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Refondation de l'Ecole - Prochaine étape : réfléchir (enfin) à la "dimension territoriale de l'école" ?

Le Comité de suivi de la loi de 2013 pour la Refondation de l’Ecole exprime, en conclusion de son dernier rapport de 136 pages, "la nécessité d’étudier la dimension territoriale de l’école". Tout un symbole pour cette réforme menée par Vincent Peillon en début du quinquennat et qui, dès le départ, impliquait pourtant la coopération des collectivités. Zoom sur les recommandations qui les concernent en matière de scolarisation des enfants de moins de 3 ans, nouveaux rythmes scolaires, éducation prioritaire et service public du numérique éducatif.

"Les partenariats de l’école avec les collectivités locales et le réseau associatif, cruciaux, sont de plus en plus nombreux et ravivent la nécessité d’étudier la dimension territoriale de l’école", écrit le Comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’Ecole de la République du 8 juillet 2013, dite loi "Peillon", en conclusion du rapport qu'il vient de publier - le second du genre - sous la houlette de son président et ex-rapporteur de la loi à l'Assemblée, le député Yves Durand.
A lire dans la conclusion du rapport, cette nécessité d’étudier "la dimension territoriale de l’école" qui serait d'autant plus "ravivée" qu'elle constituerait la bonne porte d'entrée pour aborder le débat sur l'autonomie des écoles et des établissements. Il s'agirait de réfléchir à comment "leur permettre de s’ancrer dans leur territoire avec souplesse et créativité, tout en respectant le cadre national et engager en responsabilité l’ensemble des acteurs, des acteurs sur lesquels il faut autant s’appuyer pour faire réussir les élèves qu’ils doivent pouvoir être fiers d’appartenir au service public d’éducation".
Le Comité estime par exemple que "les territoires de l’école, du collège et du lycée, zones, secteurs, bassins, régions, académies, mais également les flux d’un espace à l’autre, des élèves, des enseignants, des pilotes, devaient faire l’objet d’une attention particulière et, peut-être, pourraient permettre une analyse au plus près des besoins, seule susceptible de faire évoluer le service public d’éducation dans le sens de l’efficacité, de la justice et du progrès".

La scolarisation des enfants de moins de 3 ans

Sur ce sujet en particulier, le Comité de suivi suggère de "resserrer les partenariats existants avec les collectivités locales". Car s'il note un réel "réengagement d’une politique éducative pour les plus jeunes enfants", il constate aussi que "les objectifs sont encore loin d’être atteints, comme le souligne le ministère lui-même". Il recommande aussi, sans originalité, de "diversifier les approches et trouver de nouveaux partenaires pour sensibiliser les familles", notamment parmi les associations, les acteurs publics de la petite enfance (protection maternelle et infantile, caisses d'allocations familiales, réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement aux parents, services enfance...) et de "favoriser l’entrée des familles dans l’école". Pour rappel, l'objectif est de 50% de scolarisation d'une classe d'âge en REP+ et de 30% dans les autres réseaux. Citant un rapport conjoint IGEN-IGAENR, sur le "Suivi de la préfiguration de la refondation de l’éducation prioritaire dans les REP+" de 2015, il rapporte "l’absence de soutien et les réticences financières des municipalités, dans un contexte de croissance démographique et de difficultés budgétaires, pour créer des locaux et affecter des personnels territoriaux supplémentaires (Atsem au minimum). Ici, les locaux manquent. Là, il est impossible de trouver des salles disponibles dans des écoles déjà saturées, par ailleurs mal adaptées, et le plus souvent vétustes. Si parfois certaines municipalités ne font pas preuve d’un grand enthousiasme, d’autres, ayant pourtant de gros besoins en la matière, n’ont pas les moyens d’un accueil spécifique des moins de trois ans. La question est importante car, faute de locaux, la scolarisation des enfants de moins de trois ans s’effectue le plus souvent dans des classes de petite section, avec le souci principal de compléter les effectifs, ce qui rend plus délicate la prise en compte des besoins spécifiques des enfants de cet âge".

