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Projet de loi 3DS, finances, présidentielle… les élus urbains veulent peser

À l'approche de la réunion entre députés et sénateurs sur le projet de loi de décentralisation ("3DS"), les responsables de France urbaine mettent en garde contre la tentation de fragiliser les compétences intercommunales et métropolitaines. Lors d'une conférence de presse ce 25 janvier, ils ont par ailleurs annoncé qu'ils feront mi-mars des propositions en vue de l'élection présidentielle. Ils prônent un renforcement de la décentralisation et une relation de travail plus étroite avec l'État.

À deux jours de la réunion de la commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis entre les deux chambres sur les dispositions du projet de loi "3DS" restant en discussion, les élus des grandes villes et de leurs intercommunalités sont "extrêmement attentifs et mobilisés", a indiqué ce 25 janvier la présidente de France urbaine, Johanna Rolland. L'association des élus du monde urbain, qui organisait une conférence de presse en ligne, va être très vigilante en particulier sur la question de l'intérêt communautaire ou métropolitain, lequel sert à dessiner la frontière entre les compétences qui relèvent respectivement des communes et des communautés urbaines ou des métropoles. Le Sénat a introduit au début de l'été 2021 une mesure visant à renforcer sa place dans la pratique des grandes intercommunalités, avant que l'Assemblée nationale (à l'automne 2021) ne la supprime. Le Premier ministre, Jean Castex, s'est montré lui aussi hostile à cette disposition, lors du congrès des Intercommunalités de France (ex-ADCF) qui s'est tenu mi-octobre à Clermont-Ferrand. Les élus urbains pourraient donc se montrer confiants. Ils ne baissent pourtant pas la garde. "On entend cette petite musique critique qui va jusqu'à la défiance sur les intercos", a glissé Johanna Rolland. La maire et présidente de Nantes métropole a prévenu : "Détricoter dix ans d'histoire de l'action publique et des intercommunalités, ce serait un retour en arrière aussi contre-productif qu'inacceptable."

Députés et sénateurs parviendront-ils, jeudi prochain, à se mettre d'accord ? Les exigences des deux parties ne les obligeront-elles pas à constater l'échec de leur tentative de compromis ? Ce qui, compte tenu du calendrier serré d'ici la fin de la législature, pourrait conduire à une impasse, le texte ne pouvant alors pas être adopté définitivement. Une telle issue n'est pas à exclure.

Des avancées dans le projet de loi 3DS

Car si la réforme n'est pas aussi ambitieuse qu'ils l'auraient souhaité, elle apporte quelques améliorations, selon eux. Comme la reconnaissance d'une fonction d'autorité organisatrice de l'habitat au profit de certaines intercommunalités, la participation des intercommunalités au conseil d'administration des agences régionales de santé, la prise en compte des contrats locaux de santé dans les projets régionaux de santé, la possibilité pour les universités de constituer des sociétés publiques locales universitaires afin de gérer leur patrimoine "de manière innovante", ou encore la faculté pour les pôles métropolitains d'assumer le rôle d'autorité organisatrice de la mobilité. Ces mesures qui figurent dans la version du texte adoptée le 4 janvier par l'Assemblée nationale avaient été proposées par France urbaine.

Il reste que, selon l'association, le projet de loi ne va pas assez loin sur d'autres aspects, en particulier la transition écologique. Ils auraient souhaité que les intercommunalités volontaires bénéficient de la délégation des crédits du dispositif d'aides à la rénovation de l'habitat, "MaPrimeRénov'". France urbaine demande par ailleurs une décentralisation plus importante des crédits de la politique de la ville.

Lors de la discussion au cours de l'automne de la loi de finances pour 2022 publiée fin décembre, plusieurs des revendications émises par les élus des territoires urbains n'ont pas non plus été retenues, a déploré l'association. France urbaine demandait notamment "l'égalité de traitement" dans l'octroi des réponses en direction des autorités organisatrices de la mobilité et une mesure de compensation des pertes de recettes que le bloc communal enregistre cette année en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Élection présidentielle

Les grandes villes avaient particulièrement souffert de la crise sanitaire en 2020. Elles avaient en effet connu un recul de leur épargne brute de 900 millions d'euros, une somme qui représente les trois-quarts de la baisse en 2020 de l'épargne brute des communes, a rappelé Joël Bruneau, maire et président de la communauté urbaine de Caen-la-Mer. Or, les territoires urbains ont bénéficié de moins de 10% des compensations accordées par l'État dans le cadre de la clause de sauvegarde des finances du bloc communal pour l'année 2020 (exactement 16 millions d'euros sur un total de 193 millions).

À deux mois et demi du premier tour de l'élection présidentielle, les responsables de France urbaine ont aussi fait un point sur la préparation de leurs propositions. Sous la houlette de Nathalie Appéré, maire et présidente de Rennes métropole, et de Martine Vassal, présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence, l'association a entamé en mai dernier un "travail de fond" qui se concrétisera par la présentation mi-mars de plus d'une trentaine de fiches. En sachant que les propositions spécifiques en matière de sécurité urbaine, lesquelles sont préparées à l'occasion d'ateliers en régions, seront dévoilées le 3 mars. Cette plateforme sera présentée ensuite aux candidats, lors d'une audition qui sera organisée à Paris le 22 mars, en collaboration avec Intercommunalités de France.

Dialogue avec l'État

"On veut promouvoir la ville, la grande ville, la métropole, à rebours d'un discours qui peut être parfois dominant. Nous croyons que nos territoires urbains auront un rôle stratégique à jouer, pas pour eux-mêmes, mais pour l'ensemble du pays", a souligné Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse métropole et premier vice-président de l'association. Le projet de France urbaine fera donc la part belle aux coopérations entre les métropoles et leur environnement, alors que ces dernières années ces territoires ont parfois été critiqués pour leur trop faible solidarité avec leurs voisins.

On y trouvera aussi la proposition d'une France plus décentralisée, dans laquelle les collectivités disposent de davantage de marges de manœuvre fiscales et bénéficient d'une relation renouvelée avec l'État pour répondre aux "besoins des habitants".

Le dialogue avec l'État est particulièrement perfectible dans les domaines de l'éducation et de la petite enfance, a souligné Eric Piolle, maire de Grenoble. La réunion de concertation qui s'est tenue le 14 janvier dernier entre les élus locaux et le gouvernement, afin de mieux coordonner les efforts de l'État et du bloc communal au profit des élèves, a été "positive", a estimé l'édile. Qui attend toutefois que ce "travail partenarial" se poursuive "au-delà de la période de la crise sanitaire".