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Lutte contre l'exclusion - Prime d'activité : 1,5 million de gagnants et 740.000 perdants

Rapporteure générale du budget à l'Assemblée nationale, Valérie Rabault a remis, le 19 juillet, son rapport d'information sur l'application des mesures fiscales de la loi de finances. Elle s'y penche longuement sur la suppression de la prime pour l'emploi (PPE, dispositif fiscal) au 1er janvier 2016 et son remplacement, à la même date, par la prime d'activité (dispositif social), financée par l'Etat et versée par les CAF. En 2015, la PPE avait ainsi bénéficié à 5,35 millions de foyers fiscaux, pour une dépense fiscale de 2,09 milliards d'euros.

Un ciblage nettement plus social

Les chiffres publiés dans le rapport confirment le relatif "effet saupoudrage" de la PPE, qui a justifié sa fusion dans la prime d'activité : 825.000 foyers fiscaux appartenant aux déciles de niveau de vie 6 à 8 ont ainsi bénéficié de la PPE en 2015. De ce point de vue, la prime d'activité est beaucoup plus centrée sur les premiers déciles, même si son point de sortie est plus élevé que celui du RSA activité, qui l'a précédée.
Avec la réforme introduite au 1er janvier 2016, de nombreux bénéficiaires de la PPE ne sont plus éligibles à la prime d'activité, en raison d'un niveau de revenus trop élevé au regard des critères d'éligibilité de cette nouvelle prestation. En outre, certains foyers fiscaux avaient droit à la PPE tout en correspondant à un ménage relativement aisé. Le critère d'éligibilité à la PPE en termes de revenu fiscal de référence s'appréciait en effet au niveau du foyer fiscal, ce qui ne permettait pas de prendre en compte la situation des couples en concubinage. Avec la prime d'activité, la condition de ressources est désormais appréciée au niveau du ménage, ce qui supprime l'éligibilité de ces foyers.

Des perdants potentiels "repêchés" par la refonte du barème de l'IRPP

Valérie Rabault s'est donc intéressée au nombre de gagnants et de perdants de la réforme et, plus précisément, à l'éventualité d'un écart entre les prévisions de l'étude d'impact, réalisée lors de la préparation de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, et les résultats effectifs obtenu après l'entrée en vigueur de la réforme.
A l'époque, le nombre de foyers fiscaux perdant le bénéfice de la PPE sans être pour autant éligibles à la prime d'activité était estimé entre 1,2 et 1,4 million, selon les méthodes de projection retenues. Au final, le nombre de perdants est estimé aujourd'hui à 740.000. L'écart avec les prévisions de l'étude d'impact s'explique par la réforme concomitante du barème de l'impôt sur le revenu 2016, qui a favorisé les bas revenus et "repêché" certains perdants potentiels.
Du côté des gagnants, le rapport dénombre environ 1,5 million de ménages. Enfin, le nombre de ménages pour lesquels la réforme est neutre est estimé à 2,25 millions.
Autre constat, qui avait déjà été relevé (voir notre article ci-contre du 13 octobre 2015), les perdants n'appartiennent pas seulement aux ménages qui percevaient la PPE avec des revenus moyens. Le rapport dénombre en effet 560.000 perdants parmi les ménages appartenant aux quatre premiers déciles de niveau de vie, dont 74.000 pour le premier décile (revenus inférieurs à 10.730 euros par an) et 157.000 pour le second décile (revenus compris entre 10.730 et 13.530 euros).

Plus de 50% de nouveaux bénéficiaires

Le rapport fournit aussi des informations récentes sur la montée en charge de la prime d'activité et sur le profil des bénéficiaires. Ainsi, il rappelle que l'objectif 2016 - 2 millions de foyers bénéficiaires correspondant à 4,15 millions de personnes, pour un taux de recours de 50% - a déjà été atteint dès le mois de mars.
La prime d'activité semble également avoir touché les moins de 25 ans, qui n'avaient pas droit au RSA activité. Toujours à la fin mars 2016, on comptait ainsi 359.000 ménages dont la personne bénéficiaire correspond à cette tranche d'âge.
Plus largement, la prime d'activité a incontestablement touché de nouveaux bénéficiaires, jusqu'alors inconnus des CAF (ce qui est au demeurant normal, puisqu'elle remplace aussi la PPE qui était un dispositif fiscal...). A la fin du mois de mars 2016, les anciens titulaires du RSA avec un droit effectivement versé représentaient 42% du total des bénéficiaires de la prime d'activité (7% pour le RSA socle seul, 10% pour le RSA socle et activité et 25% pour le RSA activité seul). S'y ajoutent 37% de nouveaux bénéficiaires de 25 ans et plus (essentiellement d'anciens bénéficiaires de la PPE), 16% de nouveaux bénéficiaires de 18 à 25 ans et 5% d'ex-bénéficiaires du RSA avec un droit suspendu.
En termes de situation professionnelle et familiale, 70% des bénéficiaires de la prime d'activité au 31 mars sont des allocataires isolés actifs, 19% des couples monoactifs, 9% des couples biactifs, tandis que 2% ont une situation familiale ou professionnelle inconnue.