Nouveaux rythmes scolaires et projets éducatifs de territoire (PEDT)

Sur ce sujet, le Comité amène peu de valeur ajoutée. Il formule trois recommandations de bon sens mais dont l'application semble peu crédible dans un futur proche : "construire et institutionnaliser le raccord de l’offre d’activités avec des enjeux d’apprentissages des enfants" ; "mettre en place un dispositif de formation et de qualification des acteurs du dispositif incluant l’évaluation de leurs compétences" ; "construire une évaluation multidimensionnelle du dispositif commune aux acteurs de l’éducation et aux acteurs des collectivités, en fonction de l’intérêt des enfants".

Education prioritaire

Le Comité estime qu'il s'agit là, peut-être encore plus que sur d'autres sujets, d'une politique "à évaluer en continu". Il note que "des effets positifs sont identifiés par les académies, en termes de ressources humaines, par exemple, de stabilisation des équipes pédagogiques (la balance d’entrées/demandes de sorties s’est inversée localement). Mais globalement, l’évaluation de cette politique est un chantier à engager", déplore-t-il.
Il retient également ce que Denis Meuret, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne, lui a confié : "Ce n'est pas la ségrégation qui a augmenté mais ce sont les effets de la ségrégation. Toutes les réformes de structure ont été faites (éviter le redoublement, les classes de niveaux, mettre en place un tronc commun jusqu’en fin de collège, …etc), mais le problème est culturel". Selon l'universitaire, "ce qui manque, ce sont des recherches sur les effets à long terme de l’éducation en France car on aura besoin de justifier les politiques éducatives au nom de leurs effets à long terme. Contrairement aux travaux des économistes, qui identifient des effets sur la croissance, quand il s’agit des dimensions non marchandes, on ne sait pas ce qui marche".
Le Comité de suivi recommande ainsi de "prendre en compte des variables que l’on sait mal traiter : caractéristiques des populations scolaires (tous les REP d'une part, tous les REP +, d'autre part, n'ont pas les mêmes caractéristiques) ; caractéristiques des "méthodes" et des démarches (il apparaît qu’une même "méthode" utilisée à deux moments différents aura des effets différents) ; caractéristiques des enseignants (motivation, formation, expérience, etc.) ; dimension longitudinale (les flux de population qui passent rapidement à certains endroits alors qu'ailleurs les élèves font tout leur parcours dans un même secteur) ; et interaction de ces variables en situation". Il considère que le Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire) est l’instance la plus à même de prendre en charge une telle "mise au point méthodologique consensuelle".

Mise en oeuvre du service public éducatif

Le Comité invite à réfléchir à un plan d’accompagnement du Plan numérique avec les collectivités, dans chaque académie, "voire au niveau de chaque bassin". Après avoir auditionné plusieurs acteurs locaux, il recommande de définir ces partenariats avec les collectivités "pour les rendre opérationnels".
Il a par exemple pris très au sérieux la remarque d'un principal expliquant que : “Il faut une mise en commun des compétences entre l’Education et les collectivités. On ne peut pas dire que les uns fournissent et les autres font. On doit travailler ensemble.”
Il a également retenu le témoignage d'un directeur académique pour le numérique (DAN) : “On travaille avec l’entreprise et le conseil départemental mais il y a des difficultés techniques. On est à la limite de ce que qu’on peut faire humainement. La crainte est qu’on nous demande une généralisation. On ne saurait pas comment accompagner".
"Les projets pédagogiques semblent ne pas toujours être pris en compte dans les politiques des collectivités territoriales concernant le numérique, ni dans l’offre de formation des ESPE", souligne le Comité. Il cite à ce propos un autre DAN : "Le volet pédagogique a disparu au profit de l’équipement. Il faut penser aux ressources, à l’accompagnement. II y a des demandes de la part des collectivités. Il y a aussi une pression de la filière du numérique, venant des entreprises, pour soutenir le numérique éducatif. Cela fait 30 ans qu’on sait qu’on a besoin de personnes ressources. Mais on continue à bricoler. On fait tourner des parcs importants avec des personnes payées quelques heures supplémentaires". Et le Comité d'attirer l’attention sur "le manque de ressources, humaines notamment, pour accompagner la formation au numérique, dimension qui ne figure pas explicitement dans le Plan numérique". Il recommande de "considérer la question des ressources humaines comme première et centrale dans la mise en oeuvre du Plan numérique".
Il se félicite que "de nombreuses académies" aient lancé des observatoires du numérique et des usages numériques.

 

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