souligne que la procédure PPRT s'articule difficilement avec les autres dimensions du territoire, d'abord pour des raisons internes aux collectivités – le risque est une notion transversale qui doit être abordée dans le cadre d'une vision à long terme, avec des outils méthodologiques dédiés et gérés par un responsable des risques – et par manque d'outils méthodologiques validés par l'Etat et les collectivités pour permettre une communication effective des différentes politiques, y compris celle relative aux risques accidentels.
Parmi les pistes d'amélioration à apporter, l'étude insiste sur la nécessité de mettre en place des dispositifs d'information ciblés des riverains ou des évaluations des aléas prenant en compte aussitôt que possible les contraintes du territoire. A plus long terme, elle préconise un vrai partenariat Etat-collectivités "basé sur une conscience commune des risques et sur des politiques territoriales qui prennent systématiquement en compte le risque industriel". "Néanmoins, ajoute-t-elle, un tel partenariat ne peut prendre forme que si les collectivités se dotent elles aussi de compétences et d'outils qui leur permettent de considérer systématiquement la question des risques dans toutes leurs politiques."