Prélèvements et consommations d’eau : France Stratégie livre un éclairage inédit pour anticiper les conflits d'usage

France Stratégie a dévoilé ce 18 avril une note sur les prélèvements et consommations d'eau à l'échelle des sept grands bassins versants de la France métropolitaine qui propose un niveau d'analyse plus fin que les statistiques habituelles en fournissant des données par secteur. Destinée à éclairer le débat dans le cadre d'un travail de prospective sur les usages de l'eau et les tensions qui pourraient en résulter, elle montre notamment que l'énergie reste la championne des prélèvements, en particulier pour les besoins de refroidissement des centrales nucléaires, mais que l'agriculture arrive en tête des consommations, avec des équipements d'irrigation qui se développent dans toutes les régions.

Au cours de ces 15 dernières années, la ressource en eau dite renouvelable, c'est-à-dire correspondant au volume annuel de précipitations ruisselant vers les cours d'eau et les lacs ou s'infiltrant dans les nappes, duquel on soustrait l'évapotranspiration (absorption par les plantes et évaporation naturelle) a diminué de 14% en France, pouvant entraîner des conflits d'usage et fragiliser les écosystèmes dans certains territoires et à certaines périodes de l'année, rappelle d'emblée une note de France Stratégie sur les prélèvements et consommations d'eau à l'échelle des sept grands bassins versants de la France métropolitaine dévoilée ce 18 avril. Cette étude, qui présente un panorama des prélèvements et des consommations (c'est-à-dire de l'eau non directement restituée au milieu) constitue la première étape d'un travail de prospective sur les usages de l'eau et des tensions qui pourraient en résulter à l'horizon 2050.

Son originalité, selon ses auteurs, tient au fait qu'elle a cherché à la fois à identifier de manière plus précise que les statistiques officielles les usages finaux de l'eau – à quoi sert l'eau prélevée et consommée ? -, à avoir une vue plus complète en tenant compte des prélèvements et des consommations non connus et à réévaluer les facteurs de consommation pour mieux estimer le rôle des différentes activités dans la consommation totale.

Près de la moitié des prélèvements pour la production d'énergie

Les résultats montrent que les prélèvements s’élèvent à 30 milliards de mètres cubes en 2020 en France hexagonale et en Corse, dont 47% sont imputables au secteur de la production d'énergie (pour le refroidissement des centrales nucléaires). Ces prélèvements sont "particulièrement élevés" dans le bassin versant Rhône-Méditerranée (80% du total du secteur de l'énergie), en raison de la présence de réacteurs fonctionnant en circuit ouvert, un type de centrale qui requiert une grande quantité d'eau (233 m3/MWh). Les prélèvements agricoles (3,3 milliards de mètres cubes, 11% du total des prélèvements) sont essentiellement dus à l'irrigation, avec une forte concentration dans trois bassins versants (Rhône-Méditerranée, Loire-Bretagne et Adour-Garonne). Les prélèvements pour alimenter les canaux, concentrés dans le nord et l'est de la France représentent 5,5 milliards de mètres cubes (18% du total). Ceux d'eau potable destinée à un usage domestique sont estimés entre 4 et 4,4 milliards de mètres cubes entre 2012 et 2020 (14 % du total) et sont particulièrement élevés dans le bassin Seine Normandie qui concentre 28% de la population hexagonale. 8% des prélèvements sont dus à l’industrie, essentiellement la chimie, la pharmacie et l'agroalimentaire, et à la construction, et 2% au secteur tertiaire marchand et non marchand. Quant aux prélèvements non connus (forages domestiques), ils sont estimés à 0,2 milliard de mètres cubes.

L'irrigation agricole largement en tête des consommations

Les consommations, elles, s’élèvent à 4,4 milliards de mètres cubes, dont 62% pour l’irrigation, 14% pour l’énergie, 12% pour l’eau domestique, 9% pour l’industrie et la construction, 3% pour le tertiaire, et 0,4% pour les canaux. Les surfaces agricoles équipées pour l'irrigation ont crû de 23% en une décennie, passant de 2,309 millions d’hectares en 2010 à 2,843 millions d’hectares en 2020 et 10% des surfaces sont aujourd’hui équipées de systèmes d'irrigation. Cette hausse est observable dans tous les bassins mais c'est en Artois-Picardie qu'elle est la plus marquée (+78 %). C’est une région où sont cultivés des pommes de terre et de nombreux "légumes d’industrie" comme les haricots verts, les petits pois et les carottes, expliquent les auteurs de l'étude, et les agriculteurs ont besoin d’irrigation pour respecter les calibres imposés par les cahiers des charges des industriels.

France Stratégie a également affiné les facteurs de consommation qui permettent de calculer la consommation à partir des prélèvements et montre notamment que ce facteur pour l’industrie est plutôt de l’ordre de 17% que les 7 % retenus habituellement dans les statistiques officielles. Le secteur chimie-pharmacie est le plus grand préleveur (plus de 850 millions de mètres cubes) mais le secteur agroalimentaire est le plus grand consommateur (plus de 130 millions de mètres cubes).

Meilleure connaissance des stockages d'eau

La note met également en avant des avancées dans la connaissance des stockages d’eau. Leur évaporation est ainsi estimée à un milliard de mètres cubes par an. Des travaux satellitaires menés par l’Igedd permettent pour la première fois d’évaluer à 670.000 les retenues et réserves artificielles, avec une capacité cumulée de de stockage de 18 milliards de mètres cubes. Il est néanmoins impossible à ce stade de différencier les usages (production d’électricité, régulation des crues, alimentation en eau potable, irrigation ou soutien à l’étiage).

Le travail de France Stratégie va se poursuivre à partir de différents scénarios d'usage et climatiques pour donner lieu à l'automne prochain à un rapport prospectif qui doit permettre d'identifier les territoires et les périodes où des conflits d'usage pourront potentiellement advenir.

 

